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Actualités - INTERVIEWS

PORTRAIT - Libanais d’origine arménienne et Arméniens de nationalité libanaise : la différence est de taille Kassardjian : La citoyenneté avant l’appartenance confessionnelle

«Nous sommes des Libanais d’origine arménienne et non des Arméniens portant la nationalité libanaise», Agop Kassardjian, nouveau député de Beyrouth explique sa conception politique en une seule phrase. Président du comité central mondial du parti arménien Ramgavar depuis 1997, ce quinquagénaire a entamé son chemin politique il y a bien longtemps. S’il s’est présenté sur la liste de l’actuel Premier ministre Rafic Hariri, c’est pour prouver avant tout que les Arméniens du Liban sont aussi Libanais que les autres : ils peuvent être loyalistes ou opposants. Dans une interview accordée à L’Orient-Le Jour, le nouveau député de Beyrouth, qui espère qu’un jour tous les Libanais pourront coexister, a contesté «la représentativité des Arméniens dans le nouveau gouvernement». Septième communauté du Liban, les Arméniens avaient droit, selon lui, à deux ministres. Ingénieur de formation, le nouveau député de Beyrouth s’est depuis toujours intéressé à la politique. Membre depuis son enfance de l’Union arménienne de bienfaisance (UGAP), son père était l’un des dirigeants de cet organisme fondé en 1926. Il devient au cours de ses années à l’université membre actif de la section universitaire de l’UGAP, pour occuper, plus tard, le poste de président universitaire de l’association. À partir de 1979, alors qu’il s’installe en France avec sa famille, il devient secrétaire général de la section française de l’UGAP et président de la section européenne du Ramgavar. Deux ans plus tôt en 1977, Kassardjian avait décidé d’adhérer au Ramgavar. Il indique à ce sujet : «L’UGAP est surtout présente au niveau sportif, culturel... bref d’œuvres de bienfaisance. Je voulais aider plus efficacement la cause arménienne et pour réussir, j’étais convaincu qu’il fallait adhérer à un parti politique». Comme le Ramgavar, fondé en 1921, était à ses yeux le parti le plus proche de l’UGAP, au niveau des principes et de l’idéologie, il choisit donc d’y adhérer. «Contrairement au Henchag et au Tachnag qui sont des partis socialistes, le Ramgavar est le seul parti arménien démocrate libéral», explique-t-il. En 1988, l’actuel député de Beyrouth est élu membre du comité central mondial du parti. En 1995, il en devient le président pour être réélu en 1999. Il quitte alors ses activités de dirigeant de l’UGAP. Il lui était , en effet, devenu impossible de cumuler deux postes, mais il reste cependant membre actif de la plus importante association de bienfaisance arménienne dans le monde. Au cours de l’été 2000, il devient le premier député Ramgavar au Parlement libanais depuis l’indépendance du pays. «Au Liban, où les Arméniens participent directement à la politique, il fallait que le Ramgavar, tout comme le Tachnag et le Henchag, existe sur le terrain», indique M. Kassardjian. Et d’ajouter : «À l’issue de la guerre, les données avaient changé et d’autres partis arméniens (notamment le Ramgavar) devaient participer à la vie politique libanaise». Les droits des Arméniens sont sacrés M. Kassardjian indique qu’en «1992 le parti a boycotté les élections mais que en 1996 il a accepté qu’Agop Demerdjian de l’UGAP (ancien député de Beyrouth) soit notre candidat». «En 1996, déjà le Ramgavar coopérait avec le Premier ministre Rafic Hariri et pour les élections de l’an 2000 on a décidé de participer avec lui aux élections», ajoute-t-il. Maintenant qu’il est élu, est-ce que le nouveau député de Beyrouth compte travailler avec le bloc Hariri ou compte-t-il former un bloc arménien au sein du Parlement ? Pour M. Kassardjian, le fait de participer aux élections du côté de l’opposition marquait un moment fort important pour les Arméniens. «C’était enfin le moment pour les Libanais d’origine arménienne de s’ouvrir à la société libanaise». «Le fait que les Arméniens figurent sur une liste de l’opposition marquait une nouvelle étape dans l’histoire de la communauté et celle du Liban», indique-t-il. Et d’ajouter qu’il fallait que «les candidats arméniens soient des Libanais d’origine arménienne et non des Arméniens de nationalité libanaise, la différence est de taille». Le nouveau député de Beyrouth précise qu’en «tant que Libanais, les Arméniens doivent avoir, comme leurs concitoyens, la liberté d’exprimer leur pensée politique, et de choisir ainsi leur camp, qu’ils soient loyalistes ou opposants». Après avoir exposé son idée, M. Kassardjian indique qu’à partir de ce fait «il n’est plus nécessaire d’avoir un bloc de députés arméniens au Parlement d’autant plus qu’un bloc élargi de 19 parlementaires (les députés de Beyrouth) est de loin plus important qu’un groupement réduit à six députés (arméniens)». M. Kassardjian précise cependant que «quand il existe des problèmes relatifs à la communauté arménienne, comme c’est le cas dans la formation du gouvernement, les parlementaires arméniens font bloc et exigent que leur droit soit respecté». Lors du vote de confiance, les députés arméniens du bloc Hariri s’étaient d’ailleurs abstenus. «Nous ne nous sommes pas opposés au gouvernement dans le sens de la déclaration ministérielle, mais nous n’avons pas approuvé une composition ministérielle où les Arméniens sont presque absents», explique-t-il. Et de qualifier «d’inacceptable» le fait qu’un seul ministre arménien ait été désigné. «Après l’accord de Taëf, les Libanais s’étaient entendus qu’en cas de formation d’un gouvernement élargi, les Arméniens – septième communauté du pays – devraient être représentés par deux ministres», ajoute le député qui refuse de considérer les Arméniens du Liban comme une communauté minoritaire. M. Kassardjian aurait souhaité dans ce cadre que l’attitude du Tachnag soit différente. «Il ne fallait pas que la position de M. Sebouh Hovananian soit aussi ambiguë ; dès le début il devait refuser catégoriquement de participer au gouvernement», explique-t-il. Quand le droit des Arméniens est lésé, il faut donc revenir au système de bloc arménien au sein du Parlement et oublier d’autres groupements comme celui du Premier ministre Hariri ? «Faire partie d’un bloc parlementaire et participer à la vie politique d’un pays est une chose, et la formation d’un gouvernement qui ignore les droits de la communauté arménienne en est une autre», indique M. Kassardjian pour qui «les droits de la communauté arménienne sont sacrés» et qui souhaite toujours qu’un deuxième ministre de sa communauté soit nommé au sein de ce gouvernement. Participation des femmes Malgré l’ouverture des Arméniens à la politique libanaise, effectuée au cours des dernières élections, ce sont donc toujours les questions arméniennes qui prennent le dessus ? «C’est le cas malheureusement», déclare le nouveau député de Beyrouth en soulignant qu’il «existe au Liban cette déformation de penser toujours au niveau communautaire et confessionnel». Et d’ajouter : «Dans ce pays tout le monde veut abolir le confessionnalisme, mais personne ne met ses idées en pratique». Le nouveau député estime que «les parlementaires arméniens de Beyrouth ont été les premiers à faire le pas initial vers l’abolition du confessionnalisme». Et de poursuivre : «Nous sommes prêts à l’ouverture mais nous tenons aussi à ne pas perdre notre identité». Le nouveau député de Beyrouth aimerait œuvrer dans plusieurs domaines. Du côté des jeunes, il faudra réduire l’âge de vote, et encourager leur participation à la vie politique en leur assurant des places dans le secteur public. «Il faut leur donner la chance de se prouver», indique-t-il. Un autre domaine importe à cet homme qui est le père de trois filles et qui a deux sœurs : inciter les femmes à participer à la vie politique. «Les femmes devraient être mieux représentées dans tous les secteurs et les institutions du pays», indique-t-il. «En politique, leur taux de représentativité est minime». Est-ce parce qu’il est entouré de femmes dans sa famille qu’il tient tellement au rôle qui devrait leur être accordé. «Pas forcément», indique le nouveau député de Beyrouth en souriant. Et d’expliquer : «Grâce à mon séjour en France où j’ai suivi de près la politique européenne ainsi que la réussite de plusieurs femmes, j’estime qu’elles possèdent des capacités qui les rendent parfois meilleures à un même poste que les hommes». «Je ne vois donc pas pourquoi au Liban la vie politique doit être restreinte uniquement aux hommes», ajoute-t-il. Il compte également assurer des postes aux jeunes Arméniens dans les diverses institutions publiques. «Par rapport aux autres communautés du pays nous sommes très mal représentés», note-t-il. Il assure que si les Arméniens sont mal représentés dans les administrations publiques, c’est à cause de leurs députés qui n’ont pas œuvré dans ce sens. «Peut-être qu’ils estimaient que la jeunesse arménienne n’était pas préparée à ce genre de poste», dit-il en indiquant qu’il «est grand temps» que les choses changent. D’ailleurs, dans son bureau au siège du parti, il est entouré de jeunes de la communauté qui sont fort compétents. Pour M. Kassardjian, «le salut du Liban demeure dans l’abolition du confessionnalisme». «Il faudra avant tout qu’on apprenne à vivre ensemble», ajoute-t-il. Et de souligner que «l’accent doit être mis sur la citoyenneté libanaise et non sur l’appartenance confessionnelle. Il faudra qu’on devienne des citoyens libanais avant tout», conclut-il.
«Nous sommes des Libanais d’origine arménienne et non des Arméniens portant la nationalité libanaise», Agop Kassardjian, nouveau député de Beyrouth explique sa conception politique en une seule phrase. Président du comité central mondial du parti arménien Ramgavar depuis 1997, ce quinquagénaire a entamé son chemin politique il y a bien longtemps. S’il s’est présenté...