Rechercher
Rechercher

Parlement 2009 - ANALYSE

TRIBUNE En quoi la baisse des droits de douane est une mesure positive ?

Les dernières décisions gouvernementales en matière de réduction des taxes douanières constituent une opportunité heureuse pour une nouvelle orientation de notre politique économique. Il est utile que toute personne en saisisse l’intérêt et l’ampleur. 1. La tendance économique actuelle Il faut savoir que les politiques économiques de la seconde moitié du XXe siècle sont actuellement largement rejetées. L’État-providence, l’État régulateur des marchés et autorité compétente pour distinguer l’économiquement important du secondaire, l’utile pour le consommateur du superflu, le secteur bénéfique de celui qui ne l’est pas, cet État-là s’est caractérisé par un échec quasi généralisé et particulièrement sensible dans les pays en voie de développement. L’histoire récente des faits économiques et sociaux démontre à l’évidence que c’est dans les pays où le rôle de l’État et le zèle des législateurs ont été les plus actifs que le chômage, l’inflation, le déséquilibre économique et l’écart des revenus au sein de la population sont aujourd’hui les plus sensibles. Les lois intrinsèques du marché se sont avérées bien plus appropriées pour aplanir les crises économiques. Il faut laisser faire ces régulateurs incomparables que sont les lois de l’offre et de la demande et changer l’orientation des interventions étatiques en matière d’économie du cadre de correcteur et contrôleur à celui d’amplificateur de la croissance, par l’encouragement de l’esprit d’entreprise, la simplification des procédures, la déréglementation et l’amélioration des conditions du marché. Moins de restrictions au libre-échange, moins d’interventions dans les circuits financiers, moins de contrôle sur les prix sont clairement parmi les meilleurs remèdes pour alimenter la croissance et surmonter la pauvreté et l’endettement. Ainsi donc moins de taxes, c’est moins de contraintes et de barrières, c’est plus de souplesse commerciale et de liberté aux marchés. C’est donc bon. Il faut applaudir et s’en féliciter. 2. Le cycle de croissance Lorsque le cycle de croissance d’une nation est rompu, il est essentiel d’identifier le moyen de le réactiver. Ce cycle est simple : les emplois assurent des revenus ; les revenus suscitent des dépenses ; les dépenses entretiennent la demande sur tous types de produits ; cette demande suscite la confiance des entreprises ; les entreprises confiantes investissent et embauchent ; l’embauche assure de nouveaux revenus... et ainsi la roue tourne ; et plus elle tourne vite et plus le cycle de la croissance s’accélère. Sans vouloir revenir sur la politique du gouvernement précédent, retenons tout simplement que par une série de mesures malheureuses, il en était arrivé à bloquer complètement ce processus de croissance dont les mécanismes viennent d’être décrits. Il fallait donc remettre la machine en marche en agissant sur l’un quelconque des leviers. – Mais lequel ? On pourrait par exemple choisir d’augmenter le revenu des citoyens. – Mais comment le faire ? Le moyen le plus direct serait naturellement de distribuer de l’argent aux ménages, cela paraît invraisemblable mais tout à fait logique et économiquement bénéfique. Monsieur Hariri n’est quand même pas le père Noël pour en arriver là, et il faudrait trouver un moyen pratique d’agir et un autre levier ; prenons celui des entreprises. – Comment encourager les entreprises à embaucher, à investir, à distribuer des salaires ? En les libérant de certaines contraintes, en leur fournissant de l’oxygène, en leur assurant des débouchés, en permettant à leurs produits de se vendre en plus grande quantité, et par-dessus tout, en leur adressant des messages d’encouragement et de confiance. Oui, en baissant les taxes l’État invite la communauté économique à sortir de sa torpeur. Il place le Liban comme plate-forme de choix sur la scène économique et touristique régionale... et le message est vite perçu par les milieux d’affaires qui vont anticiper et amplifier le phénomène. Dans ce contexte porteur, les entreprises bougent, elles vendent un peu plus, les consommateurs avec leur même pouvoir d’achat peuvent se permettre plus de fantaisies vu la baisse des prix, le cycle démarre... La baisse des taxes associée à l’ouverture du ciel libanais, à une baisse des taux d’intérêt, à une simplification des procédures administratives, à quelques privatisations réussies, à une réduction drastique de tous ces contrôles nuisibles visant à régulariser l’économie de marché ; toutes ces mesures combinées accéléreront le processus de croissance ouvrant la voie à la prospérité. Pour avoir donc permis d’entamer le cycle de croissance, nous devons également nous féliciter de la réduction des taxes douanières. 3. La lutte contre la contrebande Les taxes étaient d’un tel niveau au Liban que la contrebande et la contrefaçon y ont proliféré d’une façon désastreuse. L’État fort, l’État puissant et monolithique devait théoriquement mettre un terme a ces agissements. La réalité c’est que l’État est faible. Il a plusieurs centres de décision, il est mû par des intérêts contradictoires et est incapable d’imposer sa politique. Le pire dans tout cela n’est pas tant le fait même de cette impuissance qui est l’apanage des deux tiers des nations de l’humanité, mais de ne pas le reconnaître, et de définir des politiques en conséquence. La contrebande a donc proliféré à l’abri de taxes démesurées. La contrebande, c’est de l’argent au noir réinvesti dans un circuit immoral, celui de la drogue, de la prostitution et du jeu clandestin. L’encourager procède du délit de confiance. Économiquement, cette contrebande a contribué à tuer l’emploi au sein des entreprises. Elle a anéanti le profit et l’impôt sur le revenu. Il était grand temps de couper l’herbe sous les pieds de cette économie clandestine. Pour l’avoir fait sans attendre et sans demi-mesure, la baisse des taxes doit être également vivement applaudie. 4. La place de l’industrie Quelle triste erreur que d’opposer commerce et industrie et être porté à croire que le bonheur des uns fait le malheur des autres. Pour s’assurer que commerce et industrie sont frères siamois unis par un même destin il suffit de retourner aux mécanismes du cycle de croissance. Tout gravite autour de l’emploi, des salaires, de la consommation. Plus d’emplois dans le commerce, ce sont des revenus disponibles pour les produits industriels et vice versa. Si en encourageant le commerce on handicapait l’industrie, on n’aurait rien fait que transférer des emplois d’un secteur à l’autre. Ce qui favorise l’industrie, c’est la prospérité dans le pays qui suscite demande et consommation. La léthargie du commerce et la crise économique de ces dernières années sont les causes profondes des difficultés de l’industrie locale. Quant à croire que pour pouvoir écouler la production locale il faut interdire l’importation des produits équivalents de l’étranger, l’erreur est grossière. Une industrie, pour survivre, doit être compétitive, et cette affirmation est d’autant plus vraie dans un petit pays comme le nôtre où l’étroitesse du marché exige d’une industrie, pour perdurer, qu’elle soit capable d’exporter ses produits. Les taxes douanières – une fois de plus faut-il le répéter – faussent le jeu des règles naturelles pour l’équilibre des marchés. Elles protègent artificiellement des corps industriels incapables de survivre par eux-mêmes. Du fait de leur existence, ces taxes aléatoires altèrent aussi les conclusions des études de faisabilité et encouragent l’investissement productif dans des secteurs où il n’a – en dehors de toute protection – aucune chance de sérieusement prospérer. Il est temps d’être persuadés que les frontières économiques et les barrières artificielles entre régions, nations ou communautés sont vouées à disparaître. L’information tombe du ciel. Les produits traversent les espaces sans se soucier des interdits et des limitations. Le prix juste de chaque chose est affiché sur des milliers d’écrans. Ceux qui prétendent encore vouloir manipuler les consommateurs et orienter l’économie en utilisant inconsidérément taxes et législations sont des dupes qui peuvent mener notre pays au désastre. Pour avoir donné plus de chances à l’industrie nationale de gagner la bataille de la compétitivité et de la qualité, la baisse des taxes douanières est là aussi une mesure heureuse. Le Dr Kenichi Ohmae, stratège et économiste de renom, écrivait dans son livre The End of the Nation-State : «Tant que certains États-nations continueront à se considérer comme intervenants indispensables sur la scène économique, tant qu’ils résisteront à l’érosion de leur pouvoir central au nom d’une certaine souveraineté, ni eux-mêmes ni leurs citoyens ne seront en mesure d’exploiter toutes les richesses qu’offre la mondialisation». Ainsi donc, soit nous rejoignons le peloton qui surfe sur la croissance en adoptant leurs mêmes stratégies d’ouverture et de libéralisation, soit nous nous enfonçons dans la bureaucratie et le marasme économique. Le gouvernement de M. Hariri semble avoir fait le bon choix. L’opinion publique doit en être persuadée.
Les dernières décisions gouvernementales en matière de réduction des taxes douanières constituent une opportunité heureuse pour une nouvelle orientation de notre politique économique. Il est utile que toute personne en saisisse l’intérêt et l’ampleur. 1. La tendance économique actuelle Il faut savoir que les...