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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

FORUM - Sous l’égide des Nations unies, un projet pour définir l’étendue de la corruption au Liban Les médias, un quatrième pouvoir bien érodé…

Le Liban, un foyer de corruption ? Tout le monde en parle, mais nul ne réagit. Lors de son élection à la tête de l’État, le président Émile Lahoud avait pourtant fait de la lutte contre la corruption son principal cheval de bataille. Mais échéances sudistes et électorales obligent, il a dû modifier ses priorités, tout en affirmant aujourd’hui qu’il n’a jamais renoncé à cet objectif. Un comité national pour la lutte contre la corruption chargé de surveiller le fonctionnement des institutions vient d’ailleurs d’être formé par le gouvernement, mais sa tâche n’est pas aisée, car dans un pays où, côté financement l’opacité règne, le plus dur est encore de déterminer l’étendue des ravages de la corruption dans la vie au Liban. Ce comité national regroupe le député Boutros Harb, l’ancien président du Conseil supérieur de la magistrature Philippe Khairallah, Mme Gina Chammas et MM. Rahif Hajj Ali et Adnane Iskandar, pour la lutte contre la corruption. L’information est passée presque inaperçue tant l’actualité sudiste semble se précipiter. Pourtant, l’initiative est importante et ce comité tiendra cette semaine sa première réunion. Première constatation, ce comité a besoin d’outils pour agir. C’est là qu’interviennent les Nations unies. À la demande du gouvernement libanais, le CICP (United Nations for International Crime Prevention) et le ICJRI (United Nations Interregional Crime ans Justice Research Institute, ont demandé à la société Information International Research Consultants d’établir un état des lieux. Des enquêtes sur les douanes et d’autres institutions Ambitieux programme que le directeur de la société M. Jawad Adra s’emploie à réaliser. Elle organise ainsi 12 forums de discussions couvrant les divers aspects de la vie publique et privée, avec à chaque fois des spécialistes des domaines abordés : il y a eu ainsi un forum sur la corruption dans la diplomatie, au sein de la magistrature, dans les médias et, bientôt, d’autres forums sur la corruption au sein du Parlement, dans le milieu des affaires, dans l’administration publique, au niveau académique, dans les municipalités et les administrations régionales et chez les citoyens en général. Des enquêtes seront aussi réalisées au sein des douanes, de la chambre des plaintes au palais présidentiel et dans le processus électoral. Dans chaque forum, sept personnes parlent de leur expérience personnelle. Que ce soit au sein de la magistrature ou dans les médias, le constat est terrible. La corruption, définie dans son sens large comme étant un comportement qui utilise des pouvoirs à des fins personnelles ou lucratives, semble désormais systématique. Pour un journaliste ou un média, il s’agit donc de ne pas dire ce qu’il faut pour des raisons financières ou de dire ce qu’il ne faut pas pour les mêmes raisons. En l’absence de transparence dans le financement des médias et de l’inexistence d’organismes syndicaux puissants capables de protéger les journalistes et les organes de presse, il est très difficile d’avoir une presse indépendante et non corrompue. Si la dictature des groupes financiers et des patrons de publicité semble un fléau courant pour les médias du monde entier, au Liban, elle se double d’intérêts politiques et confessionnels aliénant encore plus la presse. Une presse libre, malgré tout Les participants au forum ont eu ainsi à répondre à plusieurs questions tournant autour du thème : la presse au Liban est-elle corrompue et si oui, quelles sont les raisons de cette corruption ? Les avis sont bien sûr variés, mais un seul point a fait l’unanimité : la corruption existe bel et bien au sein des médias. Elle serait même à un double niveau : celui des institutions et celui des journalistes eux-mêmes. Les participants ont même relevé le fait que tous les médias se sont solidarisés en faveur de trois de leurs confrères convoqués devant le juge d’instruction alors que nul n’a protesté lors du licenciement de trois journalistes travaillant pour une même institution en raison de la publication d’une information jugée contraire à la ligne politique du journal. Un des participants a aussi évoqué le fait que contrairement à ce qui se passe en Occident, les journalistes libanais aspirent à devenir des politiciens ou des conseillers des hommes du pouvoir, comme si la presse n’était qu’une étape pour gravir les échelons du pouvoir, une sorte d’antichambre dans la hiérarchie sociale. Plusieurs exemples d’enquêtes non publiées pour cause de mise en danger d’intérêts politiques ou financiers ont été cités, poussant les participants à conclure que lorsqu’un média (ou un journaliste) renonce à utiliser certaines informations en sa possession ou en utilise d’autres non vérifiées par intérêt personnel, il rompt le contrat tacite de confiance entre lui et ceux à qui il s’adresse. La presse, quatrième pouvoir au Liban ? Les participants à ce forum de discussion ont répondu non à cette question. Selon eux, les salaires trop bas poussent les journalistes à se trouver d’autres rentrées, souvent aliénantes. De plus, les syndicats trop faibles ou complaisants avec les structures en place ne leur offrent pas une véritable protection et, enfin, il n’existe pas de véritable formation de journalisme d’investigation qui permettrait aux enquêteurs de trouver des sources crédibles et de recouper les informations. Un sondage effectué par la société Information International Research Consultants sur un échantillon de 1 214 Libanais montre toutefois que les citoyens ont relativement confiance dans leurs médias puisque 53,7 % des personnes interrogées estiment que la presse au Liban est libre. Cependant, 42,9 % d’entre elles considèrent que les médias ont aidé à la diffusion de la corruption. Une enquête sur le financement des médias au Liban révèle un partage confessionnel et familial des organes de presse ainsi qu’une tendance à uniformiser la source de financement des médias. Selon les participants, elle pourrait aliéner encore plus la presse car la diversité des sources de financement est une garantie de la diversité dans les informations, lorsqu’une véritable démocratie fait défaut. De l’avis de tous les participants, il est urgent de donner une meilleure formation aux journalistes, de façon qu’en dépit des contraintes imposées par leurs patrons, il leur soit possible de donner des informations aussi crédibles que possibles. Mais, en fin de compte, la presse n’est que le reflet de la société et obéit aux mêmes mécanismes de fonctionnement. Si la corruption est pratiquement systématique dans tous les domaines de la vie publique, il est normal que la presse n’y échappe pas. Comment l’éradiquer ? C’est encore ce qui reste à étudier. Scarlett HADDAD
Le Liban, un foyer de corruption ? Tout le monde en parle, mais nul ne réagit. Lors de son élection à la tête de l’État, le président Émile Lahoud avait pourtant fait de la lutte contre la corruption son principal cheval de bataille. Mais échéances sudistes et électorales obligent, il a dû modifier ses priorités, tout en affirmant aujourd’hui qu’il n’a jamais...