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Actualités - CHRONOLOGIE

Justice - Les avocats étudient diverses possibilités de recours La Cour de cassation a tranché : fermeture confirmée pour MTV et RML(photo)

Comme s’ils en avaient honte, les juges de la Cour de cassation, présidée par M. Afif Chamseddine, n’ont pas pris la peine de lire officiellement leur jugement aux avocats et journalistes. À peine une rapide explication, dans le couloir, avant de lancer : « Le texte sera distribué. » Et, hop, les trois juges sont partis, laissant les présents digérer la pilule. L’histoire ne dit pas s’ils ont la conscience tranquille, mais ils sont certainement fiers de l’entourloupe trouvée, qui leur a permis de maintenir la fermeture de la MTV et de RML, tout en n’évoquant même pas le fond du problème et en ne se prononçant pas sur la culpabilité ou non de ces deux médias. Une décision d’une grande habileté juridique, mais côté respect des droits et libertés, il faudra repasser. La sentence est tombée sans appel, comme un couperet. Peine capitale pour la MTV et RML, avant même de savoir si elles sont coupables d’avoir menacé la paix civile. Une formule que l’esprit le plus tortueux aurait eu du mal à trouver, mais pas les juges du Liban, rompus à toutes les subtilités des « lois accordéon », qui s’élargissent ou rétrécissent selon le climat politique. Dès 9 h du matin, hier, avocats et journalistes se sont présentés au Palais de justice. Et, avec les nouvelles consignes de sécurité, depuis le crime de lundi dernier, la file est longue à l’entrée, fouille, vérification d’identité, les FSI prennent désormais leur mission au sérieux. Pour combien de temps ? La réponse reste en suspens. Une porte hermétiquement fermée Tout le monde veut monter au deuxième étage, devant la salle de la Cour de cassation. Mais contre toute attente, celle-ci reste vide. La foule se dirige alors vers le bureau du président Afif Chamseddine, à la porte hermétiquement fermée. C’est là que sont réunis les trois membres de la cour, M. Chamseddine, certes, mais aussi, MM. Mohammed Makki et Georges Haïdar, pour un ultime huis clos. Des rumeurs commencent aussitôt à circuler, faisant état de « nouvelles instructions de dernière minute » qui contraindraient le président et ses assesseurs à modifier leur jugement. Mais ces rumeurs ne sont pas confirmées. Devant la lourde porte de bois, journalistes, avocats et employés des médias fermés se rongent les sangs. Dès que la porte s’entrouvre, ils se précipitent pour entendre un vague « prenez patience », ou un « ce sera une fille et un garçon ». Bref, aucun indice sur la teneur du jugement. À 11h10, le président Chamseddine ouvre la porte, aussitôt assailli par les journalistes. « Il n’y aura pas d’audience, le texte sera distribué », lance-t-il, dans un souci évident d’éviter les questions. Devant l’insistance des présents, il résume le jugement de sa cour, prononcé à l’unanimité des membres. En gros, la cour a tenu compte des remarques de la défense concernant la contestation du premier jugement du tribunal des imprimés présidé par M. Labib Zouein, en date du 4 septembre. Selon la Cour de cassation, ce jugement ne peut être gracieux, et par conséquent, la défense aurait dû alors se pourvoir en cassation devant la présente cour, au lieu de présenter, comme elle l’a fait, un recours devant le même tribunal. La Cour de cassation a ainsi entériné le jugement du second tribunal des imprimés, présidé par M. Samir Alyé, qui avait considéré le recours de la défense irrecevable, car il n’y a pas de jugement gracieux et il fallait donc s’adresser à la Cour de cassation. Bref, des subtilités de procédure, qui se limitent à la forme, sans même aborder le fond. Et la MTV et RML, fermées depuis le 4 septembre, doivent le rester sans même avoir été jugées sur le fond du problème. Une affaire de délais Comble du cynisme, avant de s’en aller, le président Chamseddine déclare : « Si les délais le permettent, ce que j’ignore, il faut vérifier, la défense pourra présenter un nouveau pourvoi. » Or, dans le meilleur des cas, le délai d’un pourvoi ne peut dépasser les 30 jours et le pourvoi aurait dû être présenté contre le jugement daté du 4 septembre. Autrement dit, c’est la peine capitale pour la MTV et RML, une peine d’autant plus difficile à accepter que, comme le dit un des avocats, les deux jugements ont maintenu la décision de fermeture émise par le premier tribunal des imprimés, dont ils contestent le jugement. Un imbroglio comme seule la justice libanaise peut en produire et qui mine encore plus l’image des magistrats au Liban. Si beaucoup de personnes s’attendaient à un maintien de la fermeture, les circonstances politiques n’ayant pas vraiment changé, les avocats, eux, ne s’attendaient certainement pas à une telle entourloupe judiciaire, qui les met encore plus mal à l’aise, parce qu’elle rejette sur eux la responsabilité du mauvais recours. « Nous aurions dû présenter un tel pourvoi, mais nous avons préféré suivre les instructions du jugement du président Zouein qui avait lui-même considéré que, comme il s’agit d’un jugement gracieux, un recours éventuel devait être présenté devant la même instance », lance un avocat. Un autre se rappelle soudain comment, au cours de l’audience devant la Cour de cassation, le président Chamseddine avait demandé plusieurs fois aux avocats contre quelle décision ils se sont pourvus, comme s’il voulait leur donner déjà un indice... Maintenant, cela semble trop tard, même si certains avocats pensent qu’il est encore possible de faire quelque chose vu la complexité du dossier et le fait que les tribunaux étant en conflit sur la qualification de la procédure, les délais doivent être calculés différemment. « Les magistrats ne sont pas d’accord, et c’est la défense qui paie », s’écrie un avocat. Mais la réalité est bien différente et, comme l’a très rapidement déclaré l’ancien député Gabriel Murr, « c’est une décision purement politique ». Des lueurs d’espoir ? Pourtant, avec l’annonce faite par le ministre de l’Intérieur lui-même d’une rencontre entre lui et son cousin Michel, PDG de la MTV, le climat politique semblait moins lourd. Mais apparemment, il en fallait bien plus pour aboutir à la réouverture des médias concernés. Tous les présents ne peuvent cacher leur indignation, la ficelle paraît si grosse que nul ne parvient à y croire. Me Fouad Chebaklo, qui a une longue expérience en matière pénale et civile, reconnaît que c’est l’une des affaires les plus incroyables. « Comment une chaîne est-elle fermée sans avoir même pas pu se défendre ? » se demande-t-il. Il a beau ajouter qu’il s’attendait à une telle décision, il avait quand même un peu misé sur le bon sens des magistrats. « Nous devons toutefois nous incliner, déclare-t-il. Mais les avocats essaieront de trouver un moyen de présenter un nouveau recours. » Plusieurs possibilités pourraient s’offrir : soit un nouveau pourvoi devant la Cour de cassation, contre le jugement du 4 septembre, du tribunal présidé par Labib Zouein, considérant que les délais sont suspendus, en raison du conflit entre les tribunaux, soit un recours devant la chambre plénière de la Cour de cassation, qui regroupe tous les présidents de cassation et est coiffée par le chef du CSM, le magistrat Tanios Khoury, ou encore une décision du parquet considérant que la menace contre la paix civile que constituent la MTV et RML n’a plus raison d’être. Bref, les lois libanaises permettent mille et un scénarios pour qui a de l’imagination. Mais d’en être réduits à rechercher les quiproquos et les jeux de mots dans une affaire de droit pur et de libertés montre le niveau de déchéance dans lequel nous sommes tombés. En cette veille de fête, le Liban sombre dans la morosité. Scarlett HADDAD
Comme s’ils en avaient honte, les juges de la Cour de cassation, présidée par M. Afif Chamseddine, n’ont pas pris la peine de lire officiellement leur jugement aux avocats et journalistes. À peine une rapide explication, dans le couloir, avant de lancer : « Le texte sera distribué. » Et, hop, les trois juges sont partis, laissant les présents digérer la pilule. L’histoire...