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Actualités - INTERVIEWS

Interview - Le ministre helvète des AE commente l’entrée de son pays à l’Onu et son implication croissante en francophonie Joseph Deiss à « L’Orient-Le Jour » : Aujourd’hui je suis fier de voir la Suisse occuper la place qui lui revient...

Lausanne, de notre envoyé spécial Ziyad MAKHOUL Impossible de débuter une interview avec le ministre suisse des Affaires étrangères sans évoquer cette incroyable mutation de personnalité, de caractère, de la Suisse, désormais membre à part entière de l’Onu, et désormais hyperactive au sein de la francophonie. Remise en question-choc de la neutralité helvète ? Joseph Deiss, qui vit ses dernières heures de chef de la diplomatie suisse (il sera dès janvier à l’Économie), s’insurge. « Pas du tout. Nous avons fait une déclaration solennelle, comme quoi la Suisse, tout en intégrant l’Onu, reste neutre. D’ailleurs nous ne sommes pas le premier pays neutre à entrer à l’Onu. regardez l’Irlande. » Alors c’est quoi ? « La Suisse avait un déficit certain en matière d’ouverture, de multilatéralisme. Durant la guerre froide, nous avions le sentiment que la position de la Suisse pouvait être difficile, entre les deux blocs, si elle était membre de l’Onu », a rappelé Joseph Deiss, interrogé par L’Orient-Le Jour dans le cadre de la 18e session de la Conférence ministérielle de la francophonie, à Lausanne. Sauf qu’après les années 90, Berne a repensé sa politique extérieure. Sous l’impulsion de Joseph Deiss. Il y a même eu, durant la décennie, des gestes qui « auraient pu être interprétés comme une effraction à la neutralité » suisse. Les sanctions contre l’Irak, par exemple. « C’était une décision autonome. Nous avions le choix entre suivre la communauté internationale qui défendait le concept de droit, et un État en infraction. Et je me demande comment cette communauté internationale aurait réagi si la Suisse n’avait pas appliqué ces sanctions... » Effectivement. Ainsi, avec cette (lente) révision de certains principes de politique extérieure, l’adhésion à l’Onu « devenait naturelle ». Et comme tout se passe, en Suisse, en fonction de la volonté du peuple, il a fallu lutter, il a fallu un référendum et un score sans appel, « même si ce n’était pas un raz-de-marée » : 54 %. Fier, Joseph Deiss ? « Fier en tant que Suisse de voir mon pays occuper la place qui lui revient. La Suisse est un pays souverain qui va s’exprimer, et qui a trouvé sa place parmi les 191 autres membres de l’Onu. N’être qu’un observateur me coûtait, et me coûterait. » Pourquoi, aujourd’hui, cette présence de plus en plus musclée au sein de la famille francophone ? « Il y a plusieurs raisons. La question de l’identification culturelle est devenue, aujourd’hui, bien plus importante. Et puis la francophonie offre à la Suisse des éléments qu’elle n’aurait pas pu s’offrir toute seule. TV5 par exemple. Lorsque je suis arrivé en francophonie en tant que ministre des AE, je savais déjà qu’il fallait faire quelque chose. » Quelque chose qui ferait bouger, évoluer la planète et l’institution francophones. « Ce à quoi nous sommes arrivés aujourd’hui (les débats au sein de la 18e Conférence ministérielle de la francophonie), je l’avais déjà appelé de mes vœux lors de la première ministérielle. » Comment la voyez-vous cette politisation de plus en plus évidente de la francophonie ? « Elle me convient. Elle permet une plus forte mise en évidence des principes démocratiques, des droits de l’homme. Cela sans oublier la diversité culturelle. Il était nécessaire de dynamiser l’organisation de la francophonie. Boutros Boutros-Ghali l’a fait, grâce à son expérience politique. On ne pouvait pas faire que du culturel, que de la coopération. Il était nécessaire de donner une dimension politique à la francophonie – politique dans le sens d’une communauté de valeurs à partager. » On dit que c’est la Suisse qui a insisté pour que la ministérielle se tienne avec Boutros Boutros-Ghali comme secrétaire général. L’absence d’Abdou Diouf à Lausanne ne vous gêne pas ? « Il a été décidé que le passage de flambeau entre les deux secrétaires généraux se ferait d’une manière très nette. Jusqu’au 31 décembre, le patron, c’est Boutros Boutros-Ghali. Et la francophonie est suffisamment solide pour pouvoir fonctionner avec un seul secrétaire général », sourit Joseph Deiss. Qui s’est dit réjoui par la désignation d’Abdou Diouf comme successeur du grand ami des Suisses, BBG. Quelles sont aujourd’hui les priorités pour la Suisse, au niveau francophone ? « La déclaration de Bamako. Et celle de Beyrouth. La diversité culturelle. » On dit aussi que la Suisse tient tout particulièrement à présider le groupe de travail sur la réforme des instances. « Vous connaissez l’image du Suisse, avec sa caisse à outils institutionnels. Toujours prêt à s’intéresser, très pratique, comme une horloge qui tourne bien rond et qui donne l’heure exacte. » Vous voulez des changements en profondeur des institutions francophones ? « Rien qui ne soit en dehors de la Charte. » Au moins c’est clair. Et Joseph Deiss d’avouer que c’est grâce à la francophonie qu’il a pris goût au multilatéral. Il avoue aussi qu’il a appris à connaître Ghassan Salamé, « et à l’apprécier » à N’Djamena, lorsque le ministre de la Culture a présenté, devant la planète francophone, le projet de Beyrouth. « C’est un esprit plus que brillant. Et le président de la Confédération suisse, qui est alémanique, est rentré enthousiaste de Beyrouth. Il avait trouvé que le sommet a été particulièrement réussi. » Parole de Suisse.
Lausanne, de notre envoyé spécial Ziyad MAKHOUL Impossible de débuter une interview avec le ministre suisse des Affaires étrangères sans évoquer cette incroyable mutation de personnalité, de caractère, de la Suisse, désormais membre à part entière de l’Onu, et désormais hyperactive au sein de la francophonie. Remise en question-choc de la neutralité helvète ? Joseph...