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Actualités - CHRONOLOGIE

Débat Le séminaire du LCPS dresse un tableau plutôt sombre du paysage constitutionnel arabe

« J’ai été profondément peiné de la décision du Conseil constitutionnel libanais qui a désigné Ghassan Mouhkheiber à la députation ». Ces remarques ne sont pas celles d’un membre de l’opposition, mais d’un constitutionnaliste égyptien, Yehya al-Gamal, qui intervenait au cours d’un séminaire sur les « Constitutions et la vie constitutionnelle dans le monde arabe ». « J’aurais pu comprendre si cette instance avait tout simplement invalidé les élections , ou même si elle avait déclaré Myrna Murr victorieuse. Mais de là à consacrer la députation d’un candidat qui n’a obtenu que 1 700 voix, voilà qui est étonnant », a poursuivi M. Gamal avant de rappeler au public les valeurs sacro-saintes qui caractérisent la mission du Conseil constitutionnel. Organisée par le LCPS (Lebanese Center for Policy Studies) en collaboration avec la fondation Konrad Adenauer, cette rencontre à laquelle ont pris part de grands juristes et constitutionnalistes du monde arabe, a permis de faire le point sur un ensemble de problèmes relatifs à la mise en place des Constitutions, à leurs fonctions et modes d’application, dans une région où les déviations à la règle se sont elles-mêmes érigées en règle. « L’idée est née du besoin d’une critique comparative de l’état des Constitutions dans le monde arabe et de la nécessité de réactiver et de moderniser nos institutions publiques avec le soutien et la participation active des citoyens » , a souligné le directeur du LCPS, Sélim Nasr dans son mot introductif. Des questions majeures se posent aux juristes et aux chercheurs arabes, dit-il, à savoir comment mesurer l’efficacité des Constitutions à la lumière des notions de séparation, de contrôle et d’équilibre des pouvoirs. La fonction des Constitutions est-elle une fonction nationale, souverainiste, ou bien une fonction idéologique dont usent les hommes au pouvoir en confectionnant à leur mesure les textes fondamentaux ? C’est à toutes ces questions que tenteront de répondre les experts durant ces deux jours aux cours desquels vingt six intervenants se relayeront à la tribune pour faire un état des lieux. C’est un constat plutôt amer qui ressort des premières interventions axées sur l’absence d’une culture institutionnelle et constitutionnelle dans les pays arabes. « Les leaders continuent de croire – et cela se traduit dans la praxis – en un pouvoir unique. Du reste, les concepts d’institution, de légitimité et de compétence sont encore étrangers à nos gouvernants », a précisé M. Gamal. S’interrogeant sur le sens des lois fondamentales, plus précisément sur les recours constitutionnels, le directeur du centre d’études sur l’Union européenne, Chebli Mallat, a constaté que dans des pays tels que l’Iran, le Yémen, le Koweït ou le Liban, les hautes juridictions ont de tout temps ignoré les questions relatives aux droits de l’homme, pourtant reconnues dans les Constitutions. Bien au contraire, a ajouté le juriste, les pouvoirs exécutifs ont empêché ces juridictions de mener à bien leur mission, les transformant en un « instrument coercitif comme au Liban ou en Iran ». Et M. Mallat de se demander à quoi servent finalement les lois « si elles sont incapables de répondre aux besoins fondamentaux de l’homme ». Il a affirmé en outre que les changements constitutionnels – au Liban, en Tunisie, ou en Syrie – ont omis les débats dans le but d’affermir un pouvoir exécutif de facto qui empêche toute alternance, ou qui consacre le pouvoir personnel. Retraçant l’évolution de la Constitution libanaise, Issam Sleiman, professeur de sciences politiques à l’UL, a évoqué le phénomène de la troïka qui a fini par fausser le jeu constitutionnel « occultant le principe de la séparation des pouvoirs, affaiblissant le rôle du Parlement et confisquant le rôle du Conseil des ministres ». Khaled Kabbani, membre du Conseil d’État, a constaté à son tour que la vie politique dans le monde arabe est caractérisée par la mise à l’écart des partis politiques et de la société civile. Il a souligné en outre que « la plupart des régimes constitutionnels du monde arabe s’apparentent du régime présidentiel. Cela reflète le caractère personnel du pouvoir et l’absence de toute culture institutionnelle », a-t-il dit. Seule note optimiste dans ce tableau plutôt sombre du paysage constitutionnel arabe, l’expérience « réussie » du Maroc, aux dires de Chebli Mallat et d’Amina Massaoudi, professeur à l’Université Mohammad V. Elle évoque les « transformations majeures » d’un régime qui est passé du « système royal présidentiel » au système « royal parlementaire ». Fruit des deux réformes constitutionnelles de 1992 et de 1996, ces changements se sont soldés par le renforcement de la vie parlementaire en même temps que la consolidation du rôle du Premier ministre, une évolution qui se trouve aujourd’hui confortée par l’implication de toutes les forces actives du pays aux projets de réformes, explique Mme Massaoudi. Je.J.
« J’ai été profondément peiné de la décision du Conseil constitutionnel libanais qui a désigné Ghassan Mouhkheiber à la députation ». Ces remarques ne sont pas celles d’un membre de l’opposition, mais d’un constitutionnaliste égyptien, Yehya al-Gamal, qui intervenait au cours d’un séminaire sur les « Constitutions et la vie constitutionnelle dans le monde arabe...