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Actualités - OPINION

Le code électoral, un instrument essentiel pour la normalisation politique

La réforme politique n’a de sens que si elle institue (enfin) une véritable représentation parlementaire. Ce qui signifie qu’il faut (enfin bis) un code électoral équitable, égalitaire, équilibré. Pour que la démocratie républicaine puisse (enfin) prendre corps à travers un scrutin libre et honnête. Ce thème récurrent, le patriarche Sfeir l’a encore une fois évoqué dans son sermon dominical. En relevant en substance que « le peuple, laissé libre de ses choix, se tourne habituellement, pour leur confier la haute mission de le représenter, vers ceux qui sont doués d’un sens national certain. Qui jouissent d’une bonne renommée, déploient une vaste expérience et se trouvent aptes à répondre aux aspirations légitimes de leurs mandants. Ce qui induit une forte dose de confiance entre la population et ses dirigeants ». Concrètement, le sentiment d’injustice discriminatoire éprouvé par une frange des Libanais part des lois électorales successives, toutes tronquées, déséquilibrées. À chaque fois, les circonscriptions sont découpées à la mesure d’appétences déterminées, pour parachuter des candidats qui sont bien vus. Ce qui provoque un fort mécontentement populaire. Comme ce fut le cas jadis lors des fameuses élections truquées du 25 mai 1947. Dont le régime Béchara el-Khoury devait payer le prix plus tard, à la suite de la révolution blanche qui l’a renversé. Dix ans plus tard, le régime Chamoun opérait un découpage qui lui permettait, avec le concours actif de ses services, d’évincer des figures de proue comme Saëb Salam, Abdallah Yafi, Kamal Joumblatt et Ahmed el-Assaad. Un an plus tard, la révolution éclatait, la poudre parlant cette fois. Aujourd’hui, à l’ombre de Taëf et à l’issue d’une guerre de quinze ans, les manipulations électorales ne provoquent plus de soulèvement. Mais l’oppression reste la même. Taëf a été appliqué d’une manière inégale. Les milices n’ont pas été toutes dissoutes ; toutes les parties, libanaises ou autres, n’ont pas été désarmées ; une tranche importante des Libanais est exclue systématiquement de la participation à la prise des décisions, c’est-à-dire du pouvoir, à cause d’une loi électorale qui catapulte de faux représentants de cette collectivité, en favorisant une autre. Taëf stipule que le découpage doit se faire à l’échelon des mohafazats. Et, en trois éditions, cela ne s’est fait qu’imparfaitement, à la convenance d’une fraction déterminée et au détriment de son vis-à-vis. Effet bizarre de ces dispositions, l’on a pu voir des députés élus par 43 voix ! En 1992, le boycott a dépassé les 83 %. Les chrétiens, marginalisés, exclus de la vie politique, frappés dans leurs intérêts socio-économiques ou culturels, se sont trouvés en proie à ce que l’on a appelé le « ihbat », le désappointement, la peur, la déprime totale. Ils veulent pourtant la coexistence et la participation à l’édification du pays. Ils attendent légitimement de l’État qu’il protège tous les Libanais sans exception, sans prendre parti pour une fraction contre une autre. Le facteur de saine représentation, répétons-le, est capital. Le bon sens populaire le sait parfaitement. Ainsi, dans le temps lorsque Fouad Ghosn s’était retiré, sur pressions abusives du pouvoir, en faveur de Charles Malek, ses partisans avaient incendié sa demeure. Ils n’acceptaient pas qu’un député de proximité, les représentant vraiment, soit remplacé, même par une pointure mondiale comme Malek. À plus forte raison quand on prétend substituer des nains à des géants, comme cela s’est vu dans certaines régions. Il n’est pas étonnant dès lors que Mgr Sfeir accorde tant d’importance à la question de la loi électorale, qu’il ne cesse de rappeler. Une nation ne peut en effet vivre en boitant. Il lui faut trouver son équilibre par le respect du principe d’égalité qui seul peut souder la population, la rendre totalement solidaire face aux épreuves qu’elle affronte. Ce qui n’est pas possible quand un certain nombre de députés se trouvent élus non par la volonté du peuple mais contre cette même volonté. Cependant, un code électoral équilibré peut paraître utopique pour le moment. Car, comme le relève le patriarche, les autorités libanaises ont un problème évident en ce qui concerne leur marge potentielle de manœuvre et de réforme. En effet, ajoute le prélat, le Liban évolue dans une zone où les critères sont soumis à des champs magnétiques intérieurs ou extérieurs complexes et difficiles. Il est fréquent de voir les autorités locales empêchées de réaliser leurs objectifs par des considérations régionales ou internationales. Cependant, souligne le cardinal, cela ne les exonère pas de leurs responsabilités nationales les plus élémentaires, notamment en termes d’élections. Ce qui se ramène en somme à la pensée de Michel Chiha, le théoricien du Liban contemporain. Pour lui, la démocratie à la libanaise devait être le reflet d’une volonté de vivre et de légiférer en commun. Le Parlement devrait être le creuset, le lieu de rencontre incontournable des communautés unies au sein d’une même nation. La Chambre, ajoute Chiha, est l’écrin officialisé de la coexistence et de la participation. Son existence même conditionne les équilibres comme l’interactivité des couches, des composantes de la population. Dans un climat sécurisé de liberté et de tolérance. Si la représentation devait s’affaiblir en tant que telle, si le Parlement devait devenir un simple pantin, prévenait Chiha, le pouvoir en perdrait sa légitimité. Les dynamiques irrégulières deviendraient les forces organisées de l’État et le manipuleraient. Ce qui entraînerait le pays dans des aventures démentes. Ces propos prophétiques de Chiha soulignaient déjà la gravité des déchirures que peuvent provoquer dans un pays composite les défaillances en matière de démocratie. C’est-à-dire en matière de code électoral. Émile KHOURY
La réforme politique n’a de sens que si elle institue (enfin) une véritable représentation parlementaire. Ce qui signifie qu’il faut (enfin bis) un code électoral équitable, égalitaire, équilibré. Pour que la démocratie républicaine puisse (enfin) prendre corps à travers un scrutin libre et honnête. Ce thème récurrent, le patriarche Sfeir l’a encore une fois...