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Actualités - OPINION

Une césure politique aussi mal camouflée que préjudiciable

Faites ce qu’ils disent, ne faites pas ce qu’ils font. Cette exhortation messianique s’adresse à l’ensemble des Libanais. Dont les dirigeants protestent de leur unité en toute occasion verbale. Tandis que leurs camps respectifs se canardent allègrement sur plus d’un polygone de tir. Dont le cellulaire. Ce dossier, hautement technique en apparence, reste en réalité à forte connotation politique. Conflictuelle. Il ne met pas aux prises, comme dans tout pays normalement constitué, le pouvoir et l’opposition. Mais le pouvoir et le pouvoir. On entend ainsi des ministres, ou des organismes officiels, se lancer dans des diatribes enflammées contre les options d’autres pôles étatiques. Ces éruptions, est-il besoin de le souligner, sont hautement et doublement préjudiciables. D’une part, parce que l’opinion publique locale, pas dupe pour un sou, touche ainsi du doigt la plaie béante de la persistance des divisions entre dirigeants. D’autre part, parce que la position du Liban s’en trouve affaiblie à l’heure où il se rend à l’arbitrage pour le portable. Et à l’heure, aussi, où il a besoin de montrer patte blanche, côté crédibilité, aux donateurs ou créditeurs étrangers, dans la foulée de Paris II, comme dans la perspective de Paris III. Sur un plan prosaïque immédiat, il est assez clair que les deux opérateurs risquent de se servir des embardées ministérielles anti-Cardahi comme d’une pièce à conviction. Pour montrer aux juges que l’État libanais ne sait pas ce qu’il veut, ni où il va. Qu’il déraille en somme, n’y voit pas clair et agit sur des coups de tête, sans tenir compte du droit. De plus, autre évidence, les Libanais, désemparés, se demandent qui a raison. Et comment, répétons-le, les présidents parlent-ils d’entente, d’harmonie, de cohésion, alors que le ministre des Télécommunications n’est pas d’accord avec le Conseil des privatisations. Une inquiétude d’autant plus justifiée que le cellulaire, ce n’est pas une mince affaire. Selon l’expression d’un ministre, c’est le pétrole du Liban qui est en jeu. Une image un peu forcée certes, dans la mesure où le portable n’est pas une ressource. Mais qui se justifie en regard de l’importance capitale prise par ce secteur dans le domaine économique général. De même qu’en regard des profits que le Trésor public est censé en tirer. D’une manière indirecte, voire un peu perverse, dans ce sens que les sous viennent finalement de la poche des Libanais. Ponctuellement, les visiteurs de Baabda reconnaissent aujourd’hui que le régime se rallie sans retenue aux thèses de Cardahi. Donc, la question de savoir si ce dernier est couvert ou non se trouve désormais dépassée. Mais ces loyalistes, soucieux des nuances, ajoutent que le chef de l’État se propose de convaincre le Premier ministre de la justesse des vues du ministre concerné. Une façon de dire que le président de la République ne se place pas dans une optique de confrontation mais de dialogue avec Koraytem. Surtout qu’à son avis il n’y a pas de problème de fond et que le transfert de propriété devrait s’opérer sans objections majeures. À ce propos, Cardahi avait présenté au Conseil des ministres, le 28 novembre, un document de quatre pages fullscape développant sept remarques critiques. Le ministre avait explicité auparavant aux présidents Lahoud et Hariri ses réticences. Cependant, certains ministres continuent à soutenir que rien de cela n’a eu lieu, malgré les minutes (le compte-rendu officiel) de la séance où le mémo de Cardahi est enregistré. Pour ces ministres, leur collègue des Télécoms met des bâtons dans les roues, sciemment, par rapport à l’arrangement conclu entre les présidents. Le fait est, toutefois, que Cardahi n’a pas manifesté ouvertement d’opposition à l’accord lors de la séance. Ses proches expliquent aujourd’hui qu’il ne voulait pas, alors, paraître adopter une position de nature politique. C’est-à-dire qu’il ne voulait pas donner l’impression que les lahoudistes restaient à couteaux tirés avec les haririens, au moment où leurs chefs respectifs parlaient d’entente rétablie. De plus, ajoutent ces sources, les réserves de Cardahi ne sont pas en contradiction avec l’accord en tant que tel et ne portent, en somme, que sur des points ou des méthodes d’application. De la sorte, les lahoudistes et les haririens peuvent continuer à chanter tranquillement l’air de l’harmonie retrouvée. Même si, quelque part, cela sonne un peu faux. Philippe ABI-AKL
Faites ce qu’ils disent, ne faites pas ce qu’ils font. Cette exhortation messianique s’adresse à l’ensemble des Libanais. Dont les dirigeants protestent de leur unité en toute occasion verbale. Tandis que leurs camps respectifs se canardent allègrement sur plus d’un polygone de tir. Dont le cellulaire. Ce dossier, hautement technique en apparence, reste en réalité à...