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Actualités - OPINION

Opposition - Batailles inachevées et choix tactiques discutables Une pause plutôt morose du côté de la Rencontre

La Rencontre de Kornet Chehwane, devenue synonyme d’opposition dans un pays politiquement anémique, semble souffrir actuellement des contre-effets léthargiques des batailles qu’elle a livrées. Il lui faut maintenant résister à cette somnolence qui accompagne un affaiblissement dû à un excès antérieur de pugnacité. Qui l’a conduite à épuiser son arsenal dans des combats que d’aucuns jugent aussi inopportuns que déplacés. Elle doit surmonter le malaise. Et tenir en même temps le coup face à la virulente campagne de dénigrement dont elle continue à faire l’objet. Ses adversaires ne cessent en effet de porter contre elle, ou plus exactement contre certains de ses piliers majeurs, les pires accusations. Rien ne manque au tableau de chasse, ni les assertions de concussion ni la charge d’intelligence avec l’ennemi, de collusion avec Israël. Certains responsables n’hésitent d’ailleurs pas à dévoiler leur jeu : le but final est de disloquer Kornet Chehwane. Par l’intimidation ? Certes, mais aussi en tentant de dévoyer quelques-uns de ses membres. Et en s’efforçant, à coups de provocations, d’en pousser d’autres à la faute. Ce plan paraît à première vue facilité par la défection du Bloc national. Mais, pour emporter le morceau à coup presque sûr, les loyalistes doivent neutraliser la couverture que le patriarche Sfeir assure au groupe visé. En d’autres termes, ils cherchent à obtenir que, sur instructions de Bkerké, Mgr Youssef Béchara renonce à accueillir la Rencontre en son diocèse d’Antélias, et à en diriger les réunions. Parallèlement, les éléments dits modérés de la Rencontre se trouvent invités à rallier un autre bloc que l’on mettrait sur pied, qui ne serait pas confessionnellement monochrome et aurait l’air d’être « national ». Il s’agirait forcément d’une nouvelle formation, puisque ni le Rassemblement parlementaire de concertation ni, a fortiori, la cellule dite de Hamad n’offrent des caractéristiques œcuméniques. Ce cénacle, soutenu par le régime et béni par la Syrie, aurait le privilège de formuler des critiques, des revendications concernant divers dossiers intérieurs. En somme, le pouvoir rêve de voir s’installer en face de lui une opposition qui serait pratiquement sous son propre contrôle. Et cela sous prétexte qu’il est indispensable de préserver globalement l’unité des rangs, renforcer le front intérieur, face aux périls régionaux comme à la récession. À dire vrai, d’autres loyalistes recommandent une ligne d’attaque plus souple. Ils pensent qu’il suffit d’ignorer la Rencontre, de ne pas dialoguer avec elle, pour que petit à petit elle s’effrite. Selon ces stratèges, l’expérience montre que l’opposition chrétienne n’est jamais aussi efficace que lorsqu’elle est poussée dans ses derniers retranchements. Elle sait alors comment se défendre. Ils en donnent pour premier exemple le recours à la Syrie en 76. Puis le point marqué à travers le boycott généralisé de 92. Alors qu’en 96, le camp au pouvoir ayant assoupli ses positions au lieu de s’obstiner dans une logique d’affrontement, l’unité des rangs opposants s’était désagrégée. Ces mêmes sources loyalistes ajoutent que la mise en quarantaine de la Rencontre peut s’accompagner d’une large palette de pressions exercées par le pouvoir et par ses alliés. Jusqu’à ce que l’opposition demande grâce, ou se trouve obligée de solliciter son sauvetage de Damas. En réalité, on n’est pas loin de ce compte-là. Il faut en effet voir maintenant quel programme de défense la Rencontre va adopter. Va-t-elle faire le dos rond, hiberner, jusqu’à ce qu’on l’oublie un peu ? Va-t-elle faire semblant de se soumettre, comme Louis XI, face à Charles le Téméraire, va-t-elle reculer pour mieux sauter ? Certains de ses piliers vont-ils plier bagage ? Que vont faire ceux qui entretiennent des liens avec la Syrie ? Ou ceux qui font partie par ailleurs de blocs parlementaires redevenus loyalistes, comme celui de Joumblatt ? Peut-on envisager qu’au lieu de quitter la Rencontre, à laquelle ils restent fermement attachés, ils proposent en termes choisis de recourir à Damas pour qu’il fasse cesser le bruitage hostile à Kornet Chehwane ? Ce muselage se trouverait facilité par le fait qu’actuellement la question de la présence militaire syrienne est mise de côté par l’opposition. Certains des membres de Kornet Chehwane n’hésitent donc pas à indiquer, en privé, qu’il est préférable de s’adresser à Dieu plutôt qu’à ses saints. Et de relancer, le cas échéant, la Syrie plutôt que le pouvoir, pour une accalmie. Une tendance favorisée par les déclarations attribuées au président Assad, qui invite les musulmans « quels que soient leur volume et leur nombre, à préserver la caractéristique du Liban que constitue la présence chrétienne et le rôle qui lui est dévolu. Si les musulmans forment la majorité, ils doivent assumer, par devoir même, la quiétude de la minorité. » Émile KHOURY
La Rencontre de Kornet Chehwane, devenue synonyme d’opposition dans un pays politiquement anémique, semble souffrir actuellement des contre-effets léthargiques des batailles qu’elle a livrées. Il lui faut maintenant résister à cette somnolence qui accompagne un affaiblissement dû à un excès antérieur de pugnacité. Qui l’a conduite à épuiser son arsenal dans des...