THÉÂTRE - Au Béryte, jeudi, vendredi et samedi (20h15), jusqu’au 7 décembre. «Strip Tease», de Michel Jabre: la nue vérité du féminin(photos)

Pour la rentrée, une pièce qui frappe fort. Là où ça fait mal : au cœur des femmes. Oui, au cœur et non au corps, nonobstant le titre. Parce que Strip Tease, écrite et mise en scène par Michel Jabre, est une histoire d’amour. L’effeuillage n’est ici que psychologique. Mais il est total. Dans le sens où cette pièce dénude, à coups de monologues crus, l’âme d’une femme. Emblématique. Ainsi, chaque spectatrice reconnaît, pour l’avoir vécue, l’une ou l’autre des situations que traverse ce personnage, victime de l’amour. Et des hommes. On l’aura deviné, Strip Tease est une œuvre intimiste, mais réaliste. Un double coloriage qu’affiche souvent Jabre, metteur en scène adepte, selon ses dires, d’un théâtre féministe. D’ailleurs, il s’est inspiré des confidences de femmes de 18 à 40 ans, qui lui ont parlé de leur vie amoureuse et sexuelle. Des bribes de vécu qu’il a ensuite agencées pour tisser la trame de ce psychodrame. Un seul personnage, mais cinq comédiennes. Pourquoi ? Pour montrer, ou démontrer, que cette femme est « la » femme, dans son universalité. Ainsi, les interprètes se succèdent-elles en solo sur scène, pour se rejoindre, et se joindre, dans un flash-back final. La trame Venons-en à l’histoire : Adolescente, Zeina a subi un attouchement sexuel de la part de son frère. Elle y avait pris plaisir, d’où un profond sentiment de culpabilité. Dégoûtée d’elle-même et des hommes, voulant soigner le mal par le mal, elle se jette, à corps perdu, dans des relations sans amour et sans sensations. Jusqu’au jour où elle rencontre Antoine, plus âgé qu’elle, dont elle tombe amoureuse. Elle entame avec cet homme marié une liaison qui va durer cinq ans. Mais terrassé par une crise cardiaque, alors qu’elle lui faisait une scène de jalousie, Antoine va la laisser à nouveau seule, désemparée et culpabilisée. Désintéressée, elle donne l’argent que lui a laissé son amant à la veuve... Elle se met à travailler comme serveuse, et redevient la proie d’hommes entreprenants. Par un enchaînement fatal de circonstances, elle se retrouve en prison. Là, le geôlier va la harceler. Espérant trouver du réconfort dans la religion, Zeina se confesse à un prêtre qui ne comprend pas l’appel et se contente de lui infliger une pénitence propitiatoire de trois Ave doublés de trois Pater. Dès lors, elle aspire à l’ultime refuge d’un au-delà baignant dans un bleu silence. Traité en sept tableaux, ce malheur de femme, somme toute commun, est servi par un subtil équilibre entre le tragique et le comique. Le texte est porté par le jeu, impeccable, de jeunes comédiennes (voir encadré). La mise en scène est en parfaite harmonie avec le titre, c’est-à-dire dénudée. Aucun superflu : un bar, deux fauteuils, une chaise. Le tout enrobé d’un noir symbolique. Les monologues, ces murmures confidentiels que le cri déchire, s’envolent vers l’homme omniprésent, dans son absence scénique. Cinq rôles en un, cinq tranches d’une vie de femme telle qu’en elle-même le destin la change. Le plus saillant, sans doute, c’est la sincérité, la pureté intrinsèque d’une femme qui tombe en amour, comme dit le poète. Michel Jabre attaque de front les préjugés sociaux. Il a donc voulu dénoncer cette culpabilité absurde qu’on fait toujours porter aux femmes. Il brosse, en cinq coups de pinceau, le portrait d’une femme libre, noble, généreuse. Et par là même, souvent perçue comme une marginale sinon comme une dévoyée. Émouvante sans pleurnicheries, jaillie d’une écriture incisive, drôle et profonde à la fois, Strip Tease est une pièce bien construite, exception faite du dernier tableau qui ne semble pas indispensable. À voir. Zéna ZALZAL Les comédiennes Strip Tease est interprété par cinq jeunes comédiennes de talent, qui sont, par ordre d’apparition sur scène : Rita Choueiri, Pascale Sakr, Patricia Nammour, Chirine Karamé et Zeina Farjallah.