Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Conférence - Au Salon du livre, Nathalie Heinich présente « Mères-filles, une relation à trois » Différentes formes de dualités tirées des romans et des films(photos)

Utiliser la fiction pour déterminer les différents types de relations mères-filles n’est certes pas chose courante. C’est pourtant le défi que se sont fixé la sociologue Nathalie Heinich et la psychanalyste Caroline Eliacheff dans leur livre Mères-filles, une relation à trois, publié chez Albin Michel. Un livre où les deux femmes reconstituent l’éventail de toutes les relations possibles, à partir de cas empruntés à des romans ou à des films. Au cours d’une conférence dans le cadre du Salon du livre au Biel, Nathalie Heinich nous en dit plus sur un ouvrage qui a suscité de nombreuses critiques. Elles ont travaillé ensemble, sans vraiment savoir où elles allaient. Leurs supports de base ont été les romans et les films de cinéma. Dans cette recherche, aucun cas clinique, aucun personnage réel, mais des héros de romans ou de films, des problèmes plus ou moins complexes entre mères et filles, à travers divers tableaux, à travers diverses générations. En passant par la fiction, qui met en scène sous forme imaginaire les relations mères-filles, Nathalie Heinich et Caroline Eliacheff ont d’abord tâtonné, bricolé, relu des œuvres, revu des films. L’aboutissement de leur recherche s’est concrétisé dans une sorte de cartographie de ces différentes formes de dualités, notamment dans les situations de crise. Car, note Mme Heinich dans son livre, « si la fiction est un excellent révélateur des situations de crise, elle ne traite guère des situations sans tension ». Mais pourquoi employer la fiction pour répertorier des formes de relations ? « Parce que la fiction, qui cristallise un imaginaire collectif, nous mène dans ce monde collectif et permet au lecteur de se projeter sur la personne imaginaire », souligne l’auteur. Mères-filles, une relation à trois, ne relève ni de la sociologie ni de la psychanalyse. « Il est situé entre les deux », observe Nathalie Heinich. D’un côté, la sociologue revendique cet usage de la fiction comme un véritable travail sociologique, même s’il n’utilise pas la réalité, car, dit-elle, « les sciences humaines doivent prendre en compte tous les cas de figure. D’un autre, nous ne proposons ni la généalogie dans le temps ni un travail sur les trajectoires individuelles que les psychanalystes s’attendent à trouver, mais plutôt un répertoire ou un éventail de toutes les relations possibles, qui va permettre au lecteur de repérer son cas dans l’espace, de se situer par rapport à lui et de le relativiser ». Une dualité de laquelle le père est souvent exclu Certes, de nombreuses critiques ont été adressées à cet ouvrage pour le moins original. « On nous reproche d’avoir dressé un portrait noir des relations mères-filles, mais cela ne veut pas dire que toutes les relations sont problématiques. Simplement, nous avons travaillé à partir de la fiction et celle-ci se limite aux situations de crise », répond Nathalie Heinich à ses détracteurs. Trois lignes directrices émergent de l’ouvrage. Une première partie présente l’axe des différents types de mères, plus mères que femmes, plus femmes que mères, mères et femmes, ni mère ni femme... et les sortes de rapports que celles-ci construisent avec leurs filles. Des rapports où le tiers, qui représente le père ou la figure d’un père, est souvent exclu. Mme Heinich montrera, notamment à partir de l’exemple du film Bellissima de Luchino Visconti, l’itinéraire d’une fille surinvestie par sa mère, très performante durant son enfance pour répondre aux attentes de sa mère, mais qui s’enfonce dans la déprime à l’âge adulte. Au cœur de l’œuvre, Nathalie Heinich et Caroline Eliacheff mettent en valeur les mères extrêmes, supérieures, inférieures, maltraitantes, jalouses, injustes, défaillantes. La supériorité de la mère est mise en scène dans le film Sonate d’automne, dans lequel une fille reconnaît d’emblée la supériorité de sa mère, comme pianiste virtuose et comme femme. Quant aux femmes narcissiques, qui n’acceptent pas de vieillir et qui perçoivent l’existence d’une fille plus jeune comme une menace, elles sont dénoncées dans le conte de fées Blanche Neige. La dernière partie du livre pose le problème, vécu par la fille, de devenir femme, mère et grand-mère, de la transmission des rôles de génération en génération. Ainsi que le montre l’exemple du roman Le cercle de famille, d’André Maurois, qui met en valeur la transmission du caractère adultérin sur trois générations de femmes d’une même famille. C’est aussi sur le problème du deuil d’une fille ou d’une mère que les deux auteurs se penchent à la fin de leur exploration. « Le seul problème où la fiction fait preuve d’une grande pauvreté comparativement à l’importance de tels moments dans la vie d’une femme », observe Nathalie Heinich, ajoutant par contre que les témoignages littéraires relatant ce sujet ne manquent pas, « comme si, face à l’irruption de la mort, l’imaginaire tendait à régresser au profit du réel... pour laisser à la littérature le soin d’accompagner le deuil ». Anne-Marie el-HAGE
Utiliser la fiction pour déterminer les différents types de relations mères-filles n’est certes pas chose courante. C’est pourtant le défi que se sont fixé la sociologue Nathalie Heinich et la psychanalyste Caroline Eliacheff dans leur livre Mères-filles, une relation à trois, publié chez Albin Michel. Un livre où les deux femmes reconstituent l’éventail de toutes les...