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Actualités - OPINION

Scrutin de guerre

Ce n’est pas le tsunami promis par les stratèges du Grand Old Party, il s’en faut. Tout juste un léger glissement mais qui se traduit quand même par un gain de deux sièges au Sénat (en attendant le deuxième tour de la Louisiane) et de quatre élus à la Chambre des représentants. Au vu des scores précédents, hormis ceux de Franklin Roosevelt et de Bill Clinton, la performance mérite d’être applaudie, encore qu’en 1998 tout comme en 1934, il s’agissait de victoires démocrates – l’unique exception républicaine ayant été la performance réalisée sous le mandat de Ronald Reagan. Mais dire, comme s’est dépêché de le faire ce brave Ari Fleischer, que George W. Bush est « entré dans l’histoire » semble quelque peu exagéré. Plus pondéré, le Washington Post parle d’une « victoire étriquée, qui scelle un scrutin incertain ». Car la coopération va être indispensable, et avec elle tous les compromis imaginables. D’où vient qu’à cet entichement des Américains pour leur président doive faire pendant un désamour européen, universel, même pour celui qui, plus que jamais aujourd’hui, fait figure aux yeux du monde d’«Ugly American » ? Au point qu’un Tony Blair se voit affublé du surnom peu élégant de « caniche des États-Unis » en raison de son alignement indéfectible (ô mânes du thatchérisme !…) sur les options de ce qui fut une colonie de la fière Albion. Alors qu’un Jacques Chirac, un Gerhard Schröder surfent allègrement sur les crêtes des sondages parce qu’ils tiennent tête à l’homme d’outre-Atlantique. L’explication, il faut la chercher en cette journée du 11 septembre 2001, quand le moral de l’Amérique a vacillé un moment qui avait paru interminable, en même temps que s’effondraient ces deux tours de Babel, symbole de l’orgueil yankee, et que surgissait une lancinante interrogation, toujours présente dans les esprits : « Pourquoi nous déteste-t-on ? » Alors, comment l’oublier, le frêle vainqueur du falot Al Gore avait gagné les cœurs, à défaut de convaincre les esprits, perché sur un tas de décombres, un porte-voix à la main. Et flanqué d’un capitaine de pompiers. Cet élan aurait pu rester sans lendemain, s’il ne s’était trouvé des hommes – le madré Dick Cheney, l’inquiétant Paul Wolfowitz notamment – pour savoir l’exploiter, le canaliser. Mais au service de quelles causes !… C’est qu’il s’agissait par la suite de faire oublier l’affolement du train économique lancé sur les pentes des montagnes russes de la mondialisation, les scandales dans lesquels précisément le chef de l’Exécutif et son principal lieutenant se trouvent impliqués, la déplorable indigence d’une stratégie mondiale qui ferait l’envie d’un général de pronunciamiento… Ne restait plus dès lors que la politique de la canonnière contre l’ogre taliban et ses suppôts d’el-Qaëda, à laquelle tout le monde avait feint de croire, l’espace de quelques semaines. Seulement voilà : ce grand méchant loup de Ben Laden hante toujours les bois, flanqué de ses innombrables Zawahiri, chaque matin donnés pour morts et qui ressuscitent le soir. Et, plus grave encore, ce peu fréquentable groupe se paie le luxe de nouveaux attentats – le Limburg au large du Yémen, Bali, un diplomate américain en Jordanie – histoire de faire un sanglant pied de nez à ceux qui lui ont déclaré la guerre. L’expédition afghane menaçant de traîner en longueur, l’Administration républicaine brandit désormais, fort à propos, un nouvel épouvantail. Il s’agit cette fois de Saddam Hussein, un ennemi familier du clan puisqu’un autre George Bush s’y était frotté, avec le succès que l’on sait, il y a onze ans de cela. Avant de se lancer dans une invasion de l’Irak, que l’on nous promet pour les premiers jours de 2003, à moins que ce soit pour les toutes prochaines semaines, l’actuel locataire de la Maison-Blanche doit courir plusieurs lièvres à la fois : préparer ses troupes – l’entreprise est en cours depuis un bon moment – ainsi que son opinion publique, ce qui est moins aisé qu’il n’y paraît ; donner l’impression qu’il pourrait bénéficier d’un aval onusien, le dernier travail de sape à ce niveau se jouant depuis hier ; s’assurer enfin que l’économie tiendra le coup, puisque aucun allié n’est disposé cette fois à passer à la caisse et que les clients éventuels d’un shopping militaire après « Desert Storm »-bis se font rares. Un autre objectif appelle maints points d’interrogation : demain, quel Irak ? Et que fera alors la Turquie, que feront des régimes arabes dont les assises sont déjà passablement ébranlées, entre autres par une politique US nettement pro-israélienne ? Surtout quand le nouveau trio Sharon-Netanyahu-Mofaz aura commencé à satisfaire ses appétences guerrières. Qu’adviendra-t-il de l’arrimage du convoi européen, mené par un attelage franco-allemand bien rétif à ce jour ? Le jour de son élection, George W. Bush avait promis de suivre « une politique étrangère humble, respectant l’opinion publique mondiale ». Il est peu probable qu’il ait, depuis, relu ce passage d’un texte, probablement écrit par un « nègre ». C’est bien dommage. Pour les États-Unis, bien sûr. Pour le reste du monde aussi. Christian MERVILLE
Ce n’est pas le tsunami promis par les stratèges du Grand Old Party, il s’en faut. Tout juste un léger glissement mais qui se traduit quand même par un gain de deux sièges au Sénat (en attendant le deuxième tour de la Louisiane) et de quatre élus à la Chambre des représentants. Au vu des scores précédents, hormis ceux de Franklin Roosevelt et de Bill Clinton, la...