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Actualités - OPINION

Vers une guerre d’usure et de harcèlement

L’épreuve de force entre le pouvoir et l’opposition de l’Est va-t-elle pourrir tranquillement, et mourir de sa belle mort, maintenant que le score est ramené à zéro par le verdict invalidant Gabriel Murr ? L’État matador va-t-il renoncer (magnanime, comme Hugo dans les arènes de Nîmes) à la mise à mort de la Rencontre ? Va-t-il désormais dormir sur les deux oreilles que l’on accorde au vainqueur, et sur ses lauriers ? Ou compte-t-il aller au bout de sa logique de liquidation ? Les intéressés, c’est-à-dire les opposants, ne se font pas d’illusions. L’un d’eux indique qu’ils ont reçu plus d’un signal les avertissant que les dirigeants n’auraient de cesse que de les voir se disloquer. Il ajoute qu’ils vont résister, forts de la double légitimité que leur prodigue le soutien de la population et l’approbation de Bkerké. Ce pôle pense, par goût de l’analogie, que pas plus que la première guerre de suppression que l’Est avait connue durant les noires années, au temps du conflit Aoun-Geagea, cette bataille ne va se conclure par la victoire de l’assaillant. Il prévoit une lutte longue, en dents de scie. Pour sa part, un indépendant observe avec réalisme que les chances de survie de la Rencontre sont pratiquement, et paradoxalement, liées à la fermeture de la MTV. Si la télé n’est pas rouverte, il y aurait toujours moyen de lutter, puisque les libertés, qui concernent tant les gens, seraient toujours en cause. Mais si la MTV était rouverte, poursuit cette source, il ne faudrait pas longtemps pour que les multiples sujets de divergences, personnelles ou autres, ne viennent à bout de la cohésion, et de l’existence du groupe. Avec ou sans l’aide de manigances loyalistes. Cependant, un troisième spécialiste note que si l’État avait voulu rouvrir la MTV, qu’il craint comme un beau diable, il aurait pu aussi bien ne pas invalider Gabriel Murr. Ou, à tout le moins, organiser de nouvelles élections au Metn. Autrement dit, selon cette source, le pouvoir veut serrer la vis au maximum, dans la logique de son interdiction de manifester. Pourquoi ? Parce qu’il trouverait que la Rencontre de Kornet Chehwane, épaulée par Bkerké et par la rue, devient trop forte pour être qualifiée d’inoffensif roseau. Et, en même temps, assez compacte pour être brisée comme un chêne. Et les équilibres, et la loi tacite du consensus ? Un sourire candide, suave, aux lèvres, un loyaliste répond que le pouvoir a donné son écot en refusant que Myrna Murr Aboucharaf remplace son oncle à la place de l’Étoile... Et il ajoute que ce n’est pas sa faute si le radicalisme commence à provoquer la désintégration de la Rencontre, lâchée lundi par Carlos Eddé et dont Ghassan Moukheiber se démarque, Ce qui va faire une voix opposante de moins au Parlement. Cette façon loyaliste de voir les choses occulte une question posée par des modérés de l’Ouest : qui pourrait empêcher Aoun de s’emparer de l’Est politique si la Rencontre venait à périr ? On peut se le demander en effet quand on constate que les jeunes, qui n’apprécient pas beaucoup qu’on leur interdise de manifester, se sont montrés récemment plus sensibles à la position active des aounistes qu’à la modération de la Rencontre au niveau de la rue. Il reste tout de même, face aux uns et aux autres, un rempart : Bkerké. Les loyalistes laissent entendre que le dérapage d’Élias Murr la semaine dernière ne sera pas répété. Et qu’ils vont beaucoup scander le thème du statut national du patriarcat, au-dessus de la mêlée. Pour qu’il accentue lui-même la tendance parue chez lui de promouvoir désormais des regroupements multiconfessionnels plutôt que des rassemblements comme la Rencontre. Qui, pour sa part, ne peut que chanter l’hymne d’Aragon-Ferrat : Que serais-je sans toi, qui vins à ma... rencontre. Autrement dit, et selon toute probabilité, au moment précis où le siège patriarcal demanderait à l’évêque du Metn de ne plus diriger le groupe, ce dernier se disperserait. Aux quatre vents de l’incertitude. Mais il ne semble pas que ce lâchage soit à l’ordre du jour. En effet, pour inverser les questionnements, on peut se demander pour conclure : quel rôle garderaient encore les instances spirituelles si elles ne parvenaient pas à sauver le groupe réuni sous leur égide ? Philippe ABI-AKL *NDLR : Les lecteurs auront compris que la chronique non signée d’hier « Kornet Chehwane compte les coups » était de la plume de Philippe Abi-Akl.
L’épreuve de force entre le pouvoir et l’opposition de l’Est va-t-elle pourrir tranquillement, et mourir de sa belle mort, maintenant que le score est ramené à zéro par le verdict invalidant Gabriel Murr ? L’État matador va-t-il renoncer (magnanime, comme Hugo dans les arènes de Nîmes) à la mise à mort de la Rencontre ? Va-t-il désormais dormir sur les deux oreilles...