La réouverture de la MTV pour équilibrer un peu la balance

L’intérêt national commande, peut-être, d’interdire les manifestations, pour sauvegarder la stabilité dans les circonstances délicates que traversent le pays et la région. Dans le même esprit, il faut sans doute épargner au pays les retombées d’une secousse électorale au Metn. Mais, il faut le souligner, le même souci de l’intérêt national doit mener les autorités à rouvrir la MTV. Car autrement le clivage s’accentuerait, la disparité s’aggraverait, les équilibres seraient rompus davantage et les tensions intérieures monteraient dangereusement. Il deviendrait difficile de contenir la grogne, ou le grondement, de la rue discriminée et de ses représentants. Les loyalistes trouvent que Gabriel Murr, la MTV et Kornet Chehwane en ont trop fait après le scrutin du Metn, et ont outrepassé les lignes rouges. Même si on se place dans cette optique, on ne saurait admettre qu’il soit répondu à des erreurs par des dérives. Il ne faut pas acculer l’adversaire, en l’occurrence l’Est et Kornet Chehwane, au désespoir. Il ne faut pas les placer devant un dilemme les obligeant à des décisions dures. Un pilier de la Rencontre déclare en substance qu’« en août dernier, le lendemain même du jour où nous sommes allés prier le chef de l’État de parrainer un dialogue national, la MTV a été fermée. Nous nous sommes retrouvés dans une position embarrassée, difficile. Bien évidemment, après une telle mesure, le dialogue devenait impossible. Nous étions tenus de réagir, dans les cadres légaux démocratiques, en appelant notamment à des manifestations. Pour résoudre le problème, il faut en traiter la cause directe, la fermeture de la MTV. Cette retombée, cette riposte à la victoire de Gabriel Murr , a donné un coup d’arrêt au dialogue. » Adoptant ensuite, sans trop d’ironie, le langage juridique, cette personnalité ajoute : « Attendu que le Conseil constitutionnel proclame Ghassan Moukheiber gagnant, pour éviter au pays une nouvelle secousse électorale néfaste pour sa stabilité ; attendu que les autorités interdisent, également au nom de la stabilité, les manifestations de protestation contre le maintien de la fermeture de la MTV et pour la défense des libertés... Il appert que le pouvoir est tenu de régler les questions posées, de manière à stabiliser vraiment la scène locale, sans artifices ni mesures d’exception anti-démocratiques. Par la réouverture de la MTV. Et en s’abstenant d’attiser le feu des rancœurs entre les Libanais. Car, autrement, la paix civile et la coexistence seraient ébranlées dans leurs fondements. Le redémarrage de la MTV permettrait la reprise du dialogue sur tous les sujets litigieux, intérieurs ou extérieurs. On mettrait franchement sur la table la question de l’assainissement des rapports libano-syriens, sur des bases claires admises par tous les Libanais. » De leur côté, des sources proches de Bkerké reconnaissent que « des erreurs ont été commises de tous côtés. On aurait pu les éviter. Les protagonistes auraient dû, tous ensemble, faire montre de plus de raison. Ce n’est pas par des mesures impulsives, irréfléchies, que l’on traite une situation de crise. Le patriarche Sfeir, précisent ces sources, n’a jamais été favorable à des formations confessionnelles, à des partis communautaristes. Il souhaite des groupements irisés, nationaux, comme jadis le Bloc national et le Destour. Cela étant, si certaines parties planifient la dislocation de Kornet Chehwane, par l’intimidation ou par la subornation, pour que subsistent d’autres formations monochromes, il faut qu’elles sachent que le pays serait gravement divisé. La politique de la provocation et du défi ne peut mener qu’au déchirement, comme à la révolte accentuée des franges qui se sentent opprimées, discriminées. » Émile KHOURY