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Actualités - OPINION

Forcés à réfléchir

Publiées par Dar an-Nahar, les Recommandations dernières de l’imam Chamseddine, dans lesquelles il prend position contre l’abolition du confessionnalisme politique, ne peuvent que nous forcer à réfléchir. On peut être, de bonne foi, favorable à l’abolition du confessionnalisme politique au Liban. Mais il est difficile de le faire sans état d’âme, sans se demander si on n’engage pas le Liban dans une aventure dont on ignore le dénouement, si on ne prend pas le risque de mettre le Liban sur la voie de la sécularisation, ou encore sur la voie de la loi du nombre ou du parti unique. Nul doute que l’imam Chamseddine, comme tous les Libanais, ne se soit interrogé, angoissé, s’il fallait vraiment engager le Liban sur cette voie, si le confessionnalisme était vraiment le stade infantile de la démocratie, et si le Liban ne pouvait guérir de cette maladie qui l’empêche d’accéder au rang de société politique moderne, qu’en se dépouillant de cette peau morte. Ce qu’on a vu du confessionnalisme politique depuis Taëf est si laid que l’on est tenté de le croire. Oui, la pratique politique a été si honteusement marquée par le clientélisme confessionnel, à tous les niveaux, depuis 1990, qu’une élite a fini par être écœurée de cette curée sur la dépouille du Liban. Ceux qui aiment le Liban désespèrent, aujourd’hui, de ce qui se passe, indignés par une dérive qui n’épargne rien, lame de fond qui balaie, avec cynisme, toute conscience civique, patriotisme et sens de la justice, tout souci de mettre le Liban d’abord. L’éclairage que jettent, sur cette question, les dernières recommandations de l’imam Chamseddine nous forcent à repenser les choses. À les lire, on est en droit de se demander si le mal est dans les systèmes ou les hommes. L’imam disparu, à n’en pas douter, s’était posé cette question crucifiante. Et comme tous les Libanais qui aiment leur pays, il a pu commencer par douter du système et accepter momentanément, par honnêteté intellectuelle, les arguments qui plaident en faveur d’une abolition du confessionnalisme politique. Même les chrétiens, qui avaient toujours redouté un abandon du régime confessionnel, de la démocratie de société, avaient fini par se laisser convaincre du caractère rétrograde du communautarisme politique, avec peut-être en vue l’espoir d’un évolution de la société vers le modèle occidental. Pourtant, l’argument selon lequel le mal était dans les hommes, et non dans le système, semble aussi défendable. Le clientélisme confessionnel, si laid, ce n’est pas le confessionnalisme politique, et combattre l’un ne signifie pas se débarrasser du second. Pour Chamseddine, en tout cas, à la fin de sa vie, le doute avait cédé la place à la certitude, l’évidence s’était enfin imposée, en faveur du maintien du confessionnalisme politique, de la démocratie de société. Il invitait même les musulmans à faire l’impossible pour redonner aux chrétiens leur place dans le monde arabe, et d’abord leur place politique, ce qui est une révolution en soi. En fait, Chamseddine demandait rien moins que le retour en Orient des chrétiens qui l’ont quitté. Mais on pourait se demander si, au sein de sa communauté, ses recommandations sont écoutées. Et si elles le sont aussi dans sa communauté nationale. À notre connaissance, seule une élite, encore minoritaire au sein des professions libérales et des milieux intellectuels chiites, est attachée à une pensée si neuve, si jaillissante, qui est une véritable chance politique pour le Liban. Cela dit, il faut régler leurs comptes à ceux qui relancent aujourd’hui le projet d’abolition du confessionnalisme politique. Et comme toujours, il est nécessaire de leur accorder ce droit, et préjuger de la bonne foi. Dans ce cas, il nous faut voir aussi dans quel ordre ils se proposent de mener à bien cette réforme constitutionnelle, et s’ils ont tenté d’en prévoir les conséquences, de déterminer, par exemple, le mode d’élection du chef de l’État. Mais il est également possible que cette proposition ait été lancée de mauvaise foi, pour effrayer l’opposition chrétienne. Si c’est le cas, on s’est rendu coupable d’une véritable atteinte au moral de la population, d’un crime contre la convivialité et contre le Liban. L’hypothèse est d’autant plus plausible que l’intention de réveiller les vieux démons du confessionnalisme s’est manifestée ailleurs aussi. Par exemple, quand on a accepté le défi lancé par le mufti de Tripoli de manifester au lieu et au moment mêmes où l’opposition avait songé à le faire, pour interdire les deux manifestations. En somme, faute d’avoir trouvé les espaces nécessaires pour que deux opinions s’expriment, on les a supprimées toutes deux. Tout se passe, en fait, comme si l’on utilisait le climat de dissension confessionnelle pour porter atteinte au pluralisme politique. Et pour aboutir à quoi ? À une société pluraliste, religieusement parlant, mais uniforme, sur le plan politique ? L’islam politique doit se réveiller. C’est le moment ou jamais de le faire. Il doit craindre qu’à force de ruser avec le pouvoir, il ne finisse par ruser avec la vérité. Fady Noun
Publiées par Dar an-Nahar, les Recommandations dernières de l’imam Chamseddine, dans lesquelles il prend position contre l’abolition du confessionnalisme politique, ne peuvent que nous forcer à réfléchir. On peut être, de bonne foi, favorable à l’abolition du confessionnalisme politique au Liban. Mais il est difficile de le faire sans état d’âme, sans se demander si on...