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Actualités - CHRONOLOGIE

Francophonie - Le porte-parole du Sommet estime qu’on a saboté les discours des présidents avec la traduction simultanée Charles Rizk : Les inégalités sont un obstacle majeur au dialogue(photo)

Les Libanais le connaissaient, du temps où il était PDG de Télé-Liban, mais après une longue période loin des feux des projecteurs, ils l’ont redécouvert lors du Sommet de la francophonie, un porte-parole pas comme les autres au franc-parler, parfois choquant, toujours intéressant. Lorsqu’on dit au Dr Charles Rizk, qu’il ne mâche pas ses mots, il lève les sourcils d’un air étonné : « Moi ? Je suis très diplomate. » Une diplomatie qui a, en tout cas, porté ses fruits dans la Déclaration de Beyrouth, mais la « négociation », puisque le Dr Rizk n’aime pas le terme de bataille, n’a pas été facile. Il a fallu une longue journée à Faraya pour lever les dernières réticences du délégué canadien. Un Sommet décidément historique. Charles Rizk est depuis près de quatre ans le représentant personnel du chef de l’État au Conseil permanent de la francophonie (CPF). Il a travaillé six mois à la préparation du projet de la Déclaration de Beyrouth, dans la plus grande discrétion et souvent dans le cadre de « négociations acharnées », mais il affirme n’avoir, à aucun moment, éprouvé de l’angoisse pour l’issue finale du projet, car « au sein de la francophonie, le climat est très civilisé ». Pour le Dr Rizk, c’est d’ailleurs les textes qui resteront, lorsque les images pâliront. Et des textes, déclare le Dr Rizk, il y en a eu de très forts, pendant ce Sommet historique, que le Liban peut considérer comme une grande victoire. Dans les discours, il relève surtout celui du président algérien Bouteflika, celui de Lahoud et celui du président français Jacques Chirac. Selon lui, tous les trois ont apporté une grande réflexion sur le dialogue des cultures. « Lorsque Bouteflika demande aux Occidentaux de ne pas juger l’islam, à cause d’une minorité islamique, même si c’est celle qui fait le plus de bruit, comme les Arabes n’ont pas jugé l’Occident à travers le fascisme, il met le doigt sur la plaie. C’était d’autant plus remarquable qu’une seule séance a été consacrée au dialogue des cultures, ce qui laissait peu de temps aux chefs d’État...» Avec Israël, le choc des barbaries Lancer des idées pareilles à quelques encablures d’Israël, qui sévit contre les Palestiniens, après l’avoir fait contre les Libanais, c’était, selon le Dr Rizk, un message très important. La preuve que la civilisation n’est pas où l’on croit. Car, selon le Dr Rizk, lorsqu’on bombarde la population avec un F16, on fait surtout preuve de barbarie. D’ailleurs, lorsqu’on est civilisé, on ne se heurte pas, on discute. Pour son porte-parole, ce Sommet est également important grâce à la réflexion sur la mondialisation à laquelle il a donné lieu. La grande question était la suivante : la mondialisation est-elle synonyme d’uniformisation, surtout avec les moyens de communication modernes qui font de la planète un petit village ? À cet égard, le Dr Rizk a une théorie passionnante : l’Internet d’aujourd’hui, est, selon lui, comme la découverte de l’imprimerie par Gutenberg au XVe siècle. À l’époque, on avait dit que désormais, tout le monde allait communiquer en latin, et la foi catholique allait se répandre. Or, Luther a, un peu plus tard, traduit la Bible en allemand, qui était alors la langue des pauvres en quelque sorte, et l’imprimerie a finalement permis la diversification. Aujourd’hui, l’Internet pourrait permettre le même processus, tout dépend de l’usage qu’on en fera. Rizk affirme que la culture est importante car elle est un élément de l’identité politique, élément déterminant, car si les valeurs humanistes sont universelles, c’est la culture qui fait la différence politique. Aménager le dialogue des cultures, c’est donc aménager la politique et entrer ainsi dans le droit international. Depuis le traité de Westphalie, au XVIIe siècle, qui avait donné naissance aux nations européennes, ces États cohabitaient à travers la reconnaissance de leurs indépendances respectives. Aujourd’hui, c’est ce qui est remis en question. Mais pour pouvoir dialoguer, il faut être « comparables, sinon égaux ». Or, selon le Dr Rizk, c’est là qu’on découvre que la mondialisation est un moyen de casser le monde en deux : l’entretien d’un chien à Paris ou à New York équivaut au PIB par tête d’habitant en Indonésie. Un quart de la population de la planète ne boit pas d’eau potable, deux milliards d’hommes n’ont pas le courant électrique. C’est aussi cela la mondialisation et les inégalités sont un formidable obstacle au dialogue. C’est pourquoi une harmonisation est nécessaire et le préalable est économique. Au XIXe siècle, les inégalités étaient internes aux États et il y avait moyen de les contrôler. Aujourd’hui, l’écart se complique d’un fossé entre les peuples et les cultures et il n’y a pas d’autorité pour les contrôler. Les États-Unis se proposent de le faire, mais l’unilatéralisme renferme ses propres limites. D’autant qu’on ne peut gérer le monde par télécommande. « Les présidents Lahoud et Bouteflika ont développé ce thème mais tout a été fait pour empêcher les gens de les écouter, avec la voix nasillarde d’une traductrice. C’est comme si on voulait saboter ces discours. Nous prétendons être un pays francophone et nous ne pouvons pas diffuser des discours en français. Et pourquoi ne pas avoir mis des sous-titres ? ». Soixante-sept États engagés aux côtés du Liban Concernant la Déclaration de Beyrouth, le Dr Rizk estime que ce texte est important à plusieurs égards. Mais en ce qui concerne le Liban, il y a une référence claire aux décisions du Sommet arabe de Beyrouth, qui reconnait le droit au retour des réfugiés palestiniens et rejette leur implantation dans les pays d’accueil. Autrement dit, 22 États arabes, plus 52 (dont 7 arabes), au total 67 États se sont engagés à respecter cet engagement. C’est important. Quant à savoir dans quelle mesure la signature de tels documents engage les États signataires, Charles Rizk hausse les épaules : « C’est désormais un objectif vers lequel on tend et c’est cela la diplomatie. » Quant au différend avec le Canada, il portait essentiellement sur le terrorisme et le Moyen-Orient. Le Liban tenait à l’approche multilatérale et à la mention du droit des peuples à lutter contre l’occupation de leur territoire. Le Canada pour des raisons évidentes estimait que le conflit se limitait aux Palestiniens et aux Israéliens et qu’il fallait une condamnation franche du terrorisme. Il a donc fallu une journée de négociations à Faraya, au domicile du Dr Rizk, pour que les deux parties aboutissent à un accord. Le Liban a fait une concession sur la forme et le Canada sur le fond. L’approche multilatérale a été adoptée par le biais d’une référence au Sommet arabe qui évoque la conférence de Madrid et au lieu de mentionner le droit des peuples à la résistance pour la libération, on s’est contenté d’une mention de la résolution 4651, qui reconnaît un tel droit. Le président Lahoud a suivi de près ces négociations, puisque le Dr Rizk l’a eu pendant deux heures au téléphone, ce jour-là. Le Dr Rizk salue d’ailleurs le président de la République, qui, selon lui, a joué un rôle majeur au cours de ce Sommet, dirigeant à merveille les débats. C’est avec lui seul que le Dr Rizk a traité et il ne veut rien évoquer d’autre. Les jalousies, les magouilles (s’il y en a eu) et les critiques, il ne veut pas en entendre parler. « Sursum corda » (Élevons nos cœurs), dit-il, avant de se concentrer sur la préparation de la prochaine rencontre du CPF en décembre à Paris. Scarlett HADDAD
Les Libanais le connaissaient, du temps où il était PDG de Télé-Liban, mais après une longue période loin des feux des projecteurs, ils l’ont redécouvert lors du Sommet de la francophonie, un porte-parole pas comme les autres au franc-parler, parfois choquant, toujours intéressant. Lorsqu’on dit au Dr Charles Rizk, qu’il ne mâche pas ses mots, il lève les sourcils...