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Actualités - OPINION

Lendemains de fête

Trois jours durant, le Liban a vibré, frémi au rythme de la francophonie. Trois jours durant, il a réussi la gageure de montrer au monde l’image d’un pays réunifié, réconcilié avec lui-même et avec les autres. Trois jours durant, rien n’est venu ternir la fête francophone, la première en terre arabe, le Liban démontrant que ses fils et ses filles n’avaient rien à envier à ceux qui, ailleurs dans le monde, s’estiment seuls dépositaires du savoir et de la culture dans son acception la plus large. Trois jours durant, nos hôtes européens, africains, asiatiques, arabes, canadiens n’ont pas tari d’éloges pour l’excellence de l’organisation du sommet, pour la qualité du travail accompli. « Les Libanais débordent de talent, de courage et de ressources », a noté le président Chirac. Mais, a-t-il martelé, place de l’Étoile, à l’adresse des députés, « agissez ensemble, sans laisser place aux querelles fratricides, sans laisser aucun d’entre vous au bord du chemin ». Hier, le rideau est tombé : la grande famille francophone se disperse aux quatre coins des continents, et le Liban se retrouve seul face à ses vieux démons. « Ne laissez personne au bord du chemin. » Le message du président Chirac sera-t-il entendu ? Trois jours durant, trois nuits durant, les Libanais se sont grisés de culture, de musique, de promesses et de belles paroles. Le réveil, aujourd’hui, risque d’être brutal. L’unité de façade affichée au Biel et au Phoenicia, « la trêve des fêtes » à laquelle a accepté de souscrire l’opposition (« Cheese, souriez, le monde nous regarde. ») peuvent, enfin, voler en éclats, les rancœurs et les haines se libérer... *** « Droits de l’homme, liberté d’expression, indépendance des peuples », des mots-clés qui figurent dans les textes fondateurs de la francophonie. Où en est le Liban à cet égard, lui qui vient d’héberger le Sommet ? À mille lieues, au vu de ce qui s’est passé au cours des dernières semaines. Étudiants tabassés pour avoir osé transgresser les tabous officiels, chaîne de télévision fermée pour avoir dépassé les limites d’expression tolérées, consécration de la tutelle syrienne, par le biais d’une campagne systématique, presque barbare, contre l’opposition. Laquelle ne demandait que la stricte application de l’accord de Taëf « qui doit être mené à son terme » selon les propos même de Jacques Chirac, le président français n’omettant pas de préciser que cela impliquait le retrait total des forces syriennes. Et maintenant ? Finie la fête, bonjour tristesse, serait-on tenté de dire. Évanouies les espérances nées des assises francophones, les Libanais risquent fort bien d’être réenvahis dans les jours qui viennent par les miasmes nauséabonds, putrides d’une politique politicienne qui n’arrête pas de miner le pays. Et cela, alors même que les Israéliens se rappelaient à notre souvenir, envoyant leurs avions dans le ciel de Beyrouth au moment où le sommet clôturait ses travaux. « Cheese, souriez, le monde nous regarde. » Après avoir gagné son pari francophone et prouvé qu’il était capable du meilleur, pourquoi l’État s’évertue-t-il à démontrer qu’il est aussi capable du pire ? Nagib AOUN
Trois jours durant, le Liban a vibré, frémi au rythme de la francophonie. Trois jours durant, il a réussi la gageure de montrer au monde l’image d’un pays réunifié, réconcilié avec lui-même et avec les autres. Trois jours durant, rien n’est venu ternir la fête francophone, la première en terre arabe, le Liban démontrant que ses fils et ses filles n’avaient rien à...