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Actualités - INTERVIEWS

Pour Michel Duval, deux priorités : les échanges universitaires et la lutte contre la pauvreté Le nouvel ambassadeur du Canada à Beyrouth, francophone dans l’âme(photo)

Il a beau être polyglotte et affirmer son affinité pour les langues, il exprime tout haut son bonheur de se retrouver dans un pays francophone. Et pour cause, l’enfant des Trois Rivières, petite ville industrielle de 150 000 habitants, située à mi-chemin entre les villes de Québec et de Montréal, a été bercé, dès sa plus tendre enfance, par la langue de Molière. Anthropologue de formation, amateur de voyages, de promenades, de lecture, d’art et de musique, Michel Duval, successeur de Haïg Sarafian à la tête de l’ambassade du Canada à Beyrouth, ambitionne d’enrichir la coopération libano-canadienne, notamment au niveau des échanges universitaires et de la lutte contre la pauvreté et rêve de mieux connaître ce pays dont la beauté l’avait séduit, il y a deux ans, lors d’un bref séjour. Rien ne prédisposait Michel Duval à devenir diplomate. Une maîtrise en anthropologie de l’Université de Montréal, une dizaine d’années d’exercice de l’archéologie dans le Vermont et à la New York State University, mais aussi sur le plateau d’Anatolie en Turquie, précédées d’une licence en lettres de l’Université de Laval, le mènent pourtant, à partir de 1973, au ministère des Affaires étrangères. « L’obtention d’une seconde licence universitaire est, au Canada, le paramètre qui permet d’entrer dans la profession », explique-t-il simplement. Sa spécialité, les relations Est-Ouest Au terme d’une formation de deux ans à l’École nationale d’administration publique (Enap) de l’Université du Québec, Michel Duval entame une riche carrière diplomatique. Carrière qui, démarrant en Europe, lui permettra d’approfondir sa connaissance des relations entre l’Est et l’Ouest, tout en laissant le loisir à l’anthropologue et l’archéologue qu’il est, d’assouvir sa passion de la découverte des peuples, des langues, des cultures et de leur passé. De Paris en 1974, où il occupe, durant trois ans, la fonction de troisième secrétaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), à la Hongrie en 1981 où il est premier secrétaire à l’ambassade et consul pour les affaires politiques, il est muté en Allemagne fédérale, à Bonn, de 1988 à 1992, en tant que conseiller, chef de la section politique et spécialiste des relations Est-Ouest. Période qu’il qualifie de fabuleuse. Participant alors à la mise en place du traité de Maastricht, c’est en direct qu’il assiste à la levée historique du rideau de fer, à la chute du mur de Berlin, à la réunification de l’Allemagne et à la dissolution de l’URSS. Certes, comme il est de rigueur dans toute carrière diplomatique, les affectations de Michel Duval sont ponctuées de retours à Ottawa. Ainsi, en 1977, sa fonction dans le département de politique internationale de l’énergie sera pour lui l’occasion de tisser ses premiers contacts avec les Nations unies, et en 1984, il devient adjoint principal du ministre du Développement et travaille déjà aux relations Est-Ouest. La Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe à laquelle il est rattaché est d’ailleurs un prélude tant politique qu’humanitaire au rapprochement entre l’Est et l’Ouest et à la réunification des familles. À son retour d’Allemagne en 1992, nommé directeur du département Europe occidentale au ministère des Affaires étrangères, il participe à l’opération de réforme qui, tenant compte des changements de la carte européenne, opère un recentrage autour des plus grandes missions du Canada. Sa nomination à la direction de l’école professionnelle de l’Institut diplomatique en 1996, où il prend en charge la formation des jeunes diplomates, est pour Michel Duval « la pause de rêve » dans un parcours professionnel dense et mouvementé. Mais ce rythme régulier est de courte durée. La fonction de coordonnateur du dossier haïtien, alors que le Canada prend le commandement de la force de paix des Nations unies à Haïti, constitue une belle expérience pour Michel Duval. C’est à New York que le diplomate occupe pour la première fois la fonction d’ambassadeur, en 1997. « Je devais être nommé à Haïti, mais c’est à New York que j’ai été envoyé pour cinq années en tant qu’ambassadeur, dont deux années comme représentant de mon pays au Conseil de sécurité », dit-il, ajoutant qu’il a eu la grande chance de présider durant une semaine le Conseil de sécurité. Il avoue avoir énormément aimé New York, dont la population l’a surpris par la grande sympathie qu’elle porte à la langue française. Séduit par le Liban Le diplomate garde un excellent souvenir des nombreux pays où il a vécu. Il reconnaît même avoir été marqué par les cultures et les mentalités, souvent différentes de la sienne, mais aussi par la diversité et le multiculturalisme de certaines villes. C’est dans le cadre de la présidence du comité spécial des Nations unies qu’il a eu l’occasion de connaître le Liban pour la première fois. En effet, précise le diplomate, quelques jours après le retrait israélien du Liban-Sud, en 2000, « j’ai eu l’occasion de venir au Liban, au cours d’une tournée régionale. Saisi par sa beauté, j’ai demandé à y être affecté et je me réjouis aujourd’hui d’avoir la possibilité d’explorer ce pays magnifique. Certes, les images de la guerre civile étaient encore présentes dans notre esprit à notre arrivée », remarque-t-il, ajoutant que ceux qui ne connaissent pas le Liban ressentent généralement une certaine appréhension. « Aujourd’hui, je suis heureux d’être là », remarque-t-il, tout en reconnaissant que les débuts sont un peu difficiles. En effet, débarquer tout droit de New York à Beyrouth a été ressenti comme un choc par Michel Duval et son épouse, Louise Blais. Deux mois après leur arrivée au Liban, même si l’impact s’est atténué, le couple a encore beaucoup de mal à se faire à la circulation routière anarchique, mais aussi au grave problème d’environnement qui défigure le pays et met ses sites en péril. Adepte des marches et des randonnées, le couple espère avoir la possibilité d’explorer, après le Sommet de la francophonie, les merveilleux endroits qu’il a déjà repérés. En bon diplomate, Michel Duval exprime son désir de s’adapter rapidement à ces différences, car il déclare aimer les changements, d’autant plus que « c’est la beauté du Liban qui m’avait encouragé à y demander mon affectation ». Dans le salon de sa résidence de Naccache surplombant la baie de Beyrouth, où il achève de s’installer, trône une bibliothèque remplie des livres préférés du couple. Littérature française, poésie, essais, magazines, mais aussi archéologie préhistorique et traductions d’œuvres latino-américaines, dont notamment les œuvres de Gabriel Garcia Marquez et Nathalie Nothomb, sont les lectures de prédilection de Michel et Louise Duval. « Nous avons malheureusement dû laisser la grande partie de nos 2 000 titres au Canada », regrette le diplomate. Titres qui ont été répertoriés et rangés par son épouse, bibliothécaire de profession. Mais ajoute-t-il, comme pour se consoler, « on voit bien que l’on est dans un pays francophone, car on y trouve facilement de la lecture en français. C’est heureux pour nous ! » Aux murs, des tableaux de peintres canadiens voisinent, en toute harmonie, avec des œuvres glanées au gré de ses voyages. « Au terme de ma fonction à Beyrouth, des peintures d’artistes libanais viendront certainement s’ajouter à ces tableaux », dit-il. Il en est de même pour la musique, dont Michel et Louise Duval sont de grands amateurs. Se voulant éclectiques malgré une préférence marquée pour la musique classique, qui constitue la majorité de leurs 500 CD, ils apprécient autant le jazz, que la chanson canadienne ou française, et collectionnent les musiques folkloriques des nombreux pays qu’ils ont visités. « Nous avons même quelques CD de Feyrouz, dont nous avons découvert la merveilleuse voix lors d’un voyage en Syrie, remarque l’ambassadeur. Il ne me reste plus qu’à apprendre l’arabe », dit-il d’un ton badin, tout en ajoutant qu’il s’y attellerait sérieusement, en compagnie de son épouse dès le mois de novembre. Une francophonie fière, résultant d’efforts communs Côté professionnel, M. Duval entend bien renforcer et enrichir la collaboration libano-canadienne, notamment, au niveau de la coopération universitaire et de la lutte contre la pauvreté, même si Beyrouth est considéré comme une petite mission. En effet, remarque-t-il, « l’université est un milieu propice aux échanges dont tireraient profit les deux pays ». Et de mentionner à cet effet la signature par le Québec d’un programme de bourses destiné aux étudiants libanais. Par ailleurs, poursuit-il, « le Liban n’est pas un pays en voie de développement, néanmoins un programme d’aide s’y applique ». Ainsi, à partir de cette année, un programme d’un million de dollars canadiens par an, étalé sur cinq ans, sera consacré à la lutte contre la pauvreté. Par ailleurs, le Canada apporte une importante contribution au programme d’aide à la réforme fiscale et administrative. Contribution qui s’élève à 250 000 dollars par an et qui atteindra vers la fin de 2005 la somme de 8 millions de dollars. De même, une aide de 130 000 dollars a été consacrée à la réforme judiciaire, et plus spécifiquement au programme concernant la délinquance juvénile, en partenariat avec la Suisse. Enfin, observe M. Duval, un programme de fonds d’un montant de 350 000 dollars canadiens est alloué aux petits projets communautaires fondés sur des besoins réels tels que des dispensaires ou des écoles, des groupes de soutien aux handicapés ou aux Libanais prisonniers en Israël. Francophone jusqu’au bout des ongles, Michel Duval est heureux de partager avec l’ensemble de la communauté qui adhère à la langue de Molière des valeurs communes fondées sur un idéal de démocratie et sur les droits de la personne. Aujourd’hui, observe-t-il, « le Sommet international de la francophonie qui se tient à Beyrouth n’est pas une défense contre la mondialisation ou contre l’expansion de l’anglais. La francophonie actuelle est fière. Résultant de la convergence de nos efforts communs, elle nous permet de vivre en français là où nous sommes, à New York, à Beyrouth ou ailleurs ». Anne-Marie EL-HAGE
Il a beau être polyglotte et affirmer son affinité pour les langues, il exprime tout haut son bonheur de se retrouver dans un pays francophone. Et pour cause, l’enfant des Trois Rivières, petite ville industrielle de 150 000 habitants, située à mi-chemin entre les villes de Québec et de Montréal, a été bercé, dès sa plus tendre enfance, par la langue de Molière....