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Actualités - CHRONOLOGIE

L’équation mathématique de Roger Dehaybe (photo)

S’il est une branche de l’Organisation internationale de la francophonie dont on ne peut que louer la bonne volonté, c’est son opérateur principal : l’Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF). Dont l’infatigable administrateur général s’appelle Roger Dehaybe. Qui n’a de cesse, interrogé par L’Orient-Le Jour sur l’un des enjeux majeurs du Sommet de Beyrouth (la politisation de la planète francophone, plutôt que son seul ancrage dans la coopération), de répéter inlassablement son credo. D’emblée, Roger Dehaybe refuse l’opposition entre politique et coopération. Rappelle que la francophonie, tel que rêvée par Senghor, Bourguiba ou Sihanouk, était, dix ans après la décolonisation, « essentiellement politique ». Comme tout le reste d’ailleurs, dixit l’administrateur général, pour lequel « tout ce que fait l’institution francophone est profondément politique ». Notamment lorsqu’il s’agit de coopération. Exemples : aider un pays du Sud à maîtriser sa politique d’énergie et d’environnement, notamment lorsqu’il est en proie aux « attaques » des multinationales, « c’est politique ». Lorsque le Pnud décide de financer, à hauteur de dix millions de dollars, des CLAC installés par la planète francophone en Mauritanie, « c’est politique ». La présence active de la francophonie lors de grandes conventions (Kyoto, Johannesburg...), « alors que le Commonwealth était absent, c’est politique ». Que l’Unesco universalise la déclaration de Cotonou sur la diversité culturelle, « confirmant ainsi l’apport considérable de la francophonie, c’est profondément politique ». On l’aura compris : Roger Dehaybe parle de la francophonie avec ses tripes. Et se lance dans la théorie des cercles, en soulignant la volonté de la francophonie de ne pas se substituer à l’Onu, l’Union africaine, européenne, la Ligue arabe, l’Alena. « De ne pas faire double emploi. » Il affirme que la francophonie se concentre sur un certain nombre « d’objectifs politiques autres » : les grands enjeux de l’éducation, par exemple. Qu’elle travaille de concert avec l’UE, la Banque mondiale. Mais aussi la culture et la diversité culturelle, les nouvelles technologies (les experts francophones travaillent au sein des groupes les plus pointus avec les experts du G8), la démocratie. Et qu’elle est, ainsi, « loin » d’être marginalisée. Et lorsqu’on lui répète que sa présence sur l’échiquier (géo)politique international laisse particulièrement à désirer, Roger Dehaybe martèle qu’elle « pèse beaucoup plus que vous ne le croyez ». Au milieu de ce tableau idyllique, où tout semble être, à en croire l’administrateur général, plus que parfait, il n’y a aucun manque ? Aucun défaut ? « Si. » Tout de même... « Il faut une plus grande cohérence des États. Il faut que les concertations francophones soient répercutées par les États membres eux-mêmes au niveau de leur politique nationale et internationale. Qu’il y ait une action cohérente de ces États par rapport à leurs engagements », demande-t-il à raison, avant de se lancer dans une diatribe contre les pays francophones qui « utilisent l’anglais pour s’exprimer à l’Onu ». Par exemple... Il reconnaît également que la faiblesse de la francophonie (par rapport à l’Onu, l’UE, le Commonwealth, etc.), c’est qu’elle « n’a pas de pouvoir exécutoire ou coercitif. Voilà pourquoi on peut croire qu’elle a un caractère incantatoire. D’ailleurs, son caractère extrêmement composite peut paraître comme étant une grande faiblesse. Puisqu’elle regroupe, rappelons-le, des États et des gouvernements des cinq continents. C’est à la fois un frein (l’appartenance au premier cercle géopolitique est très pesante), mais c’est surtout, à mon avis, une richesse ». Quid, dans ce cadre-là, de la proposition du ministre français délégué à la Coopération et à la Francophonie, Pierre-André Wiltzer (il s’agit de constituer un groupe restreint d’action ministérielle au sein de la francophonie. « Le Commonwealth a une telle structure, simple et efficace, composée d’une douzaine de ministres », avait-il dit avant-hier mardi) ? « Ce n’est pas une proposition française. Il s’est appuyé sur une hypothèse lancée par (le ministre de la Culture chargé de la Francophonie) Ghassan Salamé. C’est une réflexion qui sera amenée à être approfondie, exploitée, dans les années à venir. C’est clair que l’on ne peut pas fonctionner pour tout à 55... » Vous soutenez donc cette idée ? « Oui. » C’est donc une bonne chose. Et si la francophonie transcendait son rôle de consultante de luxe, d’experte comme vous dites, pour devenir décideuse ? « Impossible. Pour devenir décideuse, il faut de l’argent. C’est d’abord et avant tout de la responsabilité des États. Leur volonté est indispensable. » Quoi qu’il en soit, et au bout du compte, Roger Dehaybe a trouvé sa formule : « La francophonie est politique, elle devrait l’être davantage. Et ce discours, cette action politiques se nourrissent de la coopération, sont suivis par la coopération. » Une équation mathématique, en somme. Ziyad MAKHOUL
S’il est une branche de l’Organisation internationale de la francophonie dont on ne peut que louer la bonne volonté, c’est son opérateur principal : l’Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF). Dont l’infatigable administrateur général s’appelle Roger Dehaybe. Qui n’a de cesse, interrogé par L’Orient-Le Jour sur l’un des enjeux majeurs du Sommet de...