Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Spécial francophonie La richesse des différences

Par Carlos GHOSN* Le XXIe siècle sera le siècle des brassages : brassage des cultures et des idées, brassage des expériences, des technologies et des systèmes pour davantage de création de valeur. C’est un siècle marqué par la globalisation, la multiplication des échanges, l’explosion des moyens et des capacités de communication, la constitution de nouveaux groupes d’intérêts, la disparition de frontières, mais toujours le rattachement des hommes à travers leur langue comme support d’identification. Ces brassages sont déjà une réalité pour nombre d’entre nous, et ici au Liban tout particulièrement. Ils conduisent à la coexistence des langues et des approches, entre des femmes et des hommes issus de cultures, d’histoires ou de sensibilités différentes. C’est une richesse qui se construit ainsi, et pourtant il n’est pas toujours aisé de trouver le moyen de vivre et de travailler ensemble, ou encore d’entreprendre dans des contextes mixtes, métissés et donc complexes. Il est plus facile de vivre avec des gens qui sont pareils que vous que de côtoyer des personnes différentes. Dans les entreprises, nous observons que celles et ceux qui sont amenés à travailler dans un de ces ensembles qu’on appelle fusion, alliance ou qui participent à des collaborations ponctuelles, acquièrent un savoir-faire très précieux dans le management et l’organisation et sur le plan culturel. Ces compétences particulières seront de plus en plus sollicitées, dans l’avenir. Nous allons vers un monde professionnel où les gens prêts à travailler dans un milieu métissé, et capables de s’adapter et d’exploiter les différences, seront plus à même de faire face à la complexité des situations auxquelles ils seront confrontés. Dans ce contexte, la culture française, portée par la langue française qui est parlée dans plus de 55 pays francophones, a une place à part. Sa particularité est d’être à la fois une culture très forte, structurée, riche d’une longue histoire, et en même temps c’est une culture qui est ouverte et perméable aux influences extérieures et qui s’en nourrit. La confrontation à l’étrange ou l’étranger est toujours une expérience qui conduit à des remises en cause. C’est en cela qu’elle peut être vécue comme un danger, mais qu’elle est aussi source de développement et d’apprentissage. La grande richesse de la France et, au-delà, de la francophonie est de réussir à préserver un équilibre délicat entre une identité affirmée et singulière, défendue comme un atout par ceux qui s’en réclament, d’une part, et d’autre part, une adaptabilité et une grande capacité à intégrer dans ses pratiques et ses réflexions des apports étrangers. Certaines cultures se diluent dans le contact avec l’extérieur, voire même disparaissent ; d’autres se défendent des influences extérieures et s’en protègent avec plus ou moins de succès. La culture française, quant à elle, a la capacité d’absorber les différences et de les intégrer à sa culture. Elle a la modestie d’apprendre de l’extérieur, sans perdre pour autant son identité. La France sait conserver une culture que le monde lui envie, tout en continuant à la renforcer par son ouverture aux apports d’autres cultures. C’est ce que nous avons eu la chance d’expérimenter dans le cadre de l’alliance Renault-Nissan. C’est probablement un des facteurs qui expliquent les bons résultats de cette alliance dans un monde industriel où les rapprochements de ce type sont nombreux, mais pas toujours couronnés de succès. Dans notre alliance avec Renault, nous sommes deux constructeurs automobiles partenaires avec des identités de marques bien définies et très différentes, l’une française et l’autre japonaise. Nous n’avons jamais eu l’intention de modifier ces identités, mais au contraire de tirer parti du meilleur de chacune, tout en nous efforçant d’y ajouter une culture de l’alliance. Nous voulons éviter à tout prix les identités floues. Bien au contraire, nous insistons pour qu’elles soient respectées et que dans chacune des deux entreprises, tous nos collaborateurs se sentent réellement chez eux. Ainsi l’identité de chaque marque est volontairement mise en avant, car elle est un des actifs majeurs de chaque entreprise. Elle est aussi à la base du sentiment d’appartenance à une entreprise. Elle est à la source de la motivation. En même temps, il est clair depuis le début, en 1999, que nous travaillons ensemble, pour créer des synergies et mettre en commun certaines activités non visibles par le client, avec un seul et même but : renforcer la performance. Jouer sur les identités différentes et en même temps parier sur la collaboration sont un facteur d’enrichissement supérieur à tout autre. C’est un défi. Le relever, sera probablement l’une des meilleures contributions que l’alliance entre ces deux constructeurs automobiles apportera à l’économie. Certes, la coexistence est plus délicate à appréhender et plus subtile à manager, mais lorsque ça marche, ça marche très bien ! Le métissage, lorsqu’il fonctionne, représente un potentiel d’enrichissement culturel et économique extrêmement important à condition qu’il continue à être innovant. Une des conditions pour que ce métissage fonctionne c’est de ne pas penser et agir en termes de rapport de force. L’expérience a prouvé qu’il est beaucoup plus efficace de parler de partenariat, de synergie, de respect des identités. Cependant, il faut reconnaître que dans l’entreprise, la conception des relations repose presque exclusivement sur la notion de rapports de force. Et pourtant toute l’histoire nous enseigne qu’on crée de la richesse dans le respect des hommes, de leurs langues et de leurs cultures, que ce soit les cultures des pays ou les cultures des entreprises, et non en écrasant ou en dominant, en éliminant les identités des gens. En ramenant année après année de meilleures performances, nous démontrerons au sein de l’alliance qu’un système qui respecte les identités, les langues et vise au développement des synergies est vraiment l’un des seuls systèmes qui soit compatible avec le monde tel qu’il s’engage aujourd’hui : un monde de globalisation dans le respect des identités. * Président-directeur général de Nissan Motor Co Limited Demain, la suite de nos éditoriaux hors-série avec Marc LAMBRON
Par Carlos GHOSN* Le XXIe siècle sera le siècle des brassages : brassage des cultures et des idées, brassage des expériences, des technologies et des systèmes pour davantage de création de valeur. C’est un siècle marqué par la globalisation, la multiplication des échanges, l’explosion des moyens et des capacités de communication, la constitution de nouveaux groupes...