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Actualités - OPINION

Les petits ruisseaux font les grandes rivières Washington ne veut pas d’eau trouble du côté du Wazzani

Le Potomac est plus grand que le Wazzani. Et plus important que son déversoir, le Jourdain, quand il s’agit de viser l’Euphrate (et le Tigre) de Saddam. Cette affaire de casus belli évoquée par Sharon a souverainement déplu aux Américains. Et ils l’ont proprement convoqué, comme un vulgaire sous-fifre, pour le sommer de cesser ses gesticulations aquatiques. Alors qu’ils n’avaient pas été aussi loin dans l’humiliation de leur cher allié, même durant la crise du siège de la Moukataa qui les avait également irrités. Pourquoi cette différence de comportement ? Tout simplement parce que le conflit israélo-palestinien, endémique, n’interfère pas directement avec les visées belliqueuses des States concernant l’Irak. Tandis que l’embrasement éventuel d’un nouveau front au Liban-Sud, impliquant potentiellement la Syrie et sans doute l’Iran, rendrait leur guerre contre Saddam plus difficile à déclencher dans les délais rapprochés qu’ils semblent s’être fixés. Il faudrait alors traiter d’urgence la nouvelle guerre israélo-syrienne. En sachant que la neutralité, plus ou moins voilée, qu’ils essayent d’arracher aux Arabes concernant leurs plans irakiens, serait définitivement compromise. À Beyrouth, cependant, on ne semble pas trop réaliser que l’interdiction de faire des vagues (c’est le mot) concerne aussi la partie libanaise. Ainsi les dirigeants locaux répètent qu’ils sont déterminés à pomper les eaux du Wazzani, une fois les travaux terminés, pour alimenter une vingtaine de villages. Ajoutant qu’en ce faisant, le Liban reste en deçà des quotas de prélèvement que le droit international lui reconnaît. À ce propos (technique), il convient de rappeler que le rapport Johnston établi dans les années cinquante fixe à 35 % du débit annuel la part du Liban. C’est donc dans une petite semaine, le 16, que l’inauguration va avoir lieu en grande pompe (c’est également le mot), puisque le chef de l’État compte parrainer l’événement en s’y faisant représenter par le premier des représentants du peuple, Nabih Berry. Une date choisie avec soin, puisqu’elle intervient à la veille du Sommet de la francophonie. Dont les délégations sont du reste invitées à la cérémonie. Ce qui doit un peu les effrayer. Car les loyalistes du cru ne cachent pas que cette présence internationale est prévue pour servir de couverture et rendre improbable un raid israélien sur l’heure. On ne sait cependant pas si ce rôle de bouclier physique qu’on veut leur faire assumer plaît beaucoup aux étrangers invités. Et il faudra voir combien d’entre eux vont trouver moyen de se défiler. D’ailleurs, à supposer que le premier jour se passe bien, rien ne dit que les installations fluviales ne seront pas détruites par la suite, comme ce fut le cas en 1965. En fait, la meilleure protection réside dans les interdits américains. Mais, répétons-le, ces semonces ne s’adressent pas qu’aux Israéliens. Et il faudra voir, aussi, comment le gouvernement libanais, qui devrait se faire sous peu rappeler à l’ordre à son tour par Washington, va lui aussi trouver moyen de se défiler, de contourner l’interdiction. Ou de se dédire. Puis d’inventer des explications à l’adresse des Sudistes concernés, comme de l’ensemble des Libanais, frappés d’admiration jusque-là devant la fermeté, la détermination patriotiques du pouvoir. L’enjeu est important, mais les chiffres le relativisent : cette phase du 16 octobre ne coûte que 100 000 dollars et l’ensemble des projets d’exploitation agricoles ultérieurs ne dépasse pas un devis de 7 millions de dollars. Pour le moment, les Américains « conseillent » aux Libanais de patienter. Au moins, disent-ils, jusqu’à ce que l’Onu ait pu étudier le rapport justificatif circonstancié que Hariri lui prépare, avec le concours d’une commission de juristes et d’hydrologues. Une procédure de communication et d’examen qui peut prendre plusieurs mois. En tout cas, des sources diplomatiques informées indiquent que l’Administration Bush a prié David Satterfield de traiter personnellement le dossier comme étant une sous-priorité urgente. Le secrétaire d’État adjoint, ancien ambassadeur ici et qui a récemment visité la contrée (pour contrer notamment le Syria Accountability Act et montrer patte blanche à Damas), sait mieux que personne combien la situation est explosive au Sud. Des frappes israéliennes contre les installations sur le Wazzani, disent ces diplomates, libéreraient en quelque sorte le Hezbollah qui n’attend qu’une occasion pour sortir de la réserve où le tiennent les sollicitations combinées de l’Iran et de la Syrie. Le parti fondamentaliste pourrait pilonner des installations en Galilée et ce serait un cycle de guerre irrépressible, menaçant d’impliquer la Syrie. Le péril est d’autant plus grand que, jusqu’à plus ample informé, Sharon passe outre aux injonctions US et redit qu’il ne permettra en aucune manière le pompage libanais des eaux du Wazzani. Philippe ABI-AKL
Le Potomac est plus grand que le Wazzani. Et plus important que son déversoir, le Jourdain, quand il s’agit de viser l’Euphrate (et le Tigre) de Saddam. Cette affaire de casus belli évoquée par Sharon a souverainement déplu aux Américains. Et ils l’ont proprement convoqué, comme un vulgaire sous-fifre, pour le sommer de cesser ses gesticulations aquatiques. Alors qu’ils...