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Actualités - OPINION

Vie politique - Le réquisitoire de l’épiscopat maronite retentit comme un tocsin L’ancienne garde des décideurs se ressaisit du dossier libanais

Le dernier réquisitoire de l’épiscopat maronite retentit non pas comme une sonnerie d’alarme, mais comme un vrai tocsin. Pour signaler la gravité des tendances prétendument réformistes qu’affichent les officiels. Dont les vues sur le Liban électoralement unifié, sur l’abolition du confessionnalisme à la Chambre en vue de son installation dans un Sénat, semblent inspirées du dehors. C’est ce qu’estiment des opposants, qui ajoutent que les décideurs paraissent avoir imaginé ces dispositifs afin de riposter à la campagne larvée de leurs contempteurs locaux, qui miseraient de leur côté sur des changements. Ou sur d’autres appuis extérieurs. Quoi qu’il en soit, pour la plupart des observateurs indépendants expérimentés, les propositions du pouvoir portent la marque de l’ancienne garde des tuteurs. À en croire certains spécialistes, il n’est pas interdit de penser que le président Assad, accaparé par le dossier régional, ait laissé à l’ancien officier traitant du cas libanais, M. Abdel-Halim Khaddam, le soin de prendre soin, avec son habileté mais aussi sa pugnacité coutumières, des problèmes issus d’ici. Dont le principal pour Damas, et cela se comprend, s’articule autour du Syria Acountability Act, que des fractions libanaises soutiendraient plus ou moins ouvertement. En tout cas, on relève que les visites de figures de proue chrétiennes au président Assad, homme d’ouverture, se font rares ces derniers temps. Pour en revenir à la scène locale, tout en restant dans la langue de Hemingway, For whom the bell tolls, pour qui sonne le glas ? Pour les thèses des dialoguistes de l’Est, assez nombreux, qui imaginaient, et proposaient ces derniers temps mille scénarii de détente. En laissant entendre non seulement que leur courant, favorable à des compromis avec le pouvoir, était dominant au sein de Kornet Chehwane, mais aussi, mais surtout, que leur ligne répondait aux vœux du patriarcat. C’est peu de dire que le brûlot des évêques, l’extrême sévérité du ton employé pour développer des critiques, acérées à l’encontre du pouvoir comme du système, viennent dissiper les spéculations oniriques des colombes. Il y a donc eu un coup d’arrêt brusque, un désaveu brutal, infligé aux approches négociatoires à peine voilées de certains professionnels. Qui se sont lavé les mains, notamment et entre autres, de la MTV comme de Gabriel Murr ou des libertés. Pour tout dire, le discours ferme de Bkerké ferme la porte à la dilution, à la déliquescence « habile » voulue par des pôles déterminés, au nom du modérantisme. Cela étant, les évêques n’ont quand même pas claqué la porte d’un éventuel dialogue. Mais par leurs questions, leurs interpellations formulées sur le mode interrogatif, ils ont clairement délimité les bordures du corral où une rencontre pourrait avoir lieu. En somme, le message adressé au camp d’en face peut se résumer de la sorte : si vous voulez que nous parlions, il ne faut plus faire ceci ou cela, il ne faut plus aller dans la direction oppressive que vous empruntez. Cette mise en garde laisse au destinataire direct le bénéfice du doute. Dans ce sens qu’elle est tournée de manière à donner l’impression que les responsables ne sont pas bien conscients des conséquences de leurs actions, comme de leurs soi-disant projets institutionnels ou électoraux. Qu’ils ne réalisent pas les catastrophes que cela risque d’entraîner aussi bien pour l’État lui-même que pour l’ensemble, et l’unité, des Libanais. La crise politique atteint donc des cimes, ou des abysses, ce qui revient au même tant les extrêmes se touchent. D’autant qu’on s’acharne à lui donner une dangereuse tournure confessionnelle. Comme le montre la réaction, immédiate et dure, du Conseil chérié islamique de Dar el-Fatwa, aux positions de l’Est, accusé de provocation confessionnelle. L’esprit de Taëf, qui d’ailleurs n’a jamais réussi à s’incarner vraiment, s’évanouit totalement. Les Libanais n’ont jamais été aussi éloignés de l’entente que le pacte national leur recommande et leur commande. Le document n’est plus, à tout prendre, qu’un chiffon de papier dont certains se servent à tout bout de champ pour souffleter le vis-à-vis. Quant à la réconciliation nationale, cet horizon fugace, plus on s’en approche, comme l’an dernier dans la montagne, plus les semeurs de zizanie s’ingénient à la faire fuir. Avec succès. Ces parties, manipulées ou soutenues de l’extérieur, n’ont en vue que le renforcement et la consolidation de leur sphère d’influence. C’est du moins ce que soutiennent des opposants. Qui, se posant en force tranquille, ajoutent que nulle tentative d’intimidation ne les impressionne, que les diatribes haineuses où ils se voient traités de traîtres ne leur font ni chaud ni froid. Qu’ils n’ont pas peur, en somme, des menaces, physiques ou autres, proférées à leur encontre. Ils ajoutent que les méthodes adoptées par leurs adversaires ne peuvent aboutir qu’à envenimer la crise, à élargir le fossé entre les Libanais. Ils relèvent que les loyalistes, qui se targuent de défendre Taëf, le trahissent en profondeur et nuisent à terme à la légalité dont ils se réclament. Abordant les détails, ces sources notent que nulle part Taëf n’évoque la coagulation de toutes les régions du pays en une circonscription unique. Au contraire même, le document, qui n’a jamais été respecté sur ce plan, demande que les élections soient organisées au niveau du mohafazat, à condition qu’on en augmente le nombre, après amendement du découpage administratif. C’est-à-dire que Taëf conseille d’aller vers un rétrécissement, non vers un élargissement, du rayon électoral, pour serrer de plus près les intérêts des gens et en assurer une meilleure représentation de proximité. Pour les opposants, il est évident qu’en supprimant les wagons, en ne gardant que la locomotive conduite par une équipe de pôles coalisés, on cherche en réalité à réduire la démocratie à sa plus simple expression. Au profit de la loi du nombre et aux dépens des minorités. La vie politique serait paralysée. Et de plus, notent ces sources de l’Est, le jour où les alliés d’aujourd’hui se disputeraient, comme cela leur est arrivé si souvent, le pays risquerait de voler en éclats, parce qu’il n’y aurait aucune force-tampon, aucune alternative, aucune échappatoire. Mais l’opposition affirme qu’elle va lutter et que la semaine prochaine elle tiendra des assises pour décider d’un plan de lutte. À suivre. Philippe ABI-AKL
Le dernier réquisitoire de l’épiscopat maronite retentit non pas comme une sonnerie d’alarme, mais comme un vrai tocsin. Pour signaler la gravité des tendances prétendument réformistes qu’affichent les officiels. Dont les vues sur le Liban électoralement unifié, sur l’abolition du confessionnalisme à la Chambre en vue de son installation dans un Sénat, semblent...