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THÉÂTRE - « Les Mains sales », de Jean-Paul Sartre, au Madina Les déroutants chemins de la liberté(photos)

Une œuvre qui fit sensation en 1948 lors de sa première représentation à Paris par l’un des auteurs les plus prolifiques et les plus marquants de notre époque. Qu’en est-il aujourd’hui, c’est-à-dire un demi-siècle plus tard, de l’impact, du choix de la liberté et du sens de la dénonciation de la pourriture politique dans Les mains sales de Jean-Paul Sartre dans sa version arabe intitulée Jarima Atifiya (Meurtre passionnel) donnée au Masrah al-Madina (jusqu’au 26 octobre). Pour les républiques bananières du tiers-monde probablement encore beaucoup de choses sont à méditer dans ce texte touffu et long tandis que l’Occident a, depuis, occulté bien de ses démons politiques. Il est bon de rappeler que Les mains sales, pièce foncièrement pessimiste, a été différemment perçue malgré l’objectif de son auteur. Ainsi la droite comme la gauche y avaient vu une œuvre absolument anticommuniste et cela malgré les dénégations de l’auteur de Nekrassov. Et aujourd’hui avec l’écroulement, la déroute et le «collapse » du système communiste, les valeurs sont-elles toujours les mêmes ? Le théâtre de Sartre qui ne représente qu’un des aspects de cet écrivain (philosophe, dramaturge, essayiste, romancier, critique, reporter, scénariste, orateur), dont l’influence a été et demeure considérable, est sans nul doute une réflexion sur le thème existentialiste de la liberté. «L’homme , a dit l’auteur de La nausée, est condamné à être libre ». Mais cette liberté, si elle tente de s’exercer, devient dérisoire et aboutit à l’opposé du but recherché parce qu’elle est constamment menacée dans un univers cruel et absurde qui l’oblige souvent à abdiquer… Jarima Atifiya plante ses racines vers la fin de la Deuxième Guerre Mondiale où à Hugo, un bourgeois intellectuel pris entre les influences de deux femmes diamétralement opposées de caractère, la fausse fofolle Jessica et la dure au cœur tendre Olga (femme potiche ou femme de tête ? Sartre lui, personnellement, avait bien tranché le dilemme), est confiée une mission délicate : assassiner un responsable politique. C’est en vain qu’il tente de mener à bien cette mission sanglante. Jusqu’au moment où, réalisant que sa femme Jessica est en train de s’éprendre justement dudit leader politique, ses doigts pressent alors spontanément la gachette du revolver. Dans une telle confusion passionnelle et désordre affectif, quelle valeur prend l’acte de Hugo ? Meurtre politique ou passionnel, that is the question… Sur cette trame et ce schéma bien nets et secs, on réalise qu’il s’agit bien plus d’un théâtre d’idées soucieux de démonstration dialectique, de défense des thèses de l’existentialisme et de l’idéologie révolutionnaire que d’une véritable création dramatique. « Un théâtre de situation », comme disait justement Sartre. Mais avec la traduction en arabe dialectal, la langue de Sartre perd beaucoup de sa beauté et de sa virulence originelles et le discours paraît brusquement didactique, parfois d’une surprenante vulgarité et souvent artificiel et emphatique. D’autant plus que la mise en scène de Walid Fakhreddine manque de cohésion, de sobriété et de nervosité rompant surtout l’atmosphère avec des interludes chantés au lyrisme appuyé qui déparent à l’ensemble d’une œuvre déjà suffisamment pleine de contradictions. Les acteurs (Joyce Naufal, Talal al-Jurdi, Ahmad Ghossein, Rania Yazbeck, Walid Alayili) débitent leur texte d’une manière mécanique, l’ânonnent sans grande conviction quand ils ne l’oublient pas, le balbutient maladroitement ou se perdent en agaçantes minauderies (Jessica qui en fait trop avec son sac et pantoufles aux houppettes roses). Usant des techniques de cinéma , telle cette régisseuse hors scène qui crie « cut », light », ou débite le temps comme un chronomètre, à chaque bout de scène ou de phrase, dans un décor ouvert à plusieurs plans et fait de bric et de broc, la pièce se déroule dans une éprouvante lenteur où le discours sans vie sur le militantisme, l’engagement, le courage, les trahisons reste d’une distante froideur. Edgar DAVIDIAN
Une œuvre qui fit sensation en 1948 lors de sa première représentation à Paris par l’un des auteurs les plus prolifiques et les plus marquants de notre époque. Qu’en est-il aujourd’hui, c’est-à-dire un demi-siècle plus tard, de l’impact, du choix de la liberté et du sens de la dénonciation de la pourriture politique dans Les mains sales de Jean-Paul Sartre dans sa...