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Actualités - OPINION

Y a-t-il donc au Liban un axe du bien et un axe du mal ?

Dans une démocratie, deux fractions ne peuvent-elles développer des vues distinctes sans que cela ne représente « une menace à la paix civile », et ne déclenche un échange d’accusations de trahison ? C’est ce que se demande, avec inquiétude, un dignitaire religieux. Qui observe que la collectivité chrétienne a vu émerger deux groupes, la Rencontre de Kornet Chehwane et le Rassemblement parlementaire de concertation. Chacun suit une ligne propre, mais ils se doivent mutuellement du respect au plan des idées. Il leur faut en discuter rationnellement, démocratiquement. Pour tenter d’aboutir à un consensus unifiant les rangs chrétiens. En cas d’impasse, on en resterait là, sans pour autant que cela signifie une hostilité déclarée. Car il est nécessaire que les chrétiens continuent à garder conscience qu’ils constituent une même entité, au-delà des divergences quant aux objectifs à poursuivre. La personnalité citée se hâte de souligner que cela doit être pareil pour les musulmans, qui sont également divisés sur de nombreuses questions. L’ensemble des différends, même à caractère confessionnel, sur la scène locale ne doit pas provoquer de césure mettant la stabilité en danger. Il n’est pas admissible en tout cas qu’une partie cherche à s’imposer à l’autre, en lui interdisant de s’exprimer. Sous peine d’être accusée de menacer la paix civile, de trahir et d’encourir la réouverture de dossiers dormant dans les tiroirs. C’est comme s’il y avait au Liban un axe du bien et un axe du mal. Ou qu’on y répétait la devise de Bush « qui n’est pas avec nous est contre nous ». Pour cet homme de religion, ceux qui adorent un même Dieu sont libres de suivre des voies distinctes, mais évidemment sans haine, pour assumer leur foi. Il doit en être de même en politique. Les Libanais sont presque tous pour la souveraineté, l’indépendance, l’autonomie de décision ou les libertés, mais chacun à sa manière, selon son entendement. Kornet Chehwane pense que pour réaliser ces concepts, il faut que l’armée syrienne se retire, que l’État déploie son autorité partout, par le truchement de ses seules forces régulières, car c’est à lui seul qu’incombe le maintien de l’ordre. C’est ainsi dans tous les pays. Et au bout de 25 ans, les instruments sécuritaires nationaux perdent leur raison d’être s’ils ne sont toujours pas capables d’assumer, sans être épaulés, la mission qui leur est impartie. Il faut donc que les troupes syriennes quittent ce pays, avec des remerciements, conformément aux dispositions de Taëf. Ce n’est pas l’avis du Rassemblement parlementaire de concertation. Il ne voit aucune contradiction entre la souveraineté et la présence militaire syrienne, qui reste aussi nécessaire que provisoire, dans la phase critique que traverse la région. À ses yeux, cette présence constitue même une protection pour l’indépendance du Liban. Le groupe s’oppose également à la Rencontre au sujet du déploiement de l’armée sur la ligne bleue. Il affirme que ce ne serait pas la population libanaise qui serait rassurée, mais Israël. Et la reprise du contrôle étatique sur cet espace ne lui semble possible qu’après la conclusion d’une paix régionale globale. Même clivage au sujet de Chebaa, dont la libération doit intervenir par les voies diplomatiques, selon la Rencontre et par la résistance active selon le Rassemblement. Des divergences peuvent également être relevées sur des questions comme la loi électorale, les naturalisations, la décentralisation ou l’abolition du confessionnalisme politique. Il n’est pas admissible, répète le dignitaire religieux, que ce débat soit considéré comme une menace pour la paix civile. Cela étant, le dialogue est souhaitable, pour une entente sinon sur la totalité des questions, du moins sur certaines d’entre elles. Le Rassemblement parlementaire de concertation représente certes une majorité capable de faire pencher la balance lors du vote sur les projets litigieux. Il n’empêche que la Rencontre garde le droit d’exprimer son opposition par tous les moyens démocratiques légaux. Et de conclure en affirmant, sur un ton réaliste, qu’en tout cas, le changement ne peut provenir que d’une décision régionalo-internationale, en fonction d’une modification des rapports de force, non de regroupements locaux. Et c’est la même chose, du reste, pour le maintien éventuel du statu quo. Partant de quoi, ni la Rencontre ne peut inverser le cours des choses et faire élire le prochain président de la République ni le Rassemblement n’est en mesure de contrer le changement s’il est décidé au-dehors. Leur dispute est donc inutile. Émile KHOURY
Dans une démocratie, deux fractions ne peuvent-elles développer des vues distinctes sans que cela ne représente « une menace à la paix civile », et ne déclenche un échange d’accusations de trahison ? C’est ce que se demande, avec inquiétude, un dignitaire religieux. Qui observe que la collectivité chrétienne a vu émerger deux groupes, la Rencontre de Kornet Chehwane et...