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Actualités - OPINION

Extension du domaine de lutte

Ses propos sur et pour les libertés, le 6 novembre 2000, avaient été inévitablement et fortement applaudis. Aussi bien au sujet des ingérences occultes et des intimidations dont la presse fait l’objet, qu’en ce qui concerne la liberté d’expression et de manifestation, les arrestations arbitraires, la violation de l’intimité des domiciles ou les écoutes téléphoniques. C’était un des thèmes majeurs développés par Rafic Hariri au cours de sa déclaration ministérielle, en conclusion du débat de confiance. Le Premier ministre avait même été jusqu’à assurer que si jamais il constatait que son action gouvernementale se heurtait, en la matière, à un mur, il déciderait de se retrouver sur les bancs des députés. « Notre politique antérieure en matière de libertés de la presse était floue, elle ne le sera plus », avait reconnu le n° 3 de l’État, avant de se faire fort de recueillir « à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit » la moindre plainte qui émanerait d’un journaliste qui aurait été menacé. Et s’engageant également à combattre les « arrestations illégales », ainsi que toutes les pratiques policières « dignes d’une dictature ». Parce que ces pratiques-là, avait dit à l’époque le Premier ministre, « minent les fondements mêmes de la société libérale libanaise ». Deux ans après ces propos aussi tonitruants qu’inefficaces, le constat est amer. Soit le Premier ministre se moquait de son monde, abondait dans de la pure démagogie et se plongeait à escient dans de petits calculs politiciens inter-Exécutif, soit il était, bien plus vraisemblablement, sincère, mais « oublieux » qu’à l’exception des domaines économique et financier – et encore –, les aficionados ultrazélés d’un régime militaro-sécuritaire avaient déjà décidé qu’ils se passeraient volontiers des opinions d’un Rafic Hariri qui, dit-on volontiers du côté de Koraytem, a aussi bien la chose militaire que la démission en horreur. « Oublieux » que ces groupies-là, qui n’ont visiblement pas omis de relire assidûment les mémoires de Rafael Trujillo ou de Porfirio Diaz, ne s’embarrasseraient ni des prérogatives du Premier ministre (encore faut-il qu’il veuille s’en souvenir lui-même) ni de celles, complètement ignorées aujourd’hui, du très haririen ministre de la Justice, Samir Jisr. Rafic Hariri, en novembre 2000, a évité, volontairement ou pas, de mettre en garde contre des interprétations ou des manipulations politiques intempestives de la justice et de la loi. Il aurait été diablement visionnaire. Aujourd’hui, ces utilisations sont légion. Et elles semblent constamment et miraculeusement tomber à pic pour parachever le saucissonnage de l’opposition (fermeture de la MTV, remise en cause permanente de la députation de Gabriel Murr, préparation d’une loi électorale qui finirait d’assassiner l’opposition parce qu’elle serait basée, dit-on, sur la circonscription unique, et maintenant, ces investigations...). Rafic Hariri aurait-il pu prévoir l’hyperactivité, le stakhanovisme, du procureur général ? Aurait-il pu prévoir que Adnane Addoum allait demander que des enquêtes soient menées contre les personnes, qu’elles soient ou non journalistes, « qui ont eu au Liban des activités portant atteinte à la sécurité, au prestige de l’État et à son statut financier » ? Qu’est-ce que le « prestige » de l’État, quand l’État lui-même offre aux yeux du monde entier les tabassages du 7 août 2001 ou ceux consécutifs à la fermeture de la MTV ? Qu’est-ce que le « prestige » de l’État, quand celui-ci, tout en se prévalant d’être une démocratie parlementaire, ne se contente pas de s’acharner à museler une opposition dans son ensemble (ce qui est en soi bien répréhensible), mais décide, aussi, d’aller explorer, pour les faire siennes, les « vertus » du totalitarisme et de l’obscurantisme ? Rafic Hariri serait bien incapable de répondre à ces questions-là aujourd’hui. Surtout en restant scotché à son fauteuil. Le problème, c’est qu’il n’y a même pas de Parlement en mesure de demander des comptes au gouvernement que préside Rafic Hariri. Il n’empêche. Grâces soient rendues au même Adnane Addoum lorsqu’il précise que ses enquêtes ne concernent en rien ceux qui réclament le retrait des forces syriennes du Liban, ou la dé-satellisation politique du pays. D’ailleurs, il serait bien que l’omnipotent procureur général, ainsi que tous ceux à l’origine de ses débordements d’énergie, sachent que la très grande majorité des Libanais ne souhaite pas demander des comptes à la Syrie – le voudrait-elle qu’elle en serait bien incapable. La quasi-totalité des Libanais serait même prête à ajouter à ses luttes quotidiennes et souvent désespérées pour assurer son pain, la scolarité de ses enfants, sa sécurité sur les route, ses libertés publiques ainsi que les principes de démocratie et ceux des droits de l’homme, un énième combat. Aux côtés de la Syrie cette fois. Et contre l’ennemi commun. Mais encore faut-il pour cela, que la Syrie se retire du Liban, et cesse de s’immiscer dans ses affaires intérieures. Ziyad MAKHOUL
Ses propos sur et pour les libertés, le 6 novembre 2000, avaient été inévitablement et fortement applaudis. Aussi bien au sujet des ingérences occultes et des intimidations dont la presse fait l’objet, qu’en ce qui concerne la liberté d’expression et de manifestation, les arrestations arbitraires, la violation de l’intimité des domiciles ou les écoutes téléphoniques....