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Actualités - CHRONOLOGIE

Séminaire - Un congrès qui mesure la distance entre les textes et leur application Peu de changements depuis la signature de la convention contre la discrimination des femmes, constatent des militantes arabes

La convention internationale pour l’élimination de toute forme de discrimination contre la femme a été signée, et même ratifiée, par un grand nombre de pays arabes, sous la pression des associations féministes notamment, alors que le reste s’apprête à le faire. Mais quels changements réels ont-ils résultés de cette action dans une région du monde où la femme lutte toujours pour obtenir ses droits, les plus élémentaires quelquefois ? Le bilan effectué par plusieurs militantes arabes lors d’un congrès qui a débuté ses travaux hier est plutôt sombre : les gouvernements, même après la signature du document, sont réticents à modifier en profondeur les lois nationales qui sont en contradiction avec le texte. D’autre part, ces mêmes gouvernements expriment des réserves sur des articles clés de la convention, généralement sous le prétexte qu’ils s’opposent aux lois religieuses, faussant par là même la signification de la signature du texte. Le congrès sur la « Convention internationale pour l’élimination de toute forme de discrimination contre la femme – entre signature et application » a été organisé conjointement par la fondation Friedrich Ebert, le Comité des droits de la femme libanaise et la délégation de l’Union européenne au Liban. Il a commencé ses travaux hier à l’hôtel Commodore (Beyrouth) et se poursuivra aujourd’hui. Plusieurs pays arabes comme les Émirats, le Koweït, Bahreïn, le Yémen, l’Égypte, la Tunisie, le Maroc, la Jordanie et la Syrie, sans compter le Liban, étaient représentés par des responsables d’associations féministes. Amina Sleimane, de l’Union générale de la femme palestinienne, a été empêchée de quitter les territoires pour se rendre au Liban. Il devrait résulter de ce séminaire des recommandations pour une action arabe commune visant à une application plus stricte des articles de la convention. Les interventions étaient plus ou moins critiques envers l’action insuffisante des gouvernements dans la question des droits de la femme, notamment dans la modification des lois jugées discriminatoires envers le sexe féminin. Mais de nombreux points communs ressortent inévitablement des différents bilans effectués. À titre d’exemple, les militantes ont presque invariablement soulevé l’injustice des lois arabes sur l’octroi de la nationalité. Il n’y a apparemment aucun pays arabe (sauf la Tunisie qui a modifié sa loi en ce sens, mais non inconditionnellement) qui donne le droit à la femme d’accorder la nationalité à son mari étranger ou à ses enfants, s’ils sont de père étranger. Certains cas sont à la limite du ridicule. Mariam Roueihi, de Bahreïn, a expliqué que « non seulement la femme bahreïnie ne peut octroyer sa nationalité à personne, mais elle la perd si elle prend celle de son mari étranger. En cas de divorce, elle ne reprend sa nationalité bahreïnie qu’à deux conditions, qu’elle présente une demande en ce sens et qu’elle revienne habiter au pays ». Religion et législations Un autre point litigieux soulevé au cours des interventions et des discussions est le lien entre religion et législations. En effet, un des articles clés de la convention, portant sur la nationalité, a le plus souvent fait l’objet de réserves émises par les gouvernements arabes qui y ont vu une atteinte à la charia. Certaines intervenantes, comme Farida Naccache, présidente du Rassemblement d’associations pour le développement de la femme en Égypte, ainsi que sa collègue tunisienne, Alia Chamari, ont clairement appelé à « une séparation de la religion et de l’État ». Mme Naccache a fait référence à plusieurs cas où « la spécificité arabe » et la religion ont été « utilisées comme prétexte pour rejeter des demandes de modernisation, même si les articles de loi concernés n’ont rien à voir ni avec l’une ni avec l’autre ». Exprimant un autre point de vue, des intervenantes comme Ahlam al-Melki des Émirats arabes unis et Maymouna al-Sabah du Koweït ont toutes deux considéré que la charia accordait tous ses droits à la femme. Houria Machour, du Yémen, a souligné que « le comité de suivi de la convention à New York, formé presque entièrement de femmes occidentales, ne comprend pas les spécificités de notre culture, et attaque souvent certains principes de la charia qu’il considère discriminatoires, alors qu’ils sont justifiés à nos yeux ». Mme al-Sabah a, toutefois, émis la remarque que « la signature de la convention ne s’est traduite par aucune amélioration sur le terrain dans aucun des pays arabes signataires ». En effet, le principal impact que pourrait avoir la convention pour l’élimination de toute forme de discrimination envers la femme est la modification de lois existantes, considérées, justement, comme discriminatoires. Or la volonté politique est le plus souvent absente et la situation socioéconomique généralement défavorable à tout changement. De nombreux exemples viennent illustrer cette réalité. Mme Machour rappelle que « même si les lois du Yémen donnent tous leurs droits politiques aux femmes, 76 % d’entre elles restent analphabètes, donc incapables de former des groupes de pression ». Mme Roueihi fait remarquer que « les lois électorales doivent être accompagnées de campagnes de sensibilisation, afin que les femmes ne constituent pas un simple réservoir de voix destiné à faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre ». Toutefois, il serait exagéré de déclarer qu’aucune amélioration n’a été apportée aux lois arabes, sous la pression des courants féministes. Fatiha Saddass, du Maroc, a fait l’inventaire d’une série de modifications apportées à certaines lois qui étaient discriminatoires, ainsi qu’une série de suggestions faites par son association. Mme Naccache a, elle aussi, évoqué quelques changements en Égypte qu’elle a cependant considérés comme trop minimes par rapport à ce qui devrait être fait. Elle a dénoncé certaines « subtilités dans les lois qui, bien qu’apparemment égalitaires, sont en réalité discriminatoires ». L’application de la convention au Liban La situation de la femme libanaise s’est-elle améliorée après l’adhésion du Liban à la Convention internationale pour l’élimination de toute forme de discrimination contre la femme (CEDAW) ? Bien que signée en 1996, cette convention n’a toujours pas atteint les objectifs escomptés, affirme la vice-présidente du comité des droits de la femme, Mme Ezzat Murr Merwa. Considérée comme un pas important au plan juridique, cette convention n’a toutefois pas été accompagnée des amendements nécessaires des textes législatifs, qui sont, dans l’ensemble, en contradiction avec cette convention. Évoquant les réserves émises par le gouvernement libanais sur la Cedaw, à savoir les articles 9, 16 et 29, l’intervenante explique que ces réserves vident pratiquement la convention de son sens. L’article 9 relatif à la nationalité prévoit l’égalité entre l’homme et la femme pour ce qui est de la nationalité de leurs enfants. Or, en s’abstenant de voter cet article (alinéa 2), le Liban s’oppose du même coup au principe d’égalité entre les sexes, prévu notamment dans la Constitution. « Cette réserve est en outre contradictoire avec la Convention des droits de l’enfant, adoptée par le Liban en 1989, qui stipule le droit de ce dernier à la nationalité ». De même, dit Mme Merwa, la réserve émise à propos de l’article 16, portant sur l’égalité des droits et devoirs dans les relations matrimoniales et dans les rapports familiaux, consacre la suprématie de l’homme dans le domaine du statut personnel. Des lacunes que l’on doit mettre également sur le compte des mentalités ambiantes illustrées par un comportement traditionnel, coutumier et religieux, fait remarquer l’intervenante. À cela, s’ajoute le refus du Liban de signer le protocole facultatif relatif à cette convention qui donne droit à la femme et aux organisations non gouvernementales de saisir la justice en cas de violation des termes de cette convention. Les sociétés civiles perdent ainsi un instrument de pression important sur le gouvernement. Autre problème que soulève l’application de cette convention, l’existence de textes législatifs non conformes à l’esprit et aux termes de la convention, tels que la loi du travail, notamment les articles portant sur le congé maternité et la loi de la sécurité sociale, qui opère une discrimination importante entre l’homme et la femme.
La convention internationale pour l’élimination de toute forme de discrimination contre la femme a été signée, et même ratifiée, par un grand nombre de pays arabes, sous la pression des associations féministes notamment, alors que le reste s’apprête à le faire. Mais quels changements réels ont-ils résultés de cette action dans une région du monde où la femme lutte...