Bkerké, impartial, se met à souhaiter des regroupements nationaux

Les deux clubs se suivent, et se poursuivent, l’un aujourd’hui, l’autre hier, au siège patriarcal maronite. Le Rassemblement parlementaire de concertation en pendant loyaliste, mais également chrétien, de la Rencontre de Kornet Chehwane opposante... Des députés qui ont pu s’entretenir avec Mgr Sfeir à son retour de Dimane rapportent qu’il reste bien entendu au-dessus de toute mêlée. Et que, finalement, il n’est pas très chaud vis-à-vis de ces coagulations à connotation communautaire, préférant voir se former des groupements multiconfessionnels, de caractère national. Mais alors, Kornet Chehwane, émanation presque directe de Bkerké ? Le patriarche, répondent ces sources, a maintes fois conseillé à la Rencontre de s’élargir pour englober des figures musulmanes. Dans le même esprit, il souhaiterait voir le Rassemblement recruter dans la communauté islamique. Pour se dépouiller de l’habit de simple rival de la Rencontre qu’on lui prête, et prendre une tout autre dimension. Ces témoins ajoutent qu’à leur propre avis, le cardinal a d’autant plus raison que des éléments agissant sous télécommande font leurs choux gras actuellement, dans leur campagne contre la composante chrétienne de ce pays, du confessionnalisme « isolationniste » qu’elle a l’air d’afficher dans ses différentes représentations. Toujours est-il qu’à l’intérieur même de la collectivité chrétienne, le patriarche déplore les divisions, ainsi qu’il l’a proclamé dans son sermon dominical. Il a appelé les chrétiens à se retrouver, à s’unir sur la voie du salut, pour assumer ensemble leur vocation patriotique. En étendant, bien évidemment, cette exhortation de cimentation à tous les Libanais. Cependant, certains observateurs estiment que Mgr Sfeir a voulu rappeler, entre les lignes, que le problème de fond dans ce pays ne relève pas des tiraillements entre chrétiens. Mais bien du contentieux que soulève Kornet Chehwane, avec tous ses dérivés. Quoi qu’il en soit, si le Rassemblement parlementaire de concertation se rend aujourd’hui à Bkerké, c’est évidemment pour reconnaître sa stature de commandeur, comme disait Don Giovanni. Les députés concernés affirment qu’ils vont répéter haut et clair leur respect profond pour une instance nationale qui n’est partie dans aucun litige et ne se réduit pas à Kornet Chehwane. Ils vont donc être reçus ce mardi par le patriarche, pour lui remettre leur manifeste de création. La délégation sera conduite par le président du groupe, Kabalan Issa el-Khoury, qui en sera l’unique porte-parole devant le prélat. Il y aura ensuite un échange d’idées, devant les médias. Puis un communiqué, après la visite. À noter que certains éléments auraient préféré que l’on attende Sleiman Frangié, actuellement en voyage. Mais le jeune ministre, relancé à ce propos, a conseillé à ses collègues de se rendre sans tarder auprès du patriarche. Précisant qu’il lui rendrait visite lui-même dès son retour. Parallèlement, le RPC entend former un comité chargé de multiplier les contacts avec les différents pôles politiques du pays. Pour leur exposer, comme il va le faire, à Bkerké, sa ligne propre, basée selon ses dires sur les constantes nationales issues de Taëf. Et pour répéter que les membres ne se sont pas regroupés dans un esprit d’hostilité au patriarcat maronite, bien au contraire. Ni à la rue chrétienne dont ils représentent d’ailleurs, selon eux, une bonne partie. Ces députés répètent à satiété que Bkerké ne peut pas, et ne doit pas, être confondu avec Kornet Chehwane. Ils ajoutent qu’ils ont à cœur d’expliquer à Mgr Sfeir les raisons qui les ont poussés à se coaliser entre personnes soupçonnées d’appartenir à une seule coloration communautaire. Ils veulent aussi, toujours à l’adresse de Mgr Sfeir, mettre l’accent sur la gravité de certaines positions et plaider pour un dialogue national commençant par un échange entre eux et la Rencontre. Philippe ABI-AKL