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Actualités - OPINION

L’État milicien

Une fois de plus, le Conseil des évêques maronites aura mis le doigt sur la plaie. Et de façon prémonitoire. Quelques heures seulement avant la fermeture de la MTV, mercredi après-midi, il publiait en effet un communiqué déplorant le fait que « la confiance des Libanais dans la magistrature se perd », soulignant que « la justice est devenue politisée et discrétionnaire, au service des objectifs politiques des personnes au pouvoir ». Le ministre des Déplacés, Marwan Hamadé, a été encore plus loin en accusant le pouvoir judiciaire d’« obéir aux ordres d’un pouvoir invisible ». Le plus grave dans l’affaire de la MTV est précisément qu’elle représente non seulement un nouveau coup de boutoir porté aux libertés publiques, mais surtout une illustration de la dérive milicienne d’un régime qui se pose, pourtant, en champion de l’édification d’un État de droit. Les slogans creux lancés à ce propos dans les hautes sphères cachent mal une dangereuse exploitation des différents appareils étatiques dans le seul but de se livrer à des réglements de compte à caractère politicien, voire même familial et clanique. Les quatre dernières années ont malheureusement fourni plusieurs exemples reflétant cette déplorable réalité. Tout le monde se souvient que, dès les premiers jours du mandat du président Émile Lahoud, le cabinet Hoss fraîchement formé s’était livré à une prétendue opération de redressement administratif qui, loin de s’attaquer au problème de fond, s’était réduite, en réalité, à une simple chasse aux sorcières visant certains responsables et hauts fonctionnaires du gouvernement sortant. Une chasse aux sorcières qui s’était limitée, de surcroît, aux seuls commis de l’État ne bénéficiant pas d’une couverture politique suffisante. Comment oublier, en outre, que lors des élections législatives de l’an 2000, ce même régime a utilisé la chaîne de télévision publique pour mener campagne contre ses adversaires et diffuser des clips électoraux hostiles à Rafic Hariri, en violation flagrante de cet article 68 de la loi électorale évoqué aujourd’hui pour tenter de justifier la décision de fermeture de la MTV. Les rafles opérées le 7 août 2001 dans les rangs de l’opposition chrétienne – et l’arrestation consécutive de Toufic Hindi, Habib Younès et Antoine Bassile – constituaient parallèlement, de l’aveu même de personnalités proches du régime, une réaction (primaire) à la dynamique politique enclenchée par le rapprochement entre le camp chrétien, et plus particulièrement le patriarcat maronite, d’une part, et Walid Joumblatt, d’autre part. Au lieu de tenter de récupérer à leur propre profit cette amorce de réconciliation nationale, les hautes sphères n’ont rien trouvé de mieux, à l’époque, que de mobiliser les appareils sécuritaires et judiciaires de l’État pour briser le processus en marche, de peur de se retrouver isolées sur la scène locale. La lamentable prestation du ministre de l’Intérieur lors du scrutin partiel du Metn – plus particulièrement ses prises de position concernant le caractère non obligatoire de l’isoloir et son hostilité déclarée à l’un des candidats (son oncle, Gabriel Murr) – a apporté une preuve supplémentaire du comportement politicien et clientéliste d’un pouvoir censé être le garant du respect de la Constitution. La fermeture de la MTV aura constitué, dans le sillage de la consultation populaire du Metn, l’apogée de cette exploitation éhontée des instruments étatiques pour se livrer à des réglements de comptes d’ordre purement familial et clanique. Une telle ligne de conduite en dit long en tout cas sur les véritables intentions du pouvoir pour ce qui a trait au dialogue avec l’opposition et aux tentatives d’assainissement du climat politique sur la scène locale. Mais bien au-delà de cet ensemble de considérations, c’est la confiance du citoyen en l’État et en ses institutions qui est aujourd’hui en jeu. Lorsque le régime fait table rase de la raison d’être de l’entité libanaise – les libertés publiques –, lorsqu’il se livre à des règlements de comptes et à des manœuvres bassement politiciennes, sans se soucier de son rôle le plus élémentaire ou même, parfois, des lois en vigueur (dans le plus pur style milicien), comment peut-il espérer gagner l’estime de la population ? Dans le cadre du débat actuel sur le projet de budget, le gouvernement a clairement manifesté son intention de faire parvenir des « signaux positifs » à la communauté internationale, afin d’éviter un effondrement de l’économie nationale. En affichant de la sorte un comportement digne des républiques bananières les plus sous-développées, le régime s’est, à l’évidence, trompé de signal. C’est à la société civile de se mobiliser, aujourd’hui plus que jamais, afin de contraindre l’État à rectifier le tir. Et de sauvegarder, contre vents et marées, les spécificités du Liban et les libertés publiques. Michel TOUMA
Une fois de plus, le Conseil des évêques maronites aura mis le doigt sur la plaie. Et de façon prémonitoire. Quelques heures seulement avant la fermeture de la MTV, mercredi après-midi, il publiait en effet un communiqué déplorant le fait que « la confiance des Libanais dans la magistrature se perd », soulignant que « la justice est devenue politisée et discrétionnaire, au...