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Actualités - CHRONOLOGIE

À Achrafieh, les employés bousculés, piétinés, passés à tabac(PHOTO)

Bousculades, coups de crosse, piétinements et tabassage. Ils ne reculent devant rien. Ni les hommes âgés, ni les jeunes femmes, ni le fils d’un président assassiné, ni les photographes. Hier, les forces de l’ordre avaient des instructions et ils devaient à tout prix les faire respecter. La décision de justice, qualifiée de « décision politique » par le ministre de l’information Ghazi Aridi, devait être exécutée. Et la foule a été bousculée, piétinée, passée à tabac. À 16 heures 30, les jeeps de l’armée et des FSI ont encerclé les deux bâtiments qui abritent les studios et l’administration de la chaîne de Gabriel Murr et ont obligé les 400 employés de la chaîne à quitter les lieux. Dans l’un des studios de Naccache, on enregistrait une émission pour enfants en présence d’une cinquantaine de gosses accompagnés de leurs parents. À Achrafieh, les forces de l’ordre ont fait irruption, entre autres, dans un des studios (qui se trouvent au deuxième sous-sol) où l’on transmettait en direct une émission de jeunes programmée sur la chaîne satellite. C’est de force que les employés d’Achrafieh ont été entraînés de leurs bureaux jusqu’au parking de la MTV, situé au premier sous-sol de l’immeuble de onze étages dont seuls le deuxième sous-sol, le 8e et le 9e appartiennent à la station. Les autres niveaux abritent les bureaux de Radio-Mont-Liban ainsi que des cliniques de médecins et divers bureaux d’études. Architectes, praticiens et patients ont été aussi obligés de quitter les lieux. Hier après-midi, les employés de la MTV à Achrafieh n’ont pas eu le temps d’éteindre leurs ordinateurs et ceux qui avaient décidé de s’attarder quelques instants devant un travail inachevé ont été bousculés jusqu’aux ascenseurs. Certains qui présentaient une émission en direct n’ont même pas eu le temps de se débarrasser de leurs écouteurs et micros. Encore sous le choc, les employés rassemblés au parking du bâtiment et rejoints par quelques militants, dont le fils du président assassiné Nadim Béchir Gemayel, décident d’observer un sit-in et de ne pas quitter les lieux. Mais encore une fois, on leur intime l’ordre de quitter les lieux. Les employés protextent, demandent de rester. Mais peut-on négocier ? « Les ordres sont les ordres », leur répond-on. Une employée au service publicité s’assoit par terre et scande : « Je m’appelle Vera Assouf, je suis du Metn et je reste là. » Elle est suivie par une collègue. Toutes les deux subiront les foudres des hommes armés. C’est à coups de pied et de crosse qu’elles sortiront du bâtiment. Michel Achi, réalisateur, qui avait déjà reçu un café brûlant à la figure en quittant son bureau, ne voulait pas non plus quitter les lieux. Il a été entraîné à coups de pied et de crosse devant l’ascenseur qui mène aux locaux de la MTV, où il a été menotté, piétiné et passé à tabac, loin des caméras. Échauffourée Dehors, l’échauffourée avait commencé. Des dizaines et des dizaines d’hommes armés bousculent la foule. Un jeune employé de la MTV est traîné par terre, battu à coups de crosse. L’agent des forces de l’ordre lui serre la gorge avec la bandoulière d’un fusil. Un photographe de l’AFP est frappé. Nadim Béchir Gemayel, qui a pris place en retrait, un peu loin de la rixe, sur un trottoir, a été lui aussi agressé et touché à l’estomac par un coup de crosse. Les témoins de la scène, badauds et employés de la MTV, se retournent vers le jeune homme, paniquent et se mettent à hurler : « Ils ont frappé le fils de Béchir. » Tout le monde court, veut aider Nadim, crier sa rage à la tête des soldats. Protégé par ses gardes du corps et encadré par Jean Aziz, représentant des FL, le fils du président assassiné est accueilli dans une pharmacie voisine. Dehors, la bousculade continuait et les employés de la chaîne ont été entraînés jusqu’à la rue principale du quartier Fassouh, coupée durant plusieurs heures à la circulation. Chassés de force de leurs bureaux, ils ont été vite rejoints par leurs collègues qui étaient hors des locaux de la MTV et les militants de l’opposition dont notamment Selmane Samaha (FL) et Hikmat Dib (CPL). La foule s’organise, brandit des logos de la chaîne, des drapeaux du Liban, et des images de Gabriel Murr. Elle brûle des cierges et chante à pleins poumons les jingles de l’entreprise. Hier, dès l’annonce de la nouvelle, députés, grands journalistes et responsables de l’opposition se sont rendus à la MTV, où une réunion se tenait, bien avant l’irruption des forces de l’ordre, entre les représentants des médias audiovisuels. Parmi les premiers arrivants, figuraient Farès Souhaid, Samir Frangié, Pierre Gemayel, Nayla Mouawad et Simon Karam. Ils se sont rendus au bureau de M. Murr au 11e étage. Durant des heures, le défilé de personnalités se poursuit. Citons notamment Talal Selmane patron d’as-Safir, les députés Nassib Lahoud, Boutros Harb, Salah Honein, Mansour Ghanem el-Bone et Marwan Hamadé, ainsi que Mme Solange Béchir Gemayel. Certains négocient avec les forces de l’ordre pour pouvoir se rendre au bureau du député du Metn. Le PDG d’an-Nahar, Gébrane Tuéni, a attendu une vingtaine de minutes pour pouvoir entrer. Le ministre de l’Information, Ghazi Aridi, a lui aussi négocié son entrée. Interrogé par L’Orient-Le Jour, il a déclaré qu’il n’était « pas au courant de la décision prise ». M. Hamadé a pour sa part indiqué que « le Rassemblement démocratique soutient la MTV et refuse que l’on s’en prenne aux médias ». « Nous sommes tous unis dans la bataille des libertés », a-t-il dit. Quant à Mme Mouawad, elle a relevé que « la lutte pour les libertés est une bataille de longue haleine ». L’accès à la chaîne a été interdit au chef du PNL, Dory Chamoun, qui a qualifié la fermeture de la MTV comme « une erreur commise par le régime ». Hier, les locaux de Naccache ont été mis sous scellés. À Achrafieh, jusqu’à une heure avancée de la nuit, l’entrée principale du bâtiment était gardée par les FSI. À l’intérieur de l’immeuble, les soldats montaient la garde devant des bureaux déserts, placés sous scellés. Le matériel de la MTV n’a pas été, jusqu’à nouvel ordre, confisqué. D’ailleurs, tous les employés en reportage ne sont pas rentrés comme d’habitude à la station. Ils se sont retirés chez eux avec micros, films et caméras, tentant de sauver ce qui peut encore l’être. Patricia KHODER
Bousculades, coups de crosse, piétinements et tabassage. Ils ne reculent devant rien. Ni les hommes âgés, ni les jeunes femmes, ni le fils d’un président assassiné, ni les photographes. Hier, les forces de l’ordre avaient des instructions et ils devaient à tout prix les faire respecter. La décision de justice, qualifiée de « décision politique » par le ministre de...