Actualités - OPINION
Un dialogue est-il encore possible ?
Par FRANGIE Samir, le 26 août 2002 à 00h00
Par Samir FRANGIÉ Depuis les événements du 11 septembre, le monde arabe est fortement déstabilisé par le changement brutal de la politique américaine à son égard. Ce changement qui atteint la plupart des pays de la région se manifeste de diverses manières : appui inconditionnel à Israël contre l’Autorité palestinienne, campagne de presse contre l’Arabie saoudite considérée par un organe consultatif du Pentagone comme « le premier et le plus dangereux adversaire » des États-Unis au Proche-Orient, suspension de toute aide financière supplémentaire américaine à l’Égypte à la suite de la condamnation de Saadeddine Ibrahim, militant connu des droits de l’homme, pressions sur la Syrie et le Liban pour mettre fin aux activités du Hezbollah, menaces de guerre contre l’Irak, etc. Face à ces bouleversements qui risquent de modifier la carte politique de la région, les dirigeants libanais réagissent d’une manière curieuse : ils dénoncent la politique américaine, mettent en garde contre les dangers à venir, prônent l’unité nationale et, dans la même foulée, n’ont de cesse que de diviser les Libanais entre pro et antiaméricains. La logique qui sous-tend cette démarche est simple : tout changement régional risque de remettre en cause le statu quo établi dans le pays depuis la fin de la guerre ; aussi pour empêcher l’opposition d’en tirer profit, il faut, à titre préventif, prendre les devants et, pendant qu’il est encore temps, porter à l’adversaire un coup décisif. La campagne menée contre l’opposition s’inscrit dans ce cadre. Elle a débuté par une « diabolisation » de l’adversaire, accusé d’être au service des États-Unis, puis a été suivie d’une double tentative de division – séparer les « modérés » des « extrémistes » – et d’isolement – « on ne dialogue pas avec des agents » –, et devrait être complétée par l’émergence de nouvelles forces politiques chargées de contenir l’opposition. Cette campagne a-t-elle des chances de réussir ? Les « loyalistes » peuvent-ils espérer convaincre les Libanais de la nécessité de se démarquer de l’opposition ? Il ne fait aucun doute que cette campagne ne s’adresse pas à l’opinion publique ; les objectifs de ceux qui la mènent sont à rechercher ailleurs. Ils veulent tout d’abord relancer la tension communautaire en espérant ainsi briser l’opposition et séparer les chrétiens des musulmans après avoir soumis ces derniers à des pressions de plus en plus fortes ; puis ils visent, dans un second temps, à pousser la Syrie à intervenir directement contre leurs adversaires en accusant ces derniers de souscrire au projet de résolution contre la Syrie – Syria Accountability Act – dont le Congrès américain est appelé très prochainement à débattre. Cette tentative de briser l’opposition « avant qu’il ne soit trop tard » n’a aucune chance d’aboutir. Pourquoi ? Parce que la mobilisation loyaliste ne repose sur aucune base nouvelle et n’apporte pas de réponse aux questions que se posent les gens. Les problèmes auxquels ces derniers doivent faire face ne sont pas l’œuvre de l’opposition, mais sont le fait d’une mauvaise gestion de l’État dont est responsable le camp loyaliste. Le fait que cette campagne contre l’opposition soit vouée à l’échec est certes un fait positif, mais ne modifie pas le paysage politique actuel. Or deux grandes échéances nous attendent dans les semaines et les mois à venir : • La première est d’ordre économique et est liée au problème de la dette et aux dangers qu’il entraîne sur le double plan économique et social. • La seconde est en rapport avec la situation régionale et aux bouleversements que risquent d’entraîner une nouvelle guerre contre l’Irak ou une reprise à large échelle de la guerre israélo-palestinienne. Ces deux échéances sont dangereuses. Comment y faire face ? En instaurant de toute urgence, comme le réclame l’opposition, un dialogue entre les Libanais sur deux points essentiels : la réconciliation nationale et le rééquilibrage des relations libano-syriennes. Ces deux points constituent le prélude indispensable à la solution des problèmes auxquels le Liban est aujourd’hui confronté. Ce dialogue est-il possible dans les circonstances actuelles ? Il l’est, à la condition d’éviter le piège tendu à l’opposition pour la pousser, à travers une campagne systématique de dénigrement, à se radicaliser et à adopter des positions extrêmes. La visite vendredi dernier d’une délégation du Rassemblement de Kornet Chehwane au chef de l’État est déjà un premier pas sur la bonne voie. En demandant au président Lahoud de parrainer un dialogue entre toutes les parties en présence, l’opposition a fait d’une pierre plusieurs coups. Elle a placé l’État devant ses responsabilités, mis un terme aux tentatives « loyalistes » de bloquer le dialogue en « diabolisant » l’opposition et imposé un changement dans l’ordre des priorités nationales dans la mesure où le problème n’est plus de préparer les élections présidentielle qui doivent se dérouler dans deux ans, mais de voir comment faire face à des échéances qui deviennent de plus en plus pressantes et dangereuses.
Par Samir FRANGIÉ Depuis les événements du 11 septembre, le monde arabe est fortement déstabilisé par le changement brutal de la politique américaine à son égard. Ce changement qui atteint la plupart des pays de la région se manifeste de diverses manières : appui inconditionnel à Israël contre l’Autorité palestinienne, campagne de presse contre l’Arabie saoudite considérée par...
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