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Actualités - CHRONOLOGIE

Audiovisuel - Le CNA minimise les accusations portées contre la LBC et la MTV La bataille des médias dévoile des règlements de comptes politiques

Les poursuites judiciaires engagées contre les chaînes de télévision LBC et MTV ont remis en question l’ensemble de la relation qu’entretient l’Exécutif avec les médias, notamment audiovisuels, et braqué la lumière, une fois de plus, sur l’indépendance des moyens d’information par rapport au pouvoir. Pour de nombreux observateurs, le bras de fer qui oppose les représentants des télévisions aux responsables politiques n’est autre qu’une bataille entre l’opposition, au sens large du terme, et le régime en place, par médias interposés. À travers l’histoire mouvementée de la cohabitation entre le chef de l’État Émile Lahoud et le Premier ministre Rafic Hariri, c’est probablement une des rares fois qu’« un accord commun, quoique tacite, a lieu entre les deux hommes qui ont estimé qu’il était temps de faire pression sur les deux chaînes, jugées récalcitrantes, faute de pouvoir les museler », affirme le journaliste Fouad Daaboul, membre du Conseil national de l’audiovisuel (CNA). Les rôles ont été bien répartis, selon lui. Ainsi, dit-il, une campagne bien orchestrée met en scène, d’un côté le ministre de l’Information, Ghazi Aridi, « monté » contre la LBC, une situation qui ne pouvait que servir les intérêts du Premier ministre, Rafic Hariri, qui voulait en découdre avec cette chaîne qui mène campagne contre lui, notamment depuis l’affaire de l’abolition des agences exclusives. Le vidéo-clip asséné quotidiennement par cette chaîne représentant Einstein, qui part d’un grand rire après avoir désespéré de pouvoir résoudre l’équation de la dette publique, « a été la goutte qui a fait déborder le vase, puisque M. Hariri était directement visé ». Le second rôle a été confié, toujours selon M. Daaboul, aux services de renseignements qui se sont acharnés, avec deux mois de retard, contre la MTV, en appui à un régime qui n’a toujours pas « digéré la contribution de la MTV à la victoire de Gabriel Murr lors de l’élection partielle du Metn ». Entre les deux, le rôle du Conseil national de l’audiovisuel, une instance neutre censée remplir la fonction de médiateur dès l’apparition d’une crise, est occulté par des enjeux purement politiques, aux dires des responsables et des membres de ce Conseil. Le conflit de compétences qui oppose le ministre de l’Information au CNA reflète bien le problème qui existe au niveau de la définition des tâches. Évoquant la réunion qui a regroupé M. Aridi, les responsables des médias audiovisuels et le CNA, au lendemain du massacre de l’Unesco, Fouad Daaboul rappelle que le conseil avait émis une simple « mise en garde » contre les « débordements » de la LBC. « Il n’était pas question pour nous d’aller jusqu’à recommander qu’une sanction soit prise contre cette chaîne », a-t-il affirmé à L’Orient-Le Jour. « En tant que CNA, nous avons adressé un avertissement à ce média, en invitant le PDG de la chaîne (Pierre Daher) à se conformer aux règles de l’objectivité, en prenant en considération les principes de coexistence et d’entente nationale et en s’abstenant de recourir à un discours qui pourrait exacerber le confessionnalisme dans le pays. Le ministre était d’un avis contraire, puisqu’il a décidé sur le coup de prendre des sanctions contre la LBC », a indiqué M. Daaboul. Pour le président du CNA, Abdel Hadi Mahfouz, le recours en justice aurait certes pu être évité si le gouvernement avait directement soumis le dossier au CNA, dont le rôle consultatif est d’émettre une recommandation en la soumettant au Conseil des ministres, avant d’entreprendre quelque action que ce soit. « On aurait ainsi pu éluder une action en justice, si on avait pris en compte notre avis qui était de régler l’affaire à l’amiable. On aurait fait l’économie des accusations faisant état d’un certain arbitraire dans le traitement de ce dossier. » Le président du CNA ne veut toutefois pas pointer un doigt accusateur vers MM. Hariri et Lahoud. Il se contente de dire : « Nous espérons simplement que l’explication franche qu’ont eue récemment MM. Lahoud et Hariri soit un prélude à une entente dans le domaine de l’information ». Abdel Hadi Mahfouz est pourtant conscient des limites du pouvoir du CNA. D’où son incapacité à jouer un rôle efficace lors de la bataille déclenchée contre les deux médias audiovisuels. La seule solution à cette situation, dit-il, est l’élargissement des compétences de cette instance qui ne doit plus être confinée dans un rôle consultatif. « Le CNA doit devenir l’organe de référence pour les médias et détenir un pouvoir exécutif qui peut agir loin des pressions politiques. Il existe actuellement trois propositions de lois qui vont dans ce sens. On espère qu’elles aboutiront un jour. » Fouad Daaboul, lui, est plus pessimiste quant à l’avenir du CNA. D’autant plus qu’il reconnaît que derrière ce dossier, se profilent les règlements politiques des deux pôles du pouvoir, qui ont « exploité » l’affaire de l’Unesco, et les propos de Ziad Noujeim dans son programme Istifta’ pour attaquer la LBC et la MTV. « Le CNA est une digue entre le pouvoir et les médias qui sert à limiter les débordements dans un sens comme dans l’autre. Or, cela n’arrange pas le pouvoir qui cherche à perpétuer son emprise sur les médias », déclare M. Daaboul. Le délit Mais encore, peut-on dire s’il y a véritablement eu délit, que ce soit dans l’affaire de la LBC ou de la MTV ? « Il n’y a aucun doute que tout dépend de la manière de présenter l’information. Le problème de l’incitation à la discorde confessionnelle est certes une ligne rouge dans le lexique médiatique », affirme Abdel Hadi Mahfouz tout en réitérant la position initiale du CNA, à savoir que la responsabilité incombe, en premier, aux hommes politiques dont les journalistes reflètent le discours confessionnel. « Les médias ne doivent pas être un simple reflet de la réalité. Il leur est demandé de trouver un juste milieu entre l’information pure et le rôle de promoteurs de l’entente nationale. Ils ne doivent pas oublier qu’en même temps, ils créent l’opinion publique », admet-il. Au demeurant, ajoute M. Mahfouz, il ne faut pas croire que la justice va nécessairement statuer contre la LBC. D’ailleurs, « il est peut-être préférable que cette affaire soit confiée aux juges. Avec eux, au moins, les responsables de cette chaîne sont sûrs d’aboutir à un jugement équitable. Cela vaut mieux que le jugement d’autres instances », dit-il. Quant au procès intenté contre la MTV, Fouad Daaboul estime qu’il est d’autant plus injustifié qu’il est venu trop tard pour ce qui est des accusations mettant en cause les vidéo-clips en infraction à la loi sur la campagne électorale. Il ajoute qu’à son avis, rien dans les propos de Ziad Noujeim « n’est contraire à la loi ». M. Daaboul rappelle que M. Aridi était d’ailleurs contre cette initiative, ce qui explique probablement pourquoi les services de sécurité ont passé outre l’avis du ministre concerné. Tel est également l’avis de nombres d’observateurs qui s’interrogent sur la signification du timing de l’action déclenchée contre la MTV. « Pourquoi la justice n’a pas été saisie lors des élections parlementaires de 2000 alors que l’on sait pertinemment que de nombreuses violations avaient été commises à l’époque par les médias audiovisuels ? » s’interroge Adel Boutros, avocat et spécialiste des législations régissant le secteur des médias, faisant allusion à la guerre des ondes qui avait eu lieu entre Télé-Liban et la Future TV. Pour cet expert, même si les procédures de saisine de la justice ont été effectuées dans la légalité – les services de sécurité ont le droit de soumettre une information judiciaire (dans l’affaire de la MTV), dit-il –, il n’en reste pas moins que cette affaire est d’inspiration politique de bout en bout. « Tout le monde reconnaît que l’incitation aux dissensions confessionnelles est un délit majeur, encore faut-il déterminer la nature exacte de ce délit et la juste frontière entre la liberté d’expression et le respect de l’entente nationale. Il s’agit de notions très vagues, et par conséquent flexibles », note un observateur. Jeanine JALKH
Les poursuites judiciaires engagées contre les chaînes de télévision LBC et MTV ont remis en question l’ensemble de la relation qu’entretient l’Exécutif avec les médias, notamment audiovisuels, et braqué la lumière, une fois de plus, sur l’indépendance des moyens d’information par rapport au pouvoir. Pour de nombreux observateurs, le bras de fer qui oppose les...