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Actualités - REPORTAGE

ANIMAUX - Deux ou trois jours pour atteindre la mer, sinon... Éclosion de bébés tortues à Ramlet el-Baïda(photos)

Il y a si longtemps qu’on n’avait observé des tortues de mer sur la plage de sable de Ramlet el-Baïda (Beyrouth), que leur retour, cette année, a nettement surpris un public non averti et, généralement, peu soucieux de la vie des animaux. Pour des raisons encore incertaines, des femelles adultes ont pondu et enterré leurs œufs, il y a une cinquantaine de jours, sur cette plage. Des dizaines de bébés tortues ont récemment éclos et sont sortis de leurs trous pour gagner leur élément naturel, la mer. Toutefois, n’était-ce l’intervention d’une association écologique, Cedar for Care, ceux qui auraient échappé aux prédateurs naturels auraient presque tous fini dans des aquariums ! Le retour des tortues à Ramlet el-Baïda coïncide avec celui de leurs congénères au Liban-Sud, près de Tyr, dans un site appelé « baie des tortues » (voir L’Orient-Le Jour du 15 août). Mona Khalil, représentante de l’association Medasset (pour la protection des tortues de la Méditerranée), avait expliqué que les espèces de tortues qui peuvent vivre plusieurs fois centenaires ne devenaient pondeuses qu’à 30 ans. Or il s’est avéré qu’elles sont revenues pondre juste après que le canon se soit tu. Pour en revenir à Ramlet el-Baïda, Effat Idriss, de Cedar for Care, raconte les péripéties de ces pauvres tortues de mer nouveau-nées. « Plusieurs dangers guettent ces reptiles qui tentent de survivre, explique-t-elle. Vu qu’elles sortent la nuit, elles sont souvent égarées par les lumières trop fortes de la plage, vers lesquelles elles se dirigent naturellement, croyant qu’il s’agit de l’éclat de la lune. D’autre part, il existe des prédateurs naturels des tortues comme des crabes, des oiseaux, des chiens et des chats. En plus, si le jeune animal n’arrive pas à atteindre l’eau en 48 ou 72 heures au maximum, il se dessèche et meurt. » Cependant, ce sont les êtres humains qui représentent le risque majeur. « Les promeneurs ont tendance à vouloir s’approprier des créatures aussi sympathiques, raconte Mme Idriss. Or il faut savoir que ce sont des créatures de mer, qui ne sont pas conçues pour vivre dans un aquarium. Une personne qui en a capturé deux s’étonnait candidement qu’elles refusent de manger des laitues. Il a fallu la convaincre que ces créatures ne s’alimentaient qu’à base de planctons et qu’elle ferait mieux de rendre ces tortues à leur élément naturel. » D’autres personnes en ont capturé quelques-unes dans l’espoir de les vendre, « ce qu’elles ne vont pas pouvoir réaliser parce que ces animaux ne peuvent vivre en captivité, contrairement aux tortues d’eau douce », précise l’écologiste. Longévité impressionnante Depuis qu’ils ont eu vent de l’éclosion des tortues, les membres de Cedar for Care passent leurs nuits à Ramlet el-Baïda pour en sauver le maximum. Après avoir réalisé à quel point l’ignorance et la cupidité pouvaient nuire à ces adorables créatures, ils se sont livrés à une véritable campagne d’information. « Je suis sûre que les gens sont plus sensibles à la question depuis que nous sommes constamment présents sur le terrain, affirme Mme Idriss. Beaucoup ont promis de nous rendre les tortues qu’ils ont capturées afin que nous les remettions en mer. » Aider les tortues à retrouver la mer, c’est ce à quoi s’emploient ces écologistes aujourd’hui, avec l’aide de la Défense civile qui leur procure celles d’entre elles trouvées sur la plage et les gardent en sécurité. Quand le vent tombe et que la mer est calme, les volontaires les placent directement sur le rivage de Ramlet el-Baïda. Mais quand le courant est trop fort, ils se rendent à l’hôtel Movenpick tout proche qui leur a assuré un bateau pour leur permettre de les déposer plus loin. « Nous préférons toujours les voir s’élancer de la plage où elles sont nées, parce que les tortues reviennent pondre au même endroit, souligne Mme Idriss. Mais nous avons recours au plan d’urgence quand il est impossible de faire autrement. » Elle poursuit : « Il faut savoir combien il est gratifiant de rendre un animal à son milieu naturel... Une fois que nous plaçons la petite tortue sur le sable, nous la voyons s’immobiliser, encore surprise. Puis, dès qu’elle sent l’odeur de l’eau de mer, elle devient comme folle, s’agite dans tous les sens et atteint les vagues avec une vitesse étonnante. Ensuite, elle plonge rapidement et profondément. En d’autres termes, elle rentre chez elle. » L’association n’a pu jusqu’à présent sauver que six puis huit tortues. Mais des témoins disent en avoir vu des centaines, et on ne sait combien ont pu survivre. Quelles sont les causes de ce retour ? Mme Idriss l’impute surtout à l’interdiction de la pêche à la dynamite et à la réduction du nombre de sacs en nylon dans la mer, principale cause de mortalité des tortues adultes qui les prennent pour des méduses et s’étouffent en voulant les avaler. Il faut dire que même les tortues adultes font face à des difficultés lorsqu’elles viennent pondre. Les risques les plus importants sont représentés par les spots lumineux sur la plage (qui les égarent), les constructions qui font disparaître le sable (la tortue ne peut pondre ailleurs, et si elle n’atteint pas la plage, elle risque de perdre ses œufs dans l’eau et de mourir dans le processus), ou d’autres activités humaines comme le désensablement. Par ailleurs, la tortue, qui doit creuser un trou de 40 à 45 centimètres pour y déposer ses œufs, se trouve incapable de le faire quand le sable a été tassé par le passage de tracteurs. Les tortues de mer sont des animaux fascinants. Ces reptiles qui étaient communs il y a 130 millions d’années peuvent atteindre la taille de 1,5 mètre de long et peser de 100 à 400 kilos. Certaines espèces ont une longévité impressionnante et vivent jusqu’à 200 ans. Elles se nourrissent de divers végétaux marins et présentent l’énorme avantage de détruire les méduses, dont la prolifération ces dernières années menace l’écosystème méditerranéen. Suzanne BAAKLINI
Il y a si longtemps qu’on n’avait observé des tortues de mer sur la plage de sable de Ramlet el-Baïda (Beyrouth), que leur retour, cette année, a nettement surpris un public non averti et, généralement, peu soucieux de la vie des animaux. Pour des raisons encore incertaines, des femelles adultes ont pondu et enterré leurs œufs, il y a une cinquantaine de jours, sur cette...