Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

PLACE DE L’ÉTOILE - Violente diatribe de Sabeh contre les services, « la pire calamité » La Chambre vole au secours des médias(PHOTO)

Pleins feux, encore une fois place de l’Étoile, sur le rôle vicié des services dans la vie politique et sur les tentatives d’étouffer les libertés, à travers le muselage des médias. Au cours de sa dernière réunion de l’été – les vacances parlementaires sont prévues entre le 15 août et le 15 septembre – la Chambre s’est fait tout naturellement l’écho des remous qui ont caractérisé ces quelques semaines la vie politique locale, criant au scandale en abordant l’affaire des poursuites judiciaires contre la LBCI et la MTV et le climat confessionnel malsain qui l’entoure. Et si un doigt accusateur a été pointé en direction des services par Bassem Sabeh, Nayla Moawad et Antoine Ghanem, qui voient dans la montée du discours confessionnel l’œuvre de ces organismes occultes, le gouvernement n’a pas été pour autant épargné. Pour ces députés, mais aussi pour M. Nicolas Fattouche, la responsabilité de l’autorité exécutive ne peut pas être ignorée : le gouvernement est fautif, il a péché par permissivité. Plus que la violence des attaques lancées contre les services, ce sont surtout les sorties répétées du chef du gouvernement, Rafic Hariri, de l’hémicycle, à chaque fois qu’un député frondeur prenait la parole qui méritent d’être retenues. A-t-il voulu par ce manège se soustraire aux foudres des députés qui tiennent son équipe pour responsable du climat malsain entretenu dans le pays ou cherchait-il tout simplement à prendre ses distances par rapport au débat, maintenant que ses rapports avec Baabda se sont améliorés ? L’attitude de M. Hariri a suscité de nombreuses interrogations. Place de l’Étoile : c’est comme si toute la tension, la révolte et l’indignation accumulées au cours des dernières semaines par tous ceux qui ont suivi l’actualité locale venaient d’éclater. En tout, dix-huit députés prennent la parole. Le nombre n’est pas très élevé, il est vrai, mais les orateurs représentent pour la plupart des blocs et des courants parlementaires. Du bloc Joumblatt, par exemple, ils seront trois à mettre en garde plus ou moins violemment contre le climat confessionnel ambiant : Élie Aoun, Georges Dib Nehmé et le très virulent Bassem Sabeh, qui a présenté les services comme étant « la pire des calamités ayant frappé le système politique ». Le ton est donné par M. Aoun, qui fait état d’une « inquiétude croissante face à l’exacerbation des climats confessionnels qui donnent l’impression que le pays s’apprête à s’engager dans une nouvelle étape de dislocation des relations sociales ». Il y a un bref moment de répit avec Ali el-Khalil, qui estime que le Liban doit être représenté par une importante délégation à la 57e Assemblée générale de l’Onu. M. Hariri lui rappelle que c’est le chef de l’État qui présidera la délégation libanaise. Puis le président de la Chambre donne la parole à Bassem Sabeh. Aux premiers mots prononcés par le député de Baabda, le chef du gouvernement sort et M. Berry, sollicité par le député Nasser Kandil qui s’apprête à lui glisser quelques mots à l’oreille, fait signe à ce dernier d’attendre. Il écoute la diatribe du parlementaire, presque figé sur son siège. « Si le confessionnalisme est la pire malédiction que le Liban ait connue, les services représentent le summum des calamités qui ont frappé le système politique ». Silence dans l’hémicycle. Tous les regards sont braqués sur M. Sabeh dont l’éloquence n’est plus à prouver. « Et parce que les services n’évoluent que dans les milieux confessionnels (...), leur intervention dans les affaires de l’État sont sans commune mesure avec celle d’autres parties », poursuit-il, affirmant qu’» on constate l’action des services dans tout ce qui est nuisible et qui vise à porter un préjudice général ou personnel ». « À croire, dit-il, que la mission de ces organismes est le sabotage et rien que le sabotage, qui s’exprime par l’anéantissement de toute chance d’apaisement politique. Dès qu’un feu est éteint quelque part, un autre s’allume ailleurs. Et nous découvrons rapidement que ce sont les services qui en sont les auteurs et que ce sont eux qui s’emploieront ensuite à le maîtriser. Le dernier embrasement en date est celui des médias. Je suis prêt à parier que ce que sont les services qui l’ont attisé, profitant de certaines erreurs professionnelles qui ne justifient en aucun cas le crime qui risque d’être commis à l’encontre des libertés politiques et médiatiques au Liban. » « Dompter l’information chrétienne » Et de poursuivre : « Le fait d’engager des poursuites contre la LBCI et la MTV pour incitation aux dissensions confessionnelles peut être situé dans le cadre du crime dont on les accuse. N’oublions pas que les deux chaînes sont chrétiennes, ce qui soulève des doutes quant aux objectifs non déclarés de ces poursuites et favorise le sentiment selon lequel l’attaque contre les médias vise à dompter l’information chrétienne au Liban. » Il s’étonne de ce que « le génie » qui a trouvé dans le texte adressé au parquet par le ministre de l’Information, Ghazi Aridi, au sujet de la LBCI, « matière à attaquer la MTV (...) a pu aussi mêler la présidence de la République et la Syrie à cette affaire ». Et ce n’est pas tout : « Il y a deux jours, fulmine-t-il, un des grands génies des services de sécurité a annoncé sans équivoque en privé que la décision de poursuivre en justice la MTV a été adoptée au cours d’une réunion qui s’est tenue à cette fin à Baabda (un large sourire se dessine sur les lèvres de M. Gabriel Murr, propriétaire de la MTV). Ce génie se blanchit ainsi de l’accusation (qu’on lui porte) et la rejette sur la présidence de la République pour faire croire à l’opinion publique que la Syrie est impliquée dans cette affaire. D’où le danger de ce genre de génie qui n’arrête pas d’organiser des batailles successives au sein du système politique et de tendre les pièges à la présidence. » M. Sabeh s’interroge ensuite sur le sort du Conseil national de l’audiovisuel et sur les décrets d’application qui lui permettent d’assumer son rôle de contrôle. « Où est le CNA ? A-t-il été remplacé par un des départements de la Sûreté générale ou a-t-il été neutralisé pour cause de silence sur certaines infractions ? », poursuit-il. Pour lui, « les médias libanais n’incitent pas au confessionnalisme, mais se font le reflet de situations confessionnelles qu’il n’est pas possible d’ignorer ». « L’autorité politique, enchaîne-t-il, est responsable en premier du règlement de ces situations. Elle ne doit sûrement pas avoir recours à ce qui est susceptible de les exacerber et ce qui s’est passé dernièrement avec les médias est un moyen peu intelligent d’attiser les conflits confessionnels. » Il lâche nonchalamment ces derniers mots : « Il s’agit peut-être d’un des chapitres d’une bataille politique que les services veulent mener, avec les médias comme boucs émissaires. » Le silence qui suit est lourd. Il est brisé par un Anouar el-Khalil qui soulève des problèmes sociaux, puis M. Robert Ghanem revient à la charge et parle lui aussi de l’inquiétude que suscite le climat ambiant dans le pays. « Le peuple voudrait savoir à qui en incombe la responsabilité. Est-ce au système politique fondé sur le partage confessionnel des parts, au gouvernement, à cause de ses pratiques, ou aux médias et plus précisément à la LBCI et à la MTV ? », s’interroge-t-il. Comme M. Sabeh, il estime que ces deux chaînes reflètent la situation politique et sociale et s’insurge contre les tentatives de leur assumer la responsabilité de cette situation. « Tout cela, déclare-t-il, nous prouve que le gouvernement se débat dans ses problèmes, ses dossiers et ses querelles et souhaite en faire assumer la responsabilité aux médias tout en détournant l’attention de la population du crime de l’Unesco. » Il fulmine contre le procédé « discrétionnaire et vindicatif » employé par le gouvernement contre les deux chaînes et annonce qu’il compte présenter à la Chambre une proposition d’amnistie en faveur des médias, couvrant la période allant jusqu’au 11 juillet 2002. M. Georges Dib Nehmé plaide vigoureusement en faveur d’un renforcement de l’unité nationale, susceptible, selon lui, de permettre aux Libanais de faire face aux crises qui surviennent, alors que M. Ammar Moussaoui s’en prend violemment à M. Hariri, l’accusant indirectement de bloquer tout projet de développement qu’il n’approuve pas. Fattouche : Un seul responsable, le gouvernement C’est au tour ensuite de M. Fattouche de prendre la parole. Le chef du gouvernement n’a toujours pas regagné l’hémicycle. Le député de Zahlé s’indigne de ce que l’équipe ministérielle « se comporte comme si elle n’est pas concernée par ce qui se passe » et s’étonne de ce que M. Sabeh accuse les services d’être à l’origine des poursuites contre la MTV et la LBCI. « Est-ce que les services sont devenus une personne morale autonome ? », s’interroge-t-il. Pour lui, il n’y a qu’un seul responsable : l’Exécutif. « On a l’impression que le gouvernement est dans un monde et les services dans un autre. Pourtant, n’y a -t-il pas un service rattaché au ministère de la Défense, un autre au ministère de l’Intérieur et un autre à la présidence du Conseil ? » La salle explose. On applaudit frénétiquement. Imperturbabble, M. Fattouche poursuit : « Ils viennent au Parlement et se lavent les mains de ce qui se passe. Il est temps de cesser de se dérober à ses responsabilités. Vous voulez savoir de la responsabilité de qui je parle ? De celle du gouvernement, dont le chef est parti parce qu’il ne veut pas qu’on lui pose des questions. » M. Mohammed Safadi dresse un bilan des plus négatifs de l’action des institutions. Il constate qu’» à chaque fois que les pôles du pouvoir se réconcilient, c’est au détriment de la démocratie » et trouve que « le rôle du Parlement est court-circuité, car les principaux blocs parlementaires sont représentés au gouvernement, auquel ils assurent une confiance confortable ». Il estime que l’opposition « n’est pas meilleure puisqu’elle ne parvient pas à se rallier autour d’un programme » et déplore le discours confessionnel de certains de ses membres. Après Jamal Ismaïl, Abdallah Cassir, Saleh Kheir et Abdel Latif Zein, qui se prononce également pour une amnistie en faveur des médias qui ont commis des infractions, M. Abbas Hachem axe son intervention sur le confessionnalisme contre lequel il met en garde et M. Antoine Ghanem s’insurge contre « l’État des fantômes » en allusion aussi aux services. M. Hariri qui avait entre-temps regagné son siège s’apprête à ressortir. M. Berry ne peut s’empêcher de lui lancer : « Quand on n’écoute pas, on ne souffre pas. Non ? ». M. Ghanem relate les incidents de Bzebdine, où l’on a tenté d’interdire à M. Amine Gemayel l’accès de ce village en brûlant des pneus. Il dénonce l’attitude des services de sécurité qui ont relâché les auteurs de l’incident, arrêtés pourtant en flagrant délit, sans même effectuer une enquête, parce qu’un responsable est intervenu en leur faveur. Il annonce qu’il compte adresser une question écrite au gouvernement à ce sujet et porter plainte devant la justice. M. Hariri regagne son siège au moment où l’on s’attaque à l’ordre du jour. Six projets de loi sont votés en un tournemain, dont un prévoyant la réduction des peines purgées par les détenus, en cas de bonne conduite. Un seul amendement concernant les catégories de prisonniers exclus de ce privilège est introduit au texte. Il s’agit des terroristes, des pyromanes, des faux-monnayeurs, des personnes impliquées dans la traite des Blanches, des trafiquants (et non pas des consommateurs) de drogue, des membres de bandes de malfaiteurs, des pédophiles et des auteurs de crimes contre l’État. La Chambre s’attaque au projet de loi sur la privatisation de l’électricité. Les députés hostiles au texte plaident vigoureusement pour un ajournement de ce projet. Le vote est cependant prévu pour aujourd’hui au terme de l’examen du texte article par article, mais personne ne se fait d’illusions sur son résultat. Le projet de loi est assuré d’une majorité confortable. Tilda ABOU RIZK
Pleins feux, encore une fois place de l’Étoile, sur le rôle vicié des services dans la vie politique et sur les tentatives d’étouffer les libertés, à travers le muselage des médias. Au cours de sa dernière réunion de l’été – les vacances parlementaires sont prévues entre le 15 août et le 15 septembre – la Chambre s’est fait tout naturellement l’écho des...