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Actualités - OPINION

Vie politique - « Une main seule n’applaudit pas » Aux deux tiers du mandat présidentiel, l’État des institutions n’est toujours qu’un vœu pieux

La fermeté du propos occulte parfois sa prudence, sinon sa pertinence. Du discours d’investiture présidentiel, il y a quatre ans, on aura retenu surtout son retentissant effet de gong : à entendre le général Lahoud, le pays entrait de plain-pied, d’un seul coup, dans une ère nouvelle. D’autorité véritable, responsable, et de changement. On oublie cependant que l’orateur prenait soin, en conclusion, de prévenir qu’il ne détenait pas de baguette magique. Et que, de plus, dans un système démocratique parlementaire, le changement restait assujetti à des procédures comme à des critères déterminés. Tandis que les pouvoirs devaient suivre un certain nombre de principes et de dispositions fixant leurs prérogatives respectives. Pour préciser ensuite, et c’est important, que nul ne peut tout seul réaliser la mutation souhaitée. Aujourd’hui, aux deux tiers du mandat, il est clair que le projet d’État de droit et des institutions, promis dans ce discours-programme de référence, en est toujours à ses premiers balbutiements. Les circonstances, mais aussi les mentalités courantes, se sont opposées à sa concrétisation. Pourtant, dans son propos inaugural, le régime soulignait avec force qu’il n’est d’avenir pour aucun Libanais, gouvernant ou administré, qu’à la seule ombre d’un tel État. Il relevait que la population aspirait manifestement à une évolution dans ce sens. Pour répéter qu’il est certes impossible de la réaliser d’un coup, mais aussi qu’il est inadmissible de ne pas la mettre en chantier. Sans tarder. Mais les débuts se sont heurtés à de telles difficultés que le démarrage s’en est trouvé retardé, pour ne pas dire compromis. Il a fallu aménager des étapes. Selon ses proches, le chef de l’État espère que, durant le tiers restant de son mandat, le pays pourra aborder la dernière ligne droite menant au poteau d’arrivée. Ajoutant que le changement qu’il avait voulu initier a buté sur les procédures et les critères, évoqués dans son discours, auxquels les pouvoirs se trouvent soumis de par leurs prérogatives respectives. En clair, cela signifie que la présidence de la République ne peut pas prendre seule les décisions, tandis que l’action du Conseil des ministres reste tributaire de l’approbation de l’Assemblée nationale. Ainsi, du côté des fondations, encore rien de solide ou de probant. La justice indépendante, protégée des immixtions, n’est toujours qu’un rêve. L’administration n’échappe pas à l’emprise des politiciens ou du confessionnalisme. Malgré la récession, la politique économique ou fiscale baigne dans les contradictions. Et le pire, c’est que le plan de redressement provoque des luttes d’influence qui le torpillent. Les dépenses publiques ne sont ni vraiment comprimées ni pratiquement contrôlées. Les lois n’ont été ni dépoussiérées ni les formalités allégées. Etc, etc. La liste de ce qui n’a pas été fait est si longue que le segment de ce qui a été accompli en semble minuscule. Le problème, c’est une évidence, est premièrement d’ordre institutionnel. Constitutionnel, plus précisément. En effet, les textes produisent des déséquilibres marqués et un manque accentué de coordination entre les pouvoirs. Le Parlement, qui ne peut être dissous qu’à des conditions pratiquement impossibles, en tire en principe une force excessive. Il est du reste servi par les dissensions entre les pôles du pouvoir exécutif. Il faut donc espérer que le récent rabibochage se perpétue et porte ses fruits. C’est évidemment indispensable pour le sauvetage économique. Et pour que Baabda puisse compléter, les deux prochaines années, son cheminement vers les réalisations promises aux Libanais lors de son avènement. Car, s’il est vrai qu’il n’est pas institutionnellement responsable, au sens juridique du terme, comme le gouvernement, il n’en demeure pas moins qu’il reste comptable, comme tout régime, devant l’histoire. Émile KHOURY
La fermeté du propos occulte parfois sa prudence, sinon sa pertinence. Du discours d’investiture présidentiel, il y a quatre ans, on aura retenu surtout son retentissant effet de gong : à entendre le général Lahoud, le pays entrait de plain-pied, d’un seul coup, dans une ère nouvelle. D’autorité véritable, responsable, et de changement. On oublie cependant que l’orateur...