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Actualités - REPORTAGE

Palestiniens - Abdallah Chreidi dément son appartenance à Isbat al-Nour Aïn el-Héloué retrouve son fragile équilibre après une nouvelle répartition des forces entre islamistes(PHOTOS)

Aujourd’hui, lundi, à l’invitation de l’OLP, les représentants de toutes les formations armées au camp de Aïn el-Héloué se réuniront. Des pourparlers devraient être entamés entre le Fateh et ses alliés, les formations prosyriennes et les formations islamistes, afin de parvenir à une solution aux problèmes posés par les Libanais fugitifs ayant trouvé refuge dans le camp palestinien le plus peuplé et le plus chaud du Liban. Il semble qu’une nouvelle répartition des forces se soit opérée, à l’issue de l’affaire Abou Obeida, le mois dernier, entre les divers groupes islamistes présents à l’intérieur du camp, notamment le Hamas, le Jihad islamique et Isbat al-Ansar. Dans une interview à L’Orient-Le Jour, Abdallah Chreidi, qui est poursuivi depuis neuf ans par la justice libanaise et qui a gagné sa notoriété en protégeant Abou Obeida, a démenti son appartenance à Isbat al-Nour, groupement fondamentaliste qui avait menacé la semaine dernière de provoquer un bain de sang à Aïn el-Héloué et dans le reste du Liban si les fugitifs de Denniyé étaient livrés aux autorités. « Isbat al-Nour n’existe pas, c’est une fiction créée par les services de sécurité », a affirmé Chreidi sans pour autant préciser la nationalité ou l’appartenance de ces services. Vendredi dernier, des sources palestiniennes à Aïn el-Héloué rapportaient que trois Libanais recherchés par la justice dans l’affaire du soulèvement armé de Denniyé (janvier 2000) avaient quitté le camp. D’autres seraient sur place encore, notamment deux individus poursuivis dans la même affaire et trois autres condamnés par contumace pour le braquage d’une banque à Saïda, il y a environ deux ans. Il semble que la tension qui régnait la semaine dernière à Aïn el-Héloué se soit tassée. Rappelons qu’on avait enregistré cinq attentats dirigés contre le Fateh, dont notamment un visant la voiture de l’un des gardes du corps du secrétaire général de l’OLP au Liban-Sud, Khaled Aref. D’autre part, l’on a assisté à un règlement de comptes entre les formations islamiques. Un membre de Isbat al-Nour avait ouvert le feu, au cours de la semaine dernière, sur trois membres du Hamas, les traitant de mécréants pour avoir livré aux autorités Abou Obeida, l’assassin de trois agents des services de renseignements libanais. Depuis jeudi dernier, la situation est revenue à la normale dans ce camp qui compte 70 000 réfugiés palestiniens sur une superficie de deux kilomètres carrés et qui est divisé en dix quartiers, dont l’un – Hay el-Safsaf – loge toutes les formations fondamentalistes palestiniennes. C’est là que vivent, avec famille et enfants, la plupart des membres du Hamas, du Jihad islamique, de Isbat al-Ansar et de Isbat al-Nour. C’est également dans ce quartier qu’Abou Obeida et certains fugitifs de Denniyé avaient trouvé refuge. Le domicile de Abdallah Chreidi, le chef de Isbat al-Nour, formation qui avait publié la semaine dernière un communiqué menaçant de provoquer un bain de sang à Aïn el-Héloué si les fondamentalistes de Denniyé étaient livrés au gouvernement libanais, est situé dans un obscur passage piéton de ce quartier. Chreidi a reçu L’Orient-Le Jour pour une seule raison : démentir son appartenance à Isbat al-Nour et nier l’existence d’un tel groupement à Aïn el-Héloué. « C’est une formation islamiste qui n’existe qu’en Jordanie », indique-t-il. « Au Liban, c’est un groupement fictif, une pure création des services de sécurité », affirme-t-il sans préciser la nationalité ou l’appartenance de ces services. Chreidi souligne qu’il « n’a jamais adressé aux journaux un communiqué menaçant de mettre le camp à feu et à sang ». « Je suis musulman avant toute chose, je suis donc incapable de tuer mes frères, ça relève du blasphème », dit-il. Abdallah Chreidi, 23 ans, est le fils de Hicham Chreidi, fondateur de Isbat al-Ansar, assassiné en plein camp de Aïn el-Héloué en 1992. En 1999, lui et un autre membre de la formation, Imad Yassine, avaient quitté Isbat al-Ansar pour créer chacun son propre groupement, l’un Isbat al-Nour et l’autre Jamaat al-Hak. Abdallah Chreidi n’aime pas que l’on enregistre sa voix, encore moins qu’on le prenne en photo. Il affirme qu’il y a neuf ans, alors qu’il était âgé de 14 ans, il avait été condamné par contumace, par la justice libanaise, à la prison à perpétuité. « Quelle est cette justice qui condamne des enfants ! » s’exclame-t-il, assurant ignorer de quels crimes il avait été accusé. Il est également accusé par Sultan Abou el-Aynaïn, représentant de l’OLP au Liban, lui aussi recherché par la justice, d’avoir assassiné il y a quelques années un membre du Fateh. « Des accusations gratuites, il n’a aucune preuve », se défend Chreidi. « Je suis un bon musulman, et les membres du Fateh, vendus au Mossad, n’apprécient pas le travail que je fais à Aïn el-Héloué, j’aide les jeunes à se tourner vers Dieu en leur rappelant que notre cause est sacrée », dit-il. Celle de libérer la Palestine. Arborant de longues longues barbes, les jeunes qui suivent Chreidi se promènent coiffés d’une calotte noire et habillés de longues tuniques vertes. Brun, grand et mince, Chreidi, lui, est tout le temps vêtu d’un jean et d’une chemise noire. La barbe courte coupée à la manière des fondamentalistes sunnites, il arbore, comme ses hommes, une calotte noire. Si le pouvoir voulait agir... Mais Chreidi se défend encore d’avoir son propre groupement. « J’ai des amis et des voisins qui m’apprécient, après tout, je suis le fils aîné de Hicham Chreidi, fondateur de Isbat al-Ansar », dit-il, ajoutant que s’il voulait vraiment adhérer à une formation, il choisirait « naturellement Isbat al-Ansar, les disciples de mon père ». « Il y a ceux qui m’appellent émir (qualificatif chez les fondamentalistes sunnites d’un chef de mouvement), mais je ne suis même pas cheikh », dit-il encore ajoutant : « Je ne suis qu’un bon musulman. » Le jeune fondamentaliste, qui porte un revolver à la taille, même quand il est chez lui, se plaint du fait que le camp de Aïn el-Héloué soit qualifié « d’îlot d’insécurité ». « Beyrouth n’est-il donc pas un îlot d’insécurité ? » demande-t-il, se référant au massacre de huit personnes mercredi 31 juillet dernier à Mazraa, ce qui, prétend-il, « ne s’est jamais produit à Aïn el-Héloué ». N’est-il pas lui-même recherché par la justice, Abou Mehjen, le chef de Isbat al-Ansar, ne se trouve-t-il pas dans le même cas, et les fugitifs de Denniyé ne se sont-ils pas réfugiés dans ce camp palestinien ? Il prend le parti d’Abou Mehjen, « la crème des hommes, cible des journalistes qui le dépeignent en criminel ». « C’est le disciple de mon père, il est plus qu’un frère pour moi », indique-t-il. Il ajoute : « Les trois fugitifs de Denniyé, qui avaient loué des maisons à Aïn el-Héloué avec femmes et enfants, ont quitté le camp tout seuls, il y a quelques semaines, à l’issue de l’affaire Abou Obeida, sans aucune pression. » « Il n’y a plus aucun membre à Aïn el-Héloué de Isbat al-Denniyé », affirme-t-il. Mais n’avaient-ils pas trouvé refuge ici ? « Ce sont de bons musulmans, nos frères en religion, ici au camp, durant deux ans, ils n’ont fait de mal à personne », dit Chreidi, relevant encore que « n’importe qui peut trouver refuge à Aïn el-Héloué, car tout le monde sait que le camp constitue une ligne rouge pour les autorités ». « Et puis vous voulez que je les chasse de leur propre territoire, je ne suis qu’un réfugié palestinien dans ce pays, le terrain de Aïn el-Héloué est bel et bien libanais, non ? » demande-t-il. S’il tient vraiment à aider les Libanais sur leur territoire, pourquoi n’a-t-il pas livré les individus recherchés dans l’affaire de Denniyé au gouvernement ? Chreidi répond par une question : « Pourquoi les autorités libanaises ne les ont pas arrêtés quand ils sont sortis ? » expliquant que « les entrées du camp sont surveillées par les forces armées qui possèdent également plusieurs postes aux alentours de Aïn el-Héloué ». Et de poursuivre : « Le gouvernement sait très bien qui sort du camp et qui y entre. Le pouvoir devait savoir que les trois fugitifs de Denniyé quittaient Aïn el-Héloué, et s’il voulait agir, il l’aurait bel et bien fait. » À qui profite la situation tendue à Aïn el-Héloué ? Chreidi marque une pause, réfléchit : « Au Mossad et ses agents, à savoir le Fateh de Abou Ammar », dit-il. Pour une autorité palestinienne reconnue par le Liban Maher Choubeita, secrétaire général du Fateh au camp de Aïn el-Héloué, indique à L’Orient-Le Jour que la tension est montée d’un cran à Aïn el-Héloué après la livraison aux autorités d’Abou Obeida. Et de poursuivre : « À l’issue de cette affaire, il y a eu une nouvelle répartition des forces entre les formations islamistes présentes à Aïn el-Héloué ; il faut attendre que ça se décante pour avoir le nouveau schéma. » « Certaines formations islamistes, par exemple, en ont voulu au Hamas d’avoir livré le tueur des trois agents des services de renseignements libanais », indique-t-il. Qu’en est-il des explosions qui ont visé le Fateh ? Choubeita minimise en disant qu’elles n’ont pas fait de victimes, qu’elles ont eu lieu à l’aube et qu’elles visaient seulement à troubler l’ordre de Aïn el-Héloué. Interrogé sur les fugitifs de Denniyé qui se sont réfugiés au camp, il a indiqué que « trois sont partis de Aïn el-Héloué au cours des derniers jours, il en reste deux autres ainsi que trois individus recherchés pour un braquage de banque à Saïda ». Pour lui, si le Fateh n’est pas parvenu à imposer l’ordre à Aïn el-Héloué comme il l’a fait dans d’autres camps du Liban c’est bien parce que « le camp est le plus dense et le plus peuplé de tout le pays ». « Et puis la loi libanaise, depuis 1991, nous interdit d’agir, car si un membre de la police palestinienne chargée de la sécurité du camp tire sur un malfaiteur armé recherché par la loi, c’est le policier qui sera poursuivi en justice », indique-t-il. « Même si le Fateh se taille la part du lion en termes de popularité à l’intérieur des camps, il nous faut la reconnaissance du gouvernement libanais », dit-il, relevant que « le bureau de l’OLP a fermé à Beyrouth en 1982 avec le départ de Yasser Arafat en Tunisie, sans jamais rouvrir ses portes ». « Le problème de Aïn el-Héloué ne peut être résolu sans la présence d’une autorité palestinienne reconnue par le pouvoir libanais », ajoute-t-il. Interrogé par L’Orient-Le Jour, Khaled Aref, secrétaire général de l’OLP au Liban-Sud, a également appelé à la réouverture du bureau de l’Organisation à Beyrouth. « Il existe des problèmes qu’il faut régler entre les responsables palestiniens et libanais. Nous n’oublierons jamais que nous sommes des hôtes dans ce pays, mais même les hôtes qui tiennent à préserver leur droit au retour devraient bénéficier d’un minimum de droits humains », martèle-t-il. Il s’est pourtant refusé à commenter les propos de Sultan Abou el-Aynaïn qui avait affirmé dans une interview à une agence égyptienne, jeudi dernier, que certains services libanais s’employaient à maintenir la tension dans les camps. Khaled Aref relève encore que l’OLP n’a jamais manqué de coopérer avec le gouvernement. « Depuis quelques mois et jusqu’à présent, nous avons remis 24 criminels de Aïn el-Héloué aux autorités », indique-t-il, se demandant pourquoi « personne ne met l’accent sur ce genre de choses ». « Actuellement nos hommes sont en train d’interroger un Palestinien soupçonné dans l’affaire de l’assassinat de Jihad Jibril et nous le remettrons certes aux autorités compétentes, libanaises ou syriennes », relève-t-il. Pour le responsable palestinien, Aïn el-Héloué n’est pas uniquement un lopin de terre qui pose des problèmes de sécurité. Il existe d’autres affaires à régler, le chômage qui touche 70 % de la population du camp en est un exemple. Pour certains criminels, le camp demeurera un îlot de sécurité où il suffit d’afficher un islam fondamentaliste pour bénéficier de la protection des diverses formations intégristes. Et à Aïn el-Héloué, l’on raconte que certains groupuscules, qui fonctionnent à la manière des mafias, ont des ramifications jusqu’en Allemagne... Patricia KHODER
Aujourd’hui, lundi, à l’invitation de l’OLP, les représentants de toutes les formations armées au camp de Aïn el-Héloué se réuniront. Des pourparlers devraient être entamés entre le Fateh et ses alliés, les formations prosyriennes et les formations islamistes, afin de parvenir à une solution aux problèmes posés par les Libanais fugitifs ayant trouvé refuge dans le...