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Actualités - CHRONOLOGIE

Cellulaire - « Les accusations de Hariri sont insensées », affirme à « L’Orient-Le Jour » une source du ministère des Télécommunications Une semaine pour dégager un compromis sur le dossier de la téléphonie mobile

La résidence du chef du Législatif, à Aïn el-Tiné, a été hier au centre des démarches entreprises loin des feux de la rampe afin de tenter de résorber le différend qui a éclaté au grand jour au sujet du dossier de la téléphonie mobile. Le président de la Chambre, Nabih Berry, a conféré à ce propos dans la matinée avec le Premier ministre Rafic Hariri et avec le ministre des Télécommunications, Jean-Louis Cardahi. Aucune information n’a filtré sur la teneur de ces deux entretiens, mais à sa sortie du palais de Aïn el-Tiné, M. Cardahi a tenu à réfuter les propos tenus par le chef du gouvernement dans le discours qu’il a prononcé mardi soir. M. Hariri avait affirmé que le dossier de la téléphonie mobile revêt essentiellement un caractère politique. Le ministre des Télécommunications a rétorqué en soulignant sans détours qu’à son avis, « ce dossier est économique et technique par excellence ». M. Cardahi s’est abstenu de répondre hier aux attaques virulentes lancées mardi soir par le Premier ministre contre le président Émile Lahoud et contre lui-même, concernant le cours pris par l’opération de privatisation du cellulaire. Le ministre des Télécommunications avait préparé dans la matinée un communiqué répondant point par point aux attaques de M. Hariri. Mais dans le souci, sans doute, de ne pas envenimer davantage l’atmosphère au niveau de l’Exécutif, et afin de faciliter la tâche des médiateurs, M. Cardahi n’a finalement pas rendu public son communiqué. Pourtant, les accusations lancées mardi par M. Hariri contre le président Lahoud et M. Cardahi – sans les nommer – étaient suffisamment graves. Le Premier ministre avait ainsi accusé « certains cercles du pouvoir » d’utiliser le dossier du cellulaire afin de lui porter préjudice. Il a été jusqu’à affirmer que « des personnalités haut placées mènent une campagne de dénigrement contre la France » (dans l’affaire du cellulaire), parce ce que le pouvoir français le soutient. Cette allégation a été accueillie avec une profonde indignation par une source autorisée du ministère des Télécommunications qui a qualifié les accusations de M. Hariri d’insensées, soulignant à L’Orient-Le Jour qu’elle ne comprenait pas comment M. Hariri pouvait même songer réduire à sa seule personne les relations historiques et ancestrales entre la France et le Liban. « Les rapports avec la France n’ont pas commencé avec Rafic Hariri et ne s’achèveront pas avec lui, a souligné la source en question. Ces relations remontent à très loin dans l’histoire et elles sont fondées sur des valeurs culturelles et républicaines communes. Il existe, certes, un litige d’ordre commercial avec la société FTML qui est une filiale de France Télécom. Ce différend peut se régler dans son véritable contexte commercial. Mais prétendre que ce litige est dirigé contre la France constitue une affirmation très grave qui dépasse tout entendement. » La nature du différend avec Hariri La source en question s’est employée, en outre, à clarifier la nature du différend avec le chef du gouvernement, réfutant sans détours l’argumentation de M. Hariri sur ce plan. Les divergences portent essentiellement sur la phase transitoire qui précèdera la privatisation de la téléphonie mobile et qui débutera avec l’expiration des contrats en BOT des deux sociétés qui exploitent actuellement le réseau (FTML-Cellis et LibanCell). C’est le 31 août prochain que prendront fin ces contrats en BOT. M. Cardahi souligne qu’à partir du 1er septembre, l’ensemble du réseau GSM devrait devenir propriété de l’État. Les recettes devront revenir entièrement au gouvernement, mais le réseau devrait être géré par une entreprise internationale pour le compte de l’État, dans l’attente que l’opération de privatisation se concrétise. Ce mécanisme prévu par M. Cardahi est jugé « illégal » par le Premier ministre, du fait qu’il entraîne, selon lui, un contrat de gré à gré avec une société étrangère pour la gestion (fût-elle provisoire) du réseau. M. Hariri suggère que le contrat en BOT soit prolongé jusqu’à ce que la privatisation devienne réalité. Le chef du gouvernement craint que l’État mette définitivement la main sur le secteur de la téléphonie mobile en cas de gestion transitoire, ce qui risquerait de remettre en question le principe même de la privatisation et d’entraîner, par la suite, une politique d’embauche démesurée, sous le poids des considérations clientélistes, comme c’est le cas actuellement au Casino du Liban. Une telle situation, affirme M. Hariri, pourrait torpiller le projet de Paris II (la conférence devant regrouper les pays donateurs et les organismes internationaux, en vue d’aider le Liban à surmonter sa crise économique). L’approche défendue par le Premier ministre est fortement contestée par M. Cardahi qui relève d’abord que la nature même du contrat de type BOT (bâtir, opérer, transférer à l’État) implique qu’à l’expiration de ce contrat (en l’occurrence le 31 août), les sociétés qui exploitaient le réseau sont tenues de « transférer » à l’État tout l’équipement en leur possession, c’est-à-dire un réseau GSM fonctionnel, utilisant la dernière technologie de pointe. « La loi sur la privatisation de la téléphonie mobile est très claire à ce propos, explique à L’Orient-Le Jour la source susmentionnée du ministère des Télécommunications. Elle stipule que le contrat en BOT avec Cellis et LibanCell expire le 31 août et que, par conséquent, à cette échéance, le réseau devient propriété de l’État et les recettes reviennent au gouvernement. M. Rafic Hariri souhaite prolonger le contrat BOT après l’échéance du 31 août, ce qui est en contradiction avec la loi sur la privatisation du cellulaire votée par le Parlement le 30 mai dernier. De plus, pourquoi faudrait-il que les deux sociétés actuelles continuent à exploiter le réseau pour leur propre profit alors que l’État peut, à partir du 1er septembre, obtenir des recettes supplémentaires de 25 millions de dollars par mois qui viendraient s’ajouter à la part qui lui revient actuellement ? C’est M. Hariri qui a pris l’initiative de résilier les contrats avec Cellis et LibanCell. Le ministre Cardahi avait alors exprimé des réserves à ce propos. Mais maintenant que les contrats ont été résiliés, il faudrait que l’État tire un profit de cette opération, d’autant que les deux sociétés en question réclament des indemnités de près de 700 millions de dollars à l’État et ont engagé une procédure d’arbitrage à ce propos. » Quant au problème du risque d’embauche démesurée, en cas de gestion transitoire pour le compte de l’État, la même source rappelle que M. Cardahi a indiqué clairement que durant la phase de transition, aucun nouvel employé ne sera engagé, de même qu’aucun employé ne perdra son poste ou ses avantages salariaux. Des irrégularités en série Cette source souligne, en outre, que la prolongation des contrats en BOT souhaitée par M. Hariri est d’autant moins justifiée que les deux opérateurs actuels se sont rendus coupables, au cours des huit années d’exploitation du réseau, d’une série d’irrégularités « qui leur ont permis d’accroître sensiblement leurs revenus, au détriment de l’État ». « La Cour des comptes, précise la même source, a établi un rapport faisant état de 24 irrégularités dont le montant est estimé à 300 millions de dollars. Le ministre Cardahi a demandé à plusieurs reprises aux deux sociétés de se doter d’outils de contrôle afin que l’État puisse être informé des détails pratiques et financiers de l’exploitation, dans un souci de transparence totale. Les diverses démarches de M. Cardahi à ce sujet n’ont toutefois pas eu de suites. Pendant huit ans, l’exploitation du réseau s’est faite dans le brouillard et un manque total de clarté, doublés d’une grave corruption qui a impliqué divers cercles politiques, à l’intérieur comme à l’extérieur du pouvoir. » Parallèlement à de telles considérations, M. Cardahi apporte de son côté un autre éclaircissement à son refus de prolonger les contrats en BOT, à l’ombre des données actuelles. Le ministre des Télécommunications souligne que le rapport établi par la banque britannique HSBC (chargée par le gouvernement de définir les bases de la privatisation) stipule clairement qu’avant de privatiser la téléphonie mobile, l’État doit devenir propriétaire du réseau GSM. Pour M. Cardahi, la logique la plus élémentaire impose que le gouvernement ne peut pas privatiser un service dont il n’est pas propriétaire et qu’il ne contrôle pas. À en juger par les positions en flèche affichées de part et d’autre, la situation paraît ainsi bloquée. Mais il pourrait ne s’agir là que d’une simple apparence. Car les démarches de conciliation devraient sans doute s’intensifier d’ici au 1er août prochain, date à laquelle le Conseil des ministres doit prendre une décision concernant la phase transitoire qui est au centre des présentes divergences. Il était déjà question hier d’une solution de compromis – avancée par M. Hariri – qui consisterait à prolonger les contrats BOT pour une courte durée (entre un et deux mois), en contrepartie d’une augmentation de la part des recettes revenant à l’État (qui passerait de 25 à 40 pour cent). En tout état de cause, M. Cardahi affichait hier, à sa sortie de Aïn el-Tiné, un optimisme prudent, affirmant que la séance du Conseil des ministres du 1er août débouchera sur une solution aux problèmes en suspens. Reste que la polémique qui a éclaté au grand jour au sujet de ce dossier brûlant a ravivé la profonde crise de confiance qui marque les rapports entre le président Lahoud et M. Hariri. D’une certaine manière, ce sont deux mentalités, deux conceptions du pouvoir, parfois diamétralement opposées, qui s’affrontent. L’issue de ce bras de fer déterminera sans doute le cours que prendra l’ensemble du processus de privatisation des autres services publics dans le pays. Mais il conditionnera aussi le rapport de forces entre le chef de l’État et M. Hariri au cours des deux dernières années du mandat du président Lahoud. Rien d’étonnant, de ce fait, que les positions en présence soient aussi tranchées de part et d’autre. Michel TOUMA
La résidence du chef du Législatif, à Aïn el-Tiné, a été hier au centre des démarches entreprises loin des feux de la rampe afin de tenter de résorber le différend qui a éclaté au grand jour au sujet du dossier de la téléphonie mobile. Le président de la Chambre, Nabih Berry, a conféré à ce propos dans la matinée avec le Premier ministre Rafic Hariri et avec le...