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Actualités - CHRONOLOGIE

PARTIS - Le chef des Kataëb parle de sa rencontre avec le président Bachar el-Assad Pakradouni : Investir les relations avec la Syrie dans l’amélioration de la situation des chrétiens

Dans ses bureaux fraîchement repeints, le chef du parti Kataëb caresse longuement une tête en bronze. On pense d’abord à une énième effigie du fondateur du parti, mais il s’agit en fait de celle de l’ancien président du Conseil Sami el-Solh. Que fait-elle au siège central des Kataëb à Saïfi ? Karim Pakradouni lui-même en est encore tout étonné. Cette tête, qui coiffait une statue de Solh installée dans l’avenue qui porte son nom, a été transportée par des combattants kataëbs pendant la guerre, pour y être mise à l’abri, et elle a été retrouvée dans un dépôt du parti à Hadeth. Nettoyée, elle résume à elle seule l’entreprise de renaissance du parti que cherche à mener son actuel président. C’est en tout cas ainsi qu’il explique sa récente visite à Damas, à la tête d’une importante délégation. Pour Pakradouni, c’est le signe du retour en force de cette formation sur la scène locale et régionale. Alors que certains journaux évoquaient – à tort ou à raison – des tentatives de l’ancien président Amine Gemayel d’obtenir un rendez-vous du président syrien en utilisant diverses médiations, ce dernier recevait en grande pompe une imposante délégation kataëb. Y a-t-il un lien entre les deux informations ? Karim Pakradouni jure que non, tout comme il affirme que le rendez-vous avec Assad n’a rien à voir avec la récente décision du parti d’expulser de ses rangs l’ancien président et fils du fondateur. Selon lui, cette décision a été prise, il y a deux mois, par le bureau politique, mais celui-ci s’est donné un léger répit pour bien la préparer et, surtout, pour éviter qu’elle ne crée des remous au sein de la base. Finalement, elle n’a provoqué aucune réaction à l’intérieur du parti et à tous ceux qui lui disent qu’elle a augmenté la popularité de l’ancien président, Pakradouni répond : « Tant mieux pour lui. Mais aucun membre du parti n’a protesté ou cherché à démissionner. Il a ses partisans, nous avons les nôtres. Les choses sont désormais claires et les bases d’action plus saines. » Entre l’idéologie et le pragmatisme Pakradouni affirme que ce sujet n’a d’ailleurs pas été évoqué avec le président syrien, lors de la rencontre de trois heures, jeudi dernier. Cette rencontre, Pakradouni la voit donc comme l’ouverture d’une nouvelle page entre le parti et la Syrie et la détermination des Kataëb à redevenir un véritable interlocuteur, militant en faveur d’un rééquilibrage de la situation politique interne en faveur des chrétiens et en même temps en faveur d’une réintégration de ceux-ci au sein de l’État. Il confie d’ailleurs avoir demandé une entrevue une semaine auparavant et le rendez-vous lui a été communiqué 48 heures avant qu’il n’ait lieu. Les membres du bureau politique, les trois vice-présidents et le président lui-même ont donc pris le chemin de Damas jeudi matin, sans faire escale à Chtaura ou Anjar, comme c’est généralement le cas. Ils ont été reçus à l’entrée du palais du Peuple, à Damas, par le président syrien qui a tenu à saluer un à un la trentaine de membres de la délégation. Pakradouni, qui, en dépit de ses fonctions officielles, reste un fin observateur politique, établit d’emblée une rapide comparaison entre le père, qu’il a bien connu et dont il a beaucoup parlé dans ses livres, et le fils qu’il rencontre pour la troisième fois. Les deux premières avaient eu lieu en 1995 et 1996, en compagnie du chef du parti de l’époque, Georges Saadé, et de certains membres du bureau politique. À ce moment-là, Bachar el-Assad suivait une formation accélérée, après son retour précipité à Damas à la suite du décès de son frère. Pakradouni se souvient que la première remarque qu’il lui avait adressée était relative à ses livres « qui m’ont permis, aurait dit l’actuel président, de mieux connaître le cerveau de mon père ». Selon Pakradouni, Bachar el-Assad a beaucoup de son père. Comme lui, il écoute bien, retient bien et répond point par point. Il aime aussi discuter, mais si le père avait un discours idéologique, basé sur l’histoire, le sien est plus politique, voire pragmatique, basé sur l’actualité. Pakradouni ne voit nullement dans cette visite en Syrie une volte-face dans la politique du parti. « Au contraire, c’est la reprise d’une relation qui remonte à 1972. Nous sommes l’un des partis chrétiens libanais qui a les relations les plus anciennes avec le régime syrien, dit-il. En 1972, Georges Saadé, Joseph Hachem, Edmond Rizk et moi avions contacté Assem Kanso pour effectuer une première visite à Damas. Nous avions alors rencontré MM. Khaddam et el-Ahmar. Nous avons ainsi pavé la voie à la visite de Pierre Gemayel en Syrie, en septembre 1973, peu avant la guerre d’octobre. » De 1973 à 1977, les relations entre les Kataëb et la Syrie étaient au beau fixe. Et ce n’est qu’après la conclusion de l’accord de Camp David, en 1977, et les événements d’Ehden que la rupture a été consommée. Il y a eu une dernière visite à Damas, de Pierre Gemayel en compagnie de Bachir, en septembre 1978, mais il était déjà trop tard. En 1984, il y a eu une tentative de reprise, grâce à la visite à Damas du Dr Élie Karamé, alors chef du parti, à la tête d’une délégation, mais l’intifada à l’intérieur des FL suivie de l’accord tripartite ont stoppé le dialogue naissant. En 1990, le Dr Saadé, alors ministre des P et T, a rencontré Hafez el-Assad, mais le boycott des élections législatives en 1992 et l’échec de Georges Saadé, toujours aux élections, en 1996, n’ont pas facilité une reprise du dialogue. Il a donc fallu attendre douze ans pour qu’un chef des Kataëb reprenne le chemin de Damas. Redonner vie à l’institution D’où l’importance de la visite. Car, entre-temps, les Kataëb ont modifié leur approche politique, sans faire de compromis sur le fond, comme tient à le souligner Pakradouni, mais aussi la Syrie a modifié sa façon de traiter avec le Liban. Invitant les membres de la délégation à s’exprimer, le président Bachar el-Assad a écouté attentivement l’exposé de Pakradouni, mais aussi des représentants des divers courants au sein du parti, qui ont tous tenu pratiquement le même langage. Il s’agissait, pour eux, de montrer la cohésion interne, mais aussi leur détermination à fonctionner en institution. Pakradouni, mais Georges Kassis, Émile Eid, Paul Gemayel, Joseph Eid... ont ainsi pris la parole à tour de rôle, pour exposer le projet du parti. Et quand ils se sont tus, le président syrien a insisté pour savoir si quelqu’un avait encore quelque chose à dire, cherchant à mettre ses interlocuteurs à l’aise. Apparemment donc, l’échange aurait été très positif, le président syrien voulant sincèrement comprendre les motivations de la rue chrétienne. Son message, rapporté par Pakradouni, a d’ailleurs été très clair : la Syrie se tient aux côtés des forces modérées où qu’elles se trouvent, car la modération est une voie ouverte au dialogue alors que l’extrémisme se base sur l’instinct et l’irrationalité. El-Assad aurait aussi réitéré son appui au président libanais Émile Lahoud, tout en se demandant pourquoi chaque initiative de la part de la Syrie est mal accueillie par une partie des chrétiens. De son côté, Pakradouni, qui a eu un aparté de trois quarts d’heure avec Bachar, a dit au président syrien qu’il y a effectivement un problème chrétien, dû à un déséquilibre dans la représentativité et au sentiment de marginalisation chez les chrétiens. Selon lui, les Kataëb peuvent aider à le résoudre, en contribuant à l’amélioration du climat entre les chrétiens et les Syriens, mais ceux-ci doivent aussi y mettre du leur. La Syrie a donc un rôle à jouer à ce niveau, mais d’abord, elle doit comprendre l’importance pour elle que les chrétiens retrouvent un rôle de premier plan au sein du pouvoir. Pakradouni croit ainsi à un rééquilibrage, qui se ferait par les voies démocratiques, et il souhaiterait investir cette bonne relation avec la Syrie dans l’amélioration de la situation des chrétiens. C’est pourquoi, il considère que cette visite a jeté les bases d’un processus de dialogue et de rapprochement, qui est dans l’intérêt des deux parties. Dès qu’il aura achevé les nominations internes, d’ici à la fin du mois, il se lancera donc dans une série de contacts pour expliquer le projet politique de son parti, tout en promettant des éléments positifs, à partir de septembre. Même si, sur le plan régional, et le président syrien l’aurait clairement dit, la situation reste dramatique. Mais ça, c’est une autre histoire. Scarlett HADDAD
Dans ses bureaux fraîchement repeints, le chef du parti Kataëb caresse longuement une tête en bronze. On pense d’abord à une énième effigie du fondateur du parti, mais il s’agit en fait de celle de l’ancien président du Conseil Sami el-Solh. Que fait-elle au siège central des Kataëb à Saïfi ? Karim Pakradouni lui-même en est encore tout étonné. Cette tête, qui...