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Actualités - OPINION

Palestiniens - Relations avec l’État et rivalités intérieures Les camps du Liban posent deux problèmes majeurs

Cela rappelle un peu la fameuse République des Frères de la Côte, fondée au XVIIIe siècle sur l’île de la Tortue, dans les Caraïbes, par les pirates, les boucaniers, les flibustiers, les forbans de tout acabit, de tout poil et de toutes nationalités. Dans les camps du Sud, c’est Captain Blood (capitaine sang), alias Abou Mahjane, lui-même repris de justice et même ennemi public numéro un, qu’on voit livrer Abou Obeida au bras séculier de l’État libanais. Avec qui, en somme, il traite d’égal à égal ! Le droit obtient-il ainsi gain de cause, la loi prime-t-elle ? Peut-être, en termes de résultats bruts. Mais quelle dérision quand même, ne peut-on s’empêcher de penser. Tel n’est pas du tout l’avis des officiels. L’autorité de la République (la vraie, pas celle des frères) sort, à les en croire, renforcée, réhabilitée, de l’épreuve de force. Pour eux, le seul objectif qui comptait était d’obtenir l’arrestation d’un criminel accusé d’avoir abattu trois militaires libanais. Chose faite donc. Et, selon les mêmes responsables, peu (ou prou) importe comment. D’ailleurs, selon eux, l’élément décisif relève non pas de la volonté palestinienne d’afficher un profil bas, vu qu’Abou Obeida est un infiltré de nationalité libanaise. Mais bien de la fermeté montrée à travers le bouclage, de plus en plus resserré, du camp d’Aïn el-Héloué. Selon cette version, c’est le risque d’asphyxie qui a porté les cadres du camp, auquel l’armée ne laissait que deux issues fortement filtrées, à céder. En fait, tous les témoignages se recoupent pour confirmer que ce que les Palestiniens ont voulu éviter d’abord, ce qu’ils redoutaient le plus, c’était une guerre intestine. Car ils étaient sur le point d’en découdre, dans la mesure où les formations fondamentalistes voulaient continuer à protéger Abou Obeida. Alors que les autres organisations estimaient que le camp n’avait ni à payer pour les forfaits d’intrus ni à aggraver sa réputation d’îlot d’insécurité. Ni à défier le pays-hôte, ainsi que les tuteurs communs, pour une cause manifestement mauvaise, criminellement sanguinaire. Concrètement, pourquoi les intégristes, ou plutôt les activistes recherchés, ont-ils fini par changer d’avis ? Sans doute parce qu’on leur a donné des assurances. C’est-à-dire qu’on les a persuadés que le cas d’Abou Obeida ne constituerait pas un précédent, suivi ultérieurement par leur propre livraison. Mais qu’il s’agit d’une exception libanaise. Ensuite parce que, militairement, ils ne font pas le poids face aux organisations traditionnelles réunies. D’autant que les arafatistes, toujours puissants, ont saisi l’occasion pour se faire valoir. Afin d’offrir à leur leader vénéré, le Vieux comme ils l’appellent, qui se trouve dans une bien mauvaise passe aujourd’hui, un petit cadeau de prestige. En se présentant comme un premier rempart contre les débordements des islamistes. Ces considérations, les officiels libanais disent qu’elles ne les intéressent pas. Ils veulent d’autant moins en savoir, en réalité, qu’il est notoire que les fidèles d’Arafat sont localement à couteaux tirés avec des groupes liés aux décideurs. Autrement dit, il n’est pas question de mettre l’exploit au crédit des partisans d’Abou Ammar, peu appréciés par les amis des amis. Il n’empêche que l’affaire vient démontrer qu’il existe un double problème des camps. D’abord, par rapport à leurs relations avec l’État libanais. Ensuite, en ce qui concerne leur direction intérieure. Ce deuxième bazar, comme ils le dénomment, les responsables libanais s’en lavent les mains. Et refusent d’accorder à Arafat le mérite que lui-même s’attribue, sans doute pour amadouer un peu les Occidentaux qui sont à ses trousses. Quant au premier problème, ou plutôt au premier des problèmes, c’est-à-dire à cette écharde dans le flanc que constitue l’extraterritorialité des camps, les autorités locales avouent que le moment de le régler n’est pas encore venu. Le ministre de la Défense, M. Khalil Hraoui, rappelle dans ce cadre qu’il faut une décision arabo-régionale, autant qu’un consensus intérieur. Il souligne que l’unanimité de réprobation, de regroupement derrière l’État, notamment de la part des instances sudistes et sidoniennes, a contribué à hâter la remise d’Abou Obeida. M. Hraoui répète que la question de la sécurité, du contrôle des camps n’est pas à l’ordre du jour actuellement. Ce qui signifie, reconnaît-il, que l’on ne débat pas de la livraison des repris de justice qui y trouvent asile. Les camps ne seront donc pas investis. Et les officiels concluent par cet étrange argument itératif, difficilement compréhensible : la prise en charge des camps aiderait à promouvoir l’implantation. Que le Liban refuse, de par sa Constitution même. Philippe ABI-AKL
Cela rappelle un peu la fameuse République des Frères de la Côte, fondée au XVIIIe siècle sur l’île de la Tortue, dans les Caraïbes, par les pirates, les boucaniers, les flibustiers, les forbans de tout acabit, de tout poil et de toutes nationalités. Dans les camps du Sud, c’est Captain Blood (capitaine sang), alias Abou Mahjane, lui-même repris de justice et même ennemi...