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Actualités - CHRONOLOGIE

AFFAIRE ABOU OBEIDA - Rien ne prouve que le repris de justice soit impliqué dans l’assassinat de quatre juges, à Saïda Les Palestiniens ont voulu éviter une crise avec l’État

Depuis qu’il a été livré au barrage de l’armée libanaise, à l’entrée nord du camp de Aïn el-Héloué, mardi à l’aube, Abou Obeida est soumis à un interrogatoire serré par les services de renseignements de l’armée libanaise. Jusqu’à présent, rien n’a encore filtré sur la teneur de cet interrogatoire, mais selon une source de sécurité, Badih Hamadé, alias Abou Obeida, n’est pas nécessairement impliqué dans l’assassinat des quatre juges de Saïda. En tout cas, désormais, la procédure judiciaire suivra son cours et le spectre d’un conflit ouvert entre les organisations palestiniennes et l’État libanais s’est éloigné. Même si l’alerte a été chaude. « Si Abou Obeida n’avait pas été libanais, les Palestiniens ne l’auraient jamais livré. » Cette remarque d’une source sécuritaire résume l’État d’esprit général, après l’arrestation de Badih Hamadé, recherché depuis jeudi dernier par l’armée libanaise. Selon cette source, les organisations palestiniennes se seraient longuement concertées avant de songer à remettre le repris de justice aux autorités. S’il y a certainement eu des tiraillements, chaque organisation voulant tirer la couverture à elle et s’imposer comme l’interlocuteur unique des autorités libanaises, elles étaient toutes d’accord sur le principe de refuser de livrer un Palestinien impliqué dans des agressions contre les églises et les débits de boisson, car cela créerait un précédent inacceptable pour elles. Badih Hamadé étant libanais, ce problème ne se posait pas et il s’agissait de trouver un scénario acceptable pour procéder à sa livraison aux autorités. Tiraillements de dernière heure Selon la même source, l’opération était prévue lundi, en début de soirée, mais des divergences interpalestiniennes ont retardé le dénouement jusqu’aux premières heures de l’aube. Les Palestiniens auraient pourtant très vite décidé de « sacrifier » Badih Hamadé, mais le comité de sécurité au sein du camp voulait coiffer l’arrestation, alors que Isbat al-Ansar préférait agir seule. Celle-ci, dirigée par Abdel Karim Saadi, alias Abou Mahjane, qui a délégué ses pouvoirs à son frère, Abou Tarek, pour se cacher de la justice libanaise, a contacté cheikh Maher Hammoud, qui constitue en quelque sorte la couverture religieuse des intégristes de Saïda, pour lui demander de jouer le rôle d’intermédiaire. Entre-temps, Abou Obeida s’était réfugié dans la mosquée du quartier Safsaf (celui des intégristes) au sein du camp. Lorsque les derniers arrangements ont été mis au point, Abou Tarek a conduit cheikh Hammoud à la mosquée où Badih Hamadé lui a été confié. Serré entre cheikh Hammoud et certains membres de Isbat al-Ansar, Hamadé a été emmené en voiture jusqu’au barrage de l’armée libanaise à l’entrée nord du camp, sans passer par les check-points du comité de sécurité interpalestinien. Si les organisations palestiniennes sont plutôt irritées, ayant été privées du prestige d’avoir remis aux autorités libanaises un repris de justice, l’État, lui, est satisfait de ce dénouement qui lui évite une grave crise. La source de sécurité rappelle que lorsque les quatre juges ont été assassinés à Saïda, en juin 1999, le président de la République de l’époque, Élias Hraoui, avait demandé aux forces de sécurité d’élaborer un plan qui permettrait d’investir le camp de Aïn el-Héloué, par le biais du parachutage d’une unité de commandos sur le toit d’un des rares immeubles du camp. L’attaque avait été soigneusement préparée, mais la communauté internationale, notamment les Européens, s’était alors vivement opposée à son exécution. Aujourd’hui, la situation est certes différente, poursuit la source, les Palestiniens étant loin de bénéficier de la sympathie internationale, mais les autorités libanaises ne pouvaient quand même pas songer à investir le camp. Elles restent convaincues qu’en dépit de leurs divergences internes, les organisations palestiniennes se seraient soudées face à l’armée libanaise et, avec ses 80 000 habitants casés dans une surface de 5 km2, le camp serait devenu le théâtre d’un terrible carnage. Par contre, les autorités avaient bien fait comprendre aux Palestiniens que tant que Abou Obeida ne leur était pas livré, le camp serait soumis à un blocus total. Des rumeurs sur l’éventuelle implication d’Abou Obeida dans l’assassinat des juges et dans d’autres dossiers importants ont commencé à circuler, aggravant encore plus la situation. Mais rien ne prouve encore que Badih Hamadé soit lié à ces crimes, même si, en tant que membre de Isbat al-Nour, groupe qui a fait dissidence il y a près d’un an de Isbat al-Ansar, il pourrait posséder de nombreuses informations sur la nébuleuse islamique et ses éventuels liens avec el-Qaëda. D’ailleurs, la source de sécurité considère que cette dissidence serait de pure forme, une sorte de distribution des rôles. Mais cette analyse doit encore être confirmée par les aveux du fameux Abou Obeida. La patrouille d’investigation décide d’agir Reste une importante question : pourquoi l’armée n’a envoyé qu’une patrouille de trois hommes, aussi compétents soient-ils, pour arrêter un repris de justice de la trempe d’Abou Obeida ? Selon la source de sécurité, Abou Obeida était recherché pour le dynamitage de lieux saints chrétiens et de débits de boisson, à Saïda. Les SR avaient appris que le jeudi soir, il se trouverait au domicile de cheikh Abdallah Chreïdi, dans un quartier proche du camp. Une patrouille d’investigation, formée de trois soldats, est aussitôt envoyée sur les lieux. Elle aperçoit effectivement Abou Obeida, en compagnie de sa femme et de sa belle-mère. Jugeant sans doute l’occasion trop belle de le capturer facilement, elle aurait décidé d’agir immédiatement, sans attendre la patrouille d’assaut. Voyant arriver les militaires, Abou Obeida se serait caché dans la chambre, d’où il aurait tué le premier militaire. Le second homme l’aurait repéré, mais alors qu’il s’apprêtait à tirer, la belle-mère de Obeida lui aurait heurté le bras, permettant à son gendre de le tuer et de poursuivre le troisième hors de la maison, avant de le tuer (la belle-mère a d’ailleurs été arrêtée). Obeida se serait ensuite enfui vers le quartier Safsaf, dans le camp de Aïn el-Héloué. C’est là que les Palestiniens sont allés le chercher pour le remettre aux autorités libanaises. Cet épisode étant clos, le feuilleton des relations libano-palestiniennes et des activités des groupuscules intégristes au Liban est loin d’être terminé. De Denniyé à Aïn el-Héloué, le chemin est encore long. Scarlett HADDAD
Depuis qu’il a été livré au barrage de l’armée libanaise, à l’entrée nord du camp de Aïn el-Héloué, mardi à l’aube, Abou Obeida est soumis à un interrogatoire serré par les services de renseignements de l’armée libanaise. Jusqu’à présent, rien n’a encore filtré sur la teneur de cet interrogatoire, mais selon une source de sécurité, Badih Hamadé, alias...