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Actualités - OPINION

Opinion Orphelins de mer

Le libre accès à la mer, tel que stipulé sans équivoque dans la législation sur le littoral, est une condition essentielle d’équilibre social. Il est désolant de constater à quel point chez nous on n’en fait pas cas. La côte, celle de Beyrouth en particulier, subit des assauts qui suppriment à ses habitants tous les avantages qu’oofre la proximité de la mer et la confusion qui règne entre l’intérêt des particuliers et les droits de la collectivité est due au fait que tous les acteurs impliqués dans sa transformation ne sont que crabes dans un panier de crabes. La liberté accordée à chaque individu de jouir sans contrainte de la mer est farantie partout. Tous les pays du monde, évolués ou touristiques, en voie de développement ou même pétroliers, la respectent scrupuleusement. Pour ce qui est des pays d’Asie ou d’Afrique, pauvres exportateurs de main-d’œuvre et de gens de maison, on sait qu’ils pratiquent chez eux des politiques d’environnement et de protection de la nature, que nous ferions bien d’imiter. Mais on préfère ne rien faire et assister à l’affront qui supprime, infraction après infraction, le privilège le plus élémentaire de l’habitant d’une ville côtière : celui de pouvoir voir la mer. Sur ce sujet, la liste des anomalies est longue. En parcourant la corniche d’est en ouest, on peut voir en effet : Une Marina de Beyrouth ultramoderne mais dont l’excessive hauteur de la jetée masque à jamais la vue de l’horizon. Il s’agit d’un port de plaisance offert au propriétaire d’une tour résidentielle qui se construit du côté opposé de la corniche, mais qu’un tunnel privé, creusé sous la chaussée, permettra de rejoindre. La marina deviendra en quelque sorte le bassin privé de cet immeuble. Le St-George Yacht-Motor Club, dont le propriétaire n’en finit pas de se lamenter sur le droit d’exploiter la mer qu’un autre exploitant, mi-public mi-privé celui-là, lui a raflé. On devrait pourtant lui rappeler que la plage du prestigieux Hôtel Negresco sur la Côte d’Azur permet à tous les baigneurs, d’où qu’ils viennent, de la traverser. Le Bain Ajram, aujourd’hui réservé aux femmes, tel un hamman du temps passé, mène un combat perdu d’avance contre le vent qui provoque régulièrement la chute des rideaux sensés le protéger des regards indiscrets. Le club privé La Plage, pionnier en matière de privatisation intégrale du domaine maritime, bâtiment de l’Artisanat libanais compris, que l’on a transformé en ridicule pagode chinoise. Promeneurs ne vous aventurez pas trop du côté de son entrée, vous serez interpellés par les hommes de la « Security » qui rodent dans les parages. Le Bain américain qui dresse ses tentures sur le parapet de la corniche. Il est imité en cela par le Riviera Beach. en longeant ces deux établissements, si vous êtes petit de taille, ou un enfant tout simplement, vous n’avez aucune chance de voir la mer. Sur le cap de Beyrouth, un chantier arrêté. C’est le nouveau phare que le propriétaire d’une tour d’habitation accolée au phare actuel a été autorisé à construire à ses frais et sur le domaine maritime pour contrecarrer l’interdiction qui lui a été signifiée d’ajouter des étages à son immeuble. Mais la construction du phare de remplacement a été quand même arrêtée et l’on ne saura jamais quel marchadage a régi cette mascarade. Plus loin, un bain bien gardé. Il se reconnaît à son écran géant couleur bleu outremer. Ça ne l’empêche pas de voiler complètement le panorama de la mer, ciel d’azur et nuages blancs compris. Le café Fardouss, le Sporting et le Long Beach suivent. Ils baignent tous dans leur environnement délabré. Des cafés suspendus à la falaise de la Grotte aux pigeons qui masquent la vue du spectaculaire rocher. C’est un site touristique naturel dont le filigrance a disparu de nos billets de banque, remplacé par des chiffres à multiples zéros. Ça donne une idée de ce qu’est devenue notre échelle des valeurs. Le Mövenpick, récemment inauguré, qui occupe les meilleurs terrains de cette partie de la ville (...). L’immense plage sablonneuse de Ramlet el-Bayda que l’on découvre n’être qu’une propriété privée. Tout récemment encore, l’accès depuis la corniche en a été interdit. Une jeep garée tout près veille au grain. Sait-on jamais, une manifestation contre la disparition de la dernière plage publique est si vite arrivée. Mais c’est avec le pont d’Ouzaï qu’une ère nouvelle d’aurbanisme est inaugurée. Au lieu de réhabiliter la voie maritime au niveau du son naturel comme il se doit, on choisit de sauter par-dessus les terrains squattérisés en construisant un viaduc auto-routier. Les députés, avant-gardistes – suivistes –, ont applaudi comme un seul homme à l’audace de cette solution. Bientôt le promeneur ordinaire, celui qui se déplace sur ses deux jambes, ne se souviendra même plus de sa mer, à jamais perdue. G. SÉROF
Le libre accès à la mer, tel que stipulé sans équivoque dans la législation sur le littoral, est une condition essentielle d’équilibre social. Il est désolant de constater à quel point chez nous on n’en fait pas cas. La côte, celle de Beyrouth en particulier, subit des assauts qui suppriment à ses habitants tous les avantages qu’oofre la proximité de la mer et la...