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Actualités - CHRONOLOGIE

Conférence- Moyen d’accès à la connaissance, la lecture constitue un facteur de développement économique et social par excellence L’industrie du livre au Liban : défis et perspectives

« La révolution des moyens de communication n’a pas anéanti l’industrie du livre. Elle l’a plutôt poussée à s’adapter aux nouvelles technologies ». Pour le ministre de la Culture, Ghassan Salamé, qui inaugurait les travaux d’un séminaire sur « l’industrie du livre », ce dernier ne se porte pas si mal dans l’ensemble. Bien que l’Internet et les moyens audiovisuels se soient en partie substitués à cette industrie, le livre, dont le rôle s’est quelque peu modifié, continue d’occuper une place importante. Un constat qui ne s’applique pas nécessairement au Liban, affirment les professionnels du métier, qui estiment que cette industrie est en pleine crise. Organisée par le LCPS (Lebanese Center for Policy Studies) en collaboration avec la fondation Konrad Adenauer, cette rencontre interprofessionnelle – la première du genre – s’est donné pour objectif de soulever les multiples problèmes que rencontre le secteur du livre, en mettant l’accent sur le rôle de l’édition et de l’industrie culturelle dans le développement économique et social. Le directeur de ce centre, Salim Nasr, a défini d’emblée les hypothèses de travail soumises à discussion. L’industrie du livre, dit-il, a grandement besoin de se renouveler, tant sur le plan du soutien qui doit être accordé aux ressources intellectuelles, que du point de vue des ressources humaines et du cadre légal et organisationnel. Ce secteur forme une chaîne unie qui relie entre eux les métiers, les institutions et les acteurs opérant à l’intérieur de cette chaîne, notamment les auteurs, les traducteurs et les éditeurs, les imprimeurs, les distributeurs, les libraires, les bibliothécaires etc. D’où une complémentarité inévitable des différents rôles pour assurer la réussite et le développement de cette industrie, précise M. Nasr. La crise qui affecte la production du livre, souligne-t-il, est due en partie à la situation économique, mais aussi à de nombreux facteurs qui touchent à la production culturelle dans son ensemble : la concurrence arabe, la dispersion des efforts déployés par les entreprises en présence, un certain recul des libertés, etc. Tout cela constitue autant d’obstacles qui entravent la relance de ce secteur. Et M. Nasr de faire remarquer que l’investissement dans l’industrie culturelle « ne relève pas du gaspillage ». « Ce domaine reste de loin plus important que tant d’autres secteurs qui ont absorbé des milliards (de dollars) dans le but (pour le Liban) de recouvrer certains rôles économiques qui ne sont plus justifiés de nos jours. » La relance de ce secteur nécessite par conséquent une vision globale et une étude détaillée des problèmes concrets, conclut le responsable du LCPS. C’est d’ailleurs sur les difficultés que rencontrent les professionnels du métier que plancheront les participants. Dénonçant le manque de confiance et de transparence entre les éditeurs et les libraires, les participants ont mis en avant la nécessité d’une collaboration plus étroite entre les professionnels du métier. Par ailleurs, la mise en place d’une stratégie globale, qui prenne notamment en compte le volet de la promotion du livre auprès des jeunes écoliers, des universitaires et du lectorat grand public, s’impose. Sur ce point, les intervenants font remarquer que les efforts entrepris notamment par les écoles, pour donner aux jeunes le goût de la lecture, sont insuffisants. « Le milieu scolaire constitue de plus en plus l’endroit par excellence pour inciter les jeunes à la lecture », souligne Fadia el-Amine, professeur adjoint à l’UL. Ce rôle n’est pourtant pas rempli par les institutions pédagogiques, fait-elle remarquer. Une carence qui est notamment due au fait que les programmes scolaires sont surchargés et ne laissent pas à l’enfant un temps libre pour la lecture. Mme Nada Moughaizel, éducatrice, propose de s’inspirer des exemples français suivis pour animer les ateliers de lecture. Elle cite au passage la méthode adoptée par un instituteur qui tamponne un visa sur « un passeport » symbolique détenu par les lycéens. « Chaque visa, qui correspond à la lecture d’un livre, signifie qu’un nouveau voyage vient d’être effectué par le jeune lecteur », dit-elle. Le peuple libanais lit-il ? La réponse à cette question est d’autant plus difficile qu’il existe des indications contradictoires à ce niveau, affirme Mme el-Amine. Car si la demande se porte plutôt bien – c’est ce que montre d’ailleurs le phénomène grandissant des expositions de livres, la multiplicité des lieux de vente qui ne sont plus l’apanage des librairies, ainsi que le taux relativement élevé des lecteurs – cette tendance se trouve inversée lorsque l’on considère d’autres indicatifs, dit-elle. En effet, une étude entreprise par l’Unesco en 1994 a démontré que « seuls 4 % des universitaires consacrent leur temps libre à la lecture », relève Mme el-Amine. Lecture gratuite, ou lecture de plaisir, à laquelle devraient répondre en premier les bibliothèques publiques mais également scolaires – cette activité suppose une certaine qualité des livres proposés, relève Maud Estephan, directrice du projet de réhabilitation de la bibliothèque nationale, au ministère de la Culture. « De là, la nécessité de bibliothécaires compétents, conseillant les lecteurs dans leur choix, animant des ateliers de lecture ». Mme Estephan souligne par ailleurs le grand écart qui existe entre les bibliothèques universitaires du secteur privé et celles du secteur public, c’est-à-dire l’Université libanaise, « qui ont souffert de la division des facultés en sections régionales, ce qui a eu pour effet de disperser les maigres ressources disponibles ». Quant à la profession de libraire, elle est encore mal définie au Liban, d’autant que de nombreux commerces « portent le nom de librairies et offrent en fait des gadgets, des jouets ou simplement des journaux à côté des rafraîchissements », dit-elle. Par conséquent, la nécessité de réguler la profession s’impose, car la librairie est menacée de concurrence, notamment par les vendeurs saisonniers. Chercheuse au LCPS, Fourat el-Achkar met l’accent sur la place du livre dans l’environnement éducatif, culturel et politique. « Face au rythme accéléré d’accès à l’information, le livre représente dans ce contexte un anachronisme », affirme-t-elle. Mme Achkar fait remarquer que le type d’ouvrages actuellement en vogue est le livre événementiel par excellence. « Tous ces livres ont une formule commerciale qui n’a rien à voir avec le message culturel en rapport avec la connaissance », dit-elle. « Or le concept événementiel est typique de la conception accélérée du temps ». Par conséquent, « notre champ de bataille est l’espace public. Le livre doit être imposé comme concept et moyen de connaissance ». Je.J.
« La révolution des moyens de communication n’a pas anéanti l’industrie du livre. Elle l’a plutôt poussée à s’adapter aux nouvelles technologies ». Pour le ministre de la Culture, Ghassan Salamé, qui inaugurait les travaux d’un séminaire sur « l’industrie du livre », ce dernier ne se porte pas si mal dans l’ensemble. Bien que l’Internet et les moyens...