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Actualités - OPINION

Les pressions US infléchissent la stratégie libanaise des décideurs

C’est toujours, sans doute, la guerre au top niveau de l’Exécutif. Mais une guerre froide. Et le microcosme est pour le moment aussi stable que le monde du temps d’Eisenhower et de Staline. Un calme qui précède peut-être la tempête, parce que les bonnes vieilles habitudes sont difficiles à perdre. Mais pour l’heure, les tuteurs ont sommé les protagonistes à se tenir cois. Des sources informées confirment en effet que, discrètement mais catégoriquement, un véritable mot d’ordre de break a été donné aux jouteurs du cru. Parce que Damas, que Washington bombarde d’émissaires porteurs de quasi-ultimatums, a d’autres chats à fouetter que les siamois libanais. Il faut, devant la menace, se ramasser au mieux, se caparaçonner sous autant d’écailles qu’on peut trouver, faire profil bas, éviter de jeter inutilement (et dangereusement) de l’huile sur le feu. Et cela vaut pour le Liban encore plus que pour la Syrie. Puisque l’acte d’accusation américain s’articule essentiellement, et même uniquement, autour du cas du Hezbollah. Pour les décideurs, il est donc plus qu’évident que les pôles libanais doivent d’urgence cesser leurs sempiternelles querelles de clocher. Fermer tous les dossiers litigieux, renforcer le front intérieur et se focaliser sur le double danger israélo-américain. Le président Nabih Berry, qui a en vain joué les conciliateurs entre les deux têtes de l’Exécutif, est le premier à tirer la sonnette d’alarme. En bon Sudiste, il relève le risque accru d’une liquidation accélérée de la Finul. On sait en effet qu’à cause de la CPI (Cour pénale internationale), les USA menacent de torpiller toutes les missions de paix de l’Onu. Parce qu’à leur avis, les Casques bleus, les leurs notamment, ne doivent pas être justiciables de cette instance. À la fin du mois en cours, les contingents d’Annan pourraient donc tirer leur révérence. Ici même avant tout autre pays, car le mandat semestriel de la Finul ne court que jusqu’à fin juillet. Faisant d’une pierre deux coups, Washington s’est donc hâté de faire comprendre à la Syrie, puis au Liban, qu’ils peuvent bientôt être privés de l’ombrelle de protection (et d’aide sociale) onusienne. S’ils ne se décident toujours pas à neutraliser le Hezbollah. Une formation qu’Israël s’ingénie à rendre encore plus haïssable aux yeux des Américains, en leur affirmant qu’elle entretient des liens – évidemment terroristes – avec leur bête noire numéro un, la Qaëda de Ben Laden. Pour faire bonne mesure, et pour n’oublier personne, les Israéliens ajoutent que la nébuleuse du Saoudien d’origine s’est solidement implantée dans les camps palestiniens, incontrôlés, du Liban-Sud. Bien entendu, emboîtant le pas au Hezb lui-même qui a nié toute accointance avec la Qaëda, les autorités libanaises affirment que le parti de Dieu est blanc comme neige. Les Américains en conviennent à moitié. C’est-à-dire qu’ils reconnaissent n’avoir de preuves ni dans un sens ni dans l’autre. Mais cela ne les empêche pas de répéter, tout à fait officiellement, que le Hezbollah a tué jadis plusieurs des leurs, qu’il est leur ennemi. Et qu’il reste inscrit en bonne place sur leur liste de proscription. Ils exigent donc non seulement l’arrêt de ses opérations de résistance ainsi que son désarmement, mais aussi le déploiement de l’armée libanaise le long de la ligne bleue. Pour eux, l’État libanais se met dans une totale illégalité en cédant le fermage d’une portion de son territoire à un organisme privé, qu’ils qualifient d’ailleurs de milice plutôt que de parti. Bien entendu, le message d’avertissement s’adresse, même dans l’ordre chronologique de sa livraison, à Damas bien plus qu’à Beyrouth même. Car nul n’ignore l’influence décisive de la Syrie auprès du Hezb lui-même comme de son autre répondant moral, la République islamique d’Iran. Aux Syriens comme aux Libanais, les différentes déferlantes déléguées ces derniers jours par Washington (dont l’équipe dirigée en personne par le président de la commission de sécurité du Congrès, le sénateur Graham), ont répété ce bref slogan : nous ne plaisantons pas avec les questions touchant au terrorisme ou à la sûreté. Après quoi ces visiteurs, courtoisie oblige, se sont tus pour écouter les (longs) arguments de leurs interlocuteurs, sans les commenter. Mais sans omettre non plus, en guise d’au-Qrevoir, de conclure sur un percutant rappel de la devise Bush : qui n’est pas avec nous est contre nous. Point à la ligne. Philippe ABI-AKL
C’est toujours, sans doute, la guerre au top niveau de l’Exécutif. Mais une guerre froide. Et le microcosme est pour le moment aussi stable que le monde du temps d’Eisenhower et de Staline. Un calme qui précède peut-être la tempête, parce que les bonnes vieilles habitudes sont difficiles à perdre. Mais pour l’heure, les tuteurs ont sommé les protagonistes à se tenir...