Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

ENVIRONNEMENT - Manifestation en prévision de l’interdiction des moteurs diesel, le 15 juillet Les chauffeurs de minibus bloquent l’accès au domicile de Berry(photos)

Après les chauffeurs de taxi, les propriétaires de minibus... La colère gronde au sein de cette catégorie sociale visée par la loi n° 341 sur l’interdiction du mazout et la lutte contre la pollution atmosphérique, et dont la seconde phase devrait entrer en vigueur le 15 juillet prochain. Des centaines de chauffeurs de minibus venus de la Békaa et d’autres régions ont manifesté toute la journée d’hier non loin de l’entrée de la résidence du chef du Parlement, Nabih Berry, à Aïn el-Tiné, fermant les routes et paralysant notamment le secteur de Verdun. Les forces de l’ordre présentes en grand nombre ont empêché les manifestants, qui avaient auparavant brûlé des pneus et bloqué une des entrées sud de la capitale avant d’être dispersés, d’arriver devant le domicile de M. Berry. Aucun incident majeur n’a cependant été signalé. Selon Abdallah Hamadé, président du syndicat des chauffeurs de minibus au Liban, « les efforts pour obtenir un rendez-vous du président de la Chambre n’ont pas abouti ». Durant la manifestation, les slogans scandés par les chauffeurs prennent pour cible favorite les chefs du gouvernement et du Parlement, respectivement MM. Rafic Hariri et Berry, ainsi que le ministre des Finances, Fouad Siniora, qualifiés de « voleurs ». La seule partie politique qui trouve grâce à leurs yeux est le Hezbollah, « le seul qui défend les déshérités ». Des portraits du leader de ce parti, cheikh Hassan Nasrallah, sont brandis par certains protestataires. Rappelons que les minibus et les petits camions à moteur diesel, contrairement aux voitures de tourisme, sont autorisés depuis 1994, et qu’ils n’ont été compris dans la loi n° 341 que quand il s’est avéré qu’ils constituent une concurrence difficile à supporter pour les taxis, au cas où ces derniers devaient rouler à l’essence (trois fois plus chère que le mazout industriel de très mauvaise qualité trouvé sur le marché libanais). Voilà pourquoi il était clair, hier, que les manifestants se désolidarisaient complètement des chauffeurs de taxi. « Il est normal que les autorités arrêtent des véhicules qui roulent illégalement », disent-ils. « Mais nous, nous avons respecté la loi et avons contracté des dettes pour acheter ces véhicules qui sont notre seul gagne-pain. » Le changement de moteurs est, selon eux, loin d’être facile. « Ce sont des véhicules conçus pour rouler au gazole », explique Yehia Najié, un chauffeur de la Békaa. « Pour acheter un nouveau moteur, il nous faut débourser au moins 12 000 dollars parce qu’il y aurait beaucoup de pièces à changer. Un chiffre qui dépasse de beaucoup les deux ou trois millions de livres qu’on nous offre aujourd’hui. D’ailleurs, même si le gouvernement se proposait de nous remplacer le moteur gratuitement, l’affaire ne serait toujours pas rentable, vu le prix de l’essence. » Les traites et le gazole Une question est inlassablement posée par les manifestants : comment peut-on nous demander de nous acquitter des frais d’un changement de moteur, avec tout ce qui s’ensuit, alors que nous n’avons même pas fini de payer nos véhicules ? Yehia Najié a acheté un minibus qui coûte 33 mille dollars. Il n’en a payé, jusqu’à ce jour, que 22 mille. Ils sont neuf frères, dont quatre avec des familles, à vivre de ce minibus, selon lui. Les exemples se multiplient, tous les propriétaires d’un ou de plusieurs véhicules sont confrontés au même problème : les traites à payer aux banques. Arriveront-ils à un point où ils seront obligés d’arrêter de payer ? « Il est certain que si la situation empire, nous deviendrons incapables de régler nos dettes aux banques », estime un manifestant qui a requis l’anonymat. La solution selon eux ? C’est le président du syndicat, Abdallah Hamadé, qui l’exprime très clairement. « L’État importe le pire genre de mazout », dit-il. « Il suffirait d’introduire au pays un gazole de bonne qualité. » Il précise que le nombre de minibus au Liban s’élève à 4 000, « tous appartenant à des individus et non à de grandes sociétés, comme les bus ». M. Hamadé précise que le syndicat utilisera « toutes les méthodes démocratiques pour porter le gouvernement à changer de politique ». Le mouvement protestataire, qui s’est étendu hier à plusieurs régions du pays, pourrait durer, selon lui, jusqu’à la date d’application de la loi aux minibus, c’est-à-dire le 15 juillet prochain. « Nous aurons même recours à des batailles juridiques », souligne M. Hamadé, refusant de donner de plus amples explications sur ce point. À la question de savoir pourquoi son syndicat n’a pas réagi plus tôt, la loi ayant été adoptée en août dernier, il confirme que « les contacts avec les hommes politiques ont été nombreux, mais j’en arrive presque à les regretter parce que, malheureusement, les députés ne tiennent pas les promesses qu’ils nous font à huis clos ». Ces derniers jours, « aucun des responsables concernés n’a accepté de nous accorder un rendez-vous », s’indigne-t-il. D’ailleurs, le syndicaliste tout comme les manifestants n’hésitent pas à parler de « marchés douteux qui seraient à l’origine de l’adoption de la loi ». « Hier encore, dix nouveaux bus de 24 places ont été enregistrés avec l’accord des autorités », croit savoir un manifestant, révolté. Il faut rappeler que les bus de plus de 15 places et les camions de plus de 3 500 kilos ne sont pas compris dans la loi et continueront donc de rouler au mazout sans être inquiétés. C’est ce qui ne manque pas d’exaspérer les manifestants, qui s’en prennent à un bus de passage dans le secteur, en essayant d’entraver sa route. Ils scandent un slogan qui rappelle étrangement celui adopté par l’Union des syndicats de chauffeurs de taxi, dont ils ne sont pourtant pas solidaires : « Le mazout pour tous ou l’interdiction pour tous. » Hier, les propriétaires de minibus, même en nombre encore modeste, ont fait une démonstration de ce qu’ils étaient capables de causer dans la capitale : une vraie paralysie du trafic. Ils descendent dans la rue avec la ferme conviction qu’ils ont toujours évolué dans la légalité et que l’État les a « trahis ». Mais comment peuvent-ils espérer encore que le gouvernement puisse reculer alors qu’il a déjà entrepris d’arrêter les chauffeurs de taxi (depuis le 15 juin) ? « C’est là tout le problème, le gouvernement s’empêtre de plus en plus à mesure qu’il adopte des soi-disant solutions », constate quelque peu ironiquement un manifestant qui, prudent, préfère rester anonyme. Suzanne BAAKLINI
Après les chauffeurs de taxi, les propriétaires de minibus... La colère gronde au sein de cette catégorie sociale visée par la loi n° 341 sur l’interdiction du mazout et la lutte contre la pollution atmosphérique, et dont la seconde phase devrait entrer en vigueur le 15 juillet prochain. Des centaines de chauffeurs de minibus venus de la Békaa et d’autres régions ont...