La tangente

Ne parlez pas de cancer, ne parlez pas d’hypocrisie. Ces deux tueurs sont bannis du vocabulaire courant. Le premier par superstition. Encore que son remplaçant, tumeur, fasse froid dans le dos. Le deuxième par l’effet même de sa puissance. C’est-à-dire par l’opacité de plus en plus épaisse d’une société de plus en plus complexe. Pour les excroissances purulentes que constituent les îlots d’insécurité qui subsistent ici, on parlera donc, au mieux, de chancre. En se félicitant de l’isoler soigneusement à l’aide de quelques factionnaires sparadraps. Et en oubliant, lors même du récent troisième anniversaire marqué par une « émouvante cérémonie », que le massacre des quatre juges de Saïda reste impuni. Pire encore, qu’on n’en connaît toujours pas les auteurs. Que personne n’a songé à dénoncer et encore moins à livrer. Il faut cependant espérer : qui peut le plus peut le moins. Si l’État se dit certain qu’il n’y a pas d’éléments d’el-Qaëda dans les camps, bien qu’il fît naguère le lien entre Ben Laden et Abou Mahjane, c’est qu’il est renseigné de source sûre. Et qu’un jour, ses indics finiront par lui balancer les assassins de juges. Libanais. Deuxième volet d’actualité : Mgr Haddad. Bien malin celui qui peut dire si la hiérarchie approuve ou désapprouve ses vues théologiques. Le ton adopté est néanmoins empathique. Les idées de l’évêque sont qualifiées de « courageuses ». Et ce n’est pas sa faute si « elles écorchent les oreilles de certains croyants ». En tout cas l’homme, qu’aucune violence, dit-il, ne saurait réduire au silence, consent à descendre de la tribune. Certainement de sa propre initiative. Cela dit, bien évidemment, pour montrer que les ouïes des ouailles sont bien ouvertes. À l’enseignement subtilement vitrifié des disciples du Maître de clarté. De Celui qui disait : que ton oui soit oui, que ton non soit non. Amen. J.I.