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Actualités - CHRONOLOGIE

Navigation - Une expérience scientifique menée par une équipe allemande Un Libanais à bord de l’Abora II, « un bateau venant du néolithique »(photo)

Un voilier de jonc amarré à la marina de Dbayé n’est pas un spectacle habituel. Et pourtant, récemment, un bateau de ce type, long de douze mètres, jetait l’ancre dans ce port entre de luxueux yachts (voir L’Orient-Le Jour du jeudi 6 juin). Baptisé Abora II, ce voilier est considéré comme un défi scientifique réalisé par une équipe allemande qui cherche à prouver, par l’expérience, que la navigation existait dès la préhistoire. Cette embarcation en jonc, construite suivant un modèle datant du néolithique, navigue depuis trois semaines en Méditerranée. Elle a pris son départ au port d’Alexandrie et a fait sa première escale à Beyrouth pour participer au Beirut Boat Show. L’objectif des organisateurs du Beirut Boat Show, qui collaborent étroitement avec Tony Lahoud de l’Université libano-américaine, consistait à allier l’intérêt historique à la haute technologie de navigation. Mais Abora II, dépourvu de toute technique moderne et dépendant étroitement des caprices du vent, n’a pu atteindre le port de Dbayé qu’à la fin de l’événement. Ce retard ne lui a pourtant pas causé du tort. Débarrassé de toute concurrence, le petit bateau en jonc a d’autant mieux capté l’attention des visiteurs. Pour l’archéologue allemand qui est à l’origine de cette idée, pour le moins originale, Dominique Grölitz, « les hommes de la préhistoire naviguaient en Méditerranée. Ces voyages ont favorisé les échanges entre les peuples. Cette théorie est confirmée par les similitudes dans l’architecture de monuments culturels de différentes régions et par la découverte de certains objets archéologiques, affirme-t-il. Les bateaux à cette époque reculée étaient probablement faits d’un assemblage de joncs. Cette matière est plus facile à travailler que le bois, avec un temps de construction qui ne dépasse pas les deux mois. Dans ces conditions, la durée de vie moyenne du bateau devait être de deux ans », poursuit-il. Étant donné qu’aucun bateau de jonc n’a été conservé, cet archéologue a voulu prouver son idée en la mettant en pratique. Avec son équipe, il a construit un bateau en jonc et veut s’assurer de sa résistance face aux tempêtes. À ce titre, il est important de souligner que pour Dominique Grölitz, cette expérience n’est pas la première du genre. En fait, il y a quelques années, il avait construit, avec son équipe, un premier voilier en jonc qu’il avait appelé Abora I. Sur ce premier bateau, il avait effectué une croisière autour des îles italiennes. Il avait pu prouver que le bateau est capable de résister à un vent de 85°. La construction d’Abora I ne répondait toutefois pas à des critères relatifs à une période donnée ou à une civilisation précise. L’expérience avait alors été largement critiquée dans le monde scientifique, voire totalement discréditée. Ne s’avouant pas vaincu, Dominique a décidé de construire un deuxième bateau en tenant compte, cette fois-ci, de dessins datant du néolithique. La recherche a duré deux ans et a consisté en une analyse minutieuse des croquis des bateaux de cette époque. Cela a permis de comprendre la constitution de ces antiques voiliers et, par conséquent, de concevoir Abora II sur le papier. Le bateau construit en Bolivie Pour rester fidèle aux anciennes techniques de construction, l’archéologue allemand a décidé de confier cette tâche à des pêcheurs auxquels les méthodes ancestrales sont bien connues. Les seuls à avoir conservé un patrimoine culturel aussi ancien sont les Boliviens. Les pêcheurs qui vivent sur les rives du lac Titicaca construisent toujours leurs voiliers suivant les techniques de leurs ancêtres. Dominique s’installe alors pendant quelques mois auprès d’une famille de pêcheurs en Bolivie pour veiller à l’édification de ce bateau. La première étape de ce travail consiste à couper le jonc au printemps. Puis, il faut rouler les tiges et les assembler en bottes. Le bateau est composé de douze bottes de jonc entassées de chaque côté et recouvertes d’une planche de bois. Là-dessus sont installées les deux cabines qui servent de chambre à coucher et de cuisine aux membres de l’équipage. C’est à partir du toit que le bateau est commandé. La partie supérieure sert également de chambre à coucher, parfaite pour les nuits passées à la belle étoile. Le quotidien de l’équipage, composé de deux femmes et de sept hommes, s’organise en fonction du vent. Ainsi, les grasses matinées sont de rigueur en Méditerranée, puisque le vent ne se lève pratiquement jamais l’avant-midi ! Une expérience pour la vie Outre l’intérêt qu’il représente pour les scientifiques auxquels il fournit la preuve que les hommes préhistoriques savaient naviguer, le voyage sur ce bateau a été décrit comme une expérience unique par les membres de l’équipage, ces aventuriers modernes lancés sur les pas de leurs lointains ancêtres. Voyager sur une fragile embarcation en jonc durant des semaines, être coupé du reste du monde et ne pas voir la terre ferme des jours durant n’est peut-être pas simple, mais est certainement exaltant. Pour la première fois de leur vie, ils vivent pleinement avec les éléments de la nature. Ils ont le loisir de réfléchir et de discuter pendant des heures, tout en observant les oiseaux et les poissons. En effet, ce bateau en jonc dépourvu de moteur n’effraie pas les animaux. Les oiseaux y font escale, les poissons le suivent de près. Pour mieux partager cette expérience avec le public, les membres de l’équipage ont décidé de prendre un nouveau passager à bord à chaque escale. Ainsi, un Libanais, Rabih Salem, membre de la Fédération libanaise des voiliers, les a rejoints pour poursuivre avec eux le voyage. Dominique Grölitz a décidé, cette fois-ci, d’effectuer un voyage en circuit fermé. L’équipage retournera donc au port d’Alexandrie dans quelques semaines, après quelques escales. En attendant, le petit navire vogue sur les eaux au rythme du vent... comme au temps de la préhistoire. Joanne FARCHAKH
Un voilier de jonc amarré à la marina de Dbayé n’est pas un spectacle habituel. Et pourtant, récemment, un bateau de ce type, long de douze mètres, jetait l’ancre dans ce port entre de luxueux yachts (voir L’Orient-Le Jour du jeudi 6 juin). Baptisé Abora II, ce voilier est considéré comme un défi scientifique réalisé par une équipe allemande qui cherche à prouver,...