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Actualités - CHRONOLOGIE

Conférence - Au CEDRAC, un cycle sur l’Orient chrétien Les Mozarabes d’al-Andalous vus par Philippe Roisse

C’est à l’amphithéâtre de la Bibliothèque orientale (Université Saint-Joseph) que le philologue Philippe Roisse s’est penché sur la question des « Chrétiens mozarabes d’al-Andalous ». Organisée par le Centre de documentation et de recherches arabes chrétiennes (CEDRAC), cette manifestation s’inscrit dans le cadre du cycle de conférences ayant pour thème « Mois de l’Orient chrétien ». L’exposé de M. Philippe Roisse ne porte pas sur le passé glorieux des Arabes, mais sur « le mouvement » des Espagnols chrétiens dans l’Andalousie musulmane et les différents facteurs qui les ont amenés à effectuer des travaux de traduction du latin à l’arabe, comme de l’arabe au latin. Et parce qu’il y a d’emblée des images amplifiées qui nous viennent à l’esprit quand on parle d’« al-Andalous », le conférencier cite trois mythes à « déblayer » afin de pouvoir examiner objectivement la société de l’époque. Tout d’abord, le mythe andalou élaboré autour des jardins de l’Alhambra et de cette période dorée dont même « la notion de progrès a été idéalisée par l’imagination », a-t-il dit. De même, l’Espagne, qui cherche au XIXe siècle à se créer une cohésion, se penche sur un passé et « mythifie cette communauté chrétienne appelée mozarabe, devenue le parangon d’une résistance de l’hispanité profonde ». Ainsi, rappelle le conférencier, le caudillo Franco a-t-il été sacré chef d’État selon la liturgie mozarabe (une épée déposée sur son épaule). Mais il y a aussi le mythe de la tolérance islamo-chrétienne « qui n’a aucune raison d’être puisque les communautés s’entendaient parfois mais pas toujours », selon M. Roisse. En effet, « lorsque les problèmes ou les conflits surgissaient, le repli communautaire intervenait, prenant le pas sur les relations sociales, culturelles et économiques », a-t-il ajouté. Il signale, par ailleurs, que la première mention du mot mozarabe est apparue dans un manuscrit du nord de l’Espagne, au XIIe siècle. Dans les textes arabes, les Espagnols chrétiens sont désignés sous le nom de « nasrani », de « massihiîn », de « roum » et même de « ajam »... Chapitre informations, le conférencier indique que les spécialistes puisent aux « sources juridiques » pour l’étude de la société andalouse. « Elles sont une mine importante d’informations sur les comportements religieux et sociaux, mais aussi sur la coexistence pacifique entre les différentes communautés, ou encore leur incompatibilité. Aristocratie aryenne Abordant ensuite le chapitre des populations en présence lors de la conquête arabe, le conférencier relève que du côté des envahisseurs, les Berbères, islamisés de fraîche date, constituaient le gros de l’effectif aux côtés d’une vingtaine de milliers d’Arabes arrivés dans les premiers temps. Quant à la population locale, il indique que les Wisigoths ou Aryens étaient la minorité agissante du pays. C’était l’aristocratie. À côté, il y avait les autochtones unis à l’Église universelle, mais aussi une population païenne (particulièrement dans le nord) et une autre, juive, ayant subi un grand nombre de discriminations et qui, dit-on, aurait facilité l’accès des musulmans à l’Andalous. Proches des noyaux de l’administration, les villes, et plus particulièrement Cordoue, s’arabisent assez rapidement pour communiquer avec le conquérant et participer au pouvoir, essentiellement en jouant le rôle d’intermédiaire entre les gouverneurs et la communauté chrétienne. Le phénomène s’étend petit à petit à toutes les provinces et à toutes les couches sociales. En effet, le latin étant tombé en désuétude un siècle avant l’arrivée des Arabes et le roman étant un instrument vernaculaire, les Espagnols d’al-Andalous vont s’intéresser à la culture arabe et en utiliser la langue comme moyen de communication écrite. Toutefois, cette arabisation va créer, à partir du milieu du IXe siècle, un problème identitaire parmi la population chrétienne qui va se diviser en deux groupes bien distincts : un groupe « très majoritaire » qui refuse de faire des vagues et tente de vivre tant bien que mal dans la société régentée par les musulmans. Et une minorité, « extrêmement agissante entre 850 et 859 », essentiellement composée de semi-lettrés et de lettrés. Il s’agit du clergé qui se rebelle face à une arabisation qu’il considère excessive et qui a peur de voir ses ouailles succomber au discours musulman. Ce groupe va sortir des couvents, descendre sur les places publiques et dénoncer l’islam, soulevant ainsi une vague de réactions. Selon les textes juridiques, les musulmans traitent le problème en appliquant la charia : les rebelles sont exécutés ou jetés dans le Guadalquivir. Les fugitifs émigrent vers le nord ou se terrent dans les monastères. De 1126 à 1170, beaucoup de chrétiens sont déportés au Maghreb, où ils vont constituer une communauté religieuse et sociale importante. À la fin du IXe siècle, tous les chrétiens sont arabisés. En 946, on voit apparaître la première traduction (du latin à l’arabe) du Nouveau Testament. Le pourquoi de cette traduction et de son utilisation est multiforme : tout d’abord, les chants de psaumes en arabe étaient devenus l’instrument pour écrire et s’éduquer. Ensuite, si la liturgie est toujours célébrée en latin, l’acte de prier (lecture dominicale et homélie) dans la langue qu’on comprend est une nécessité pour affirmer la foi, fermer la porte aux hérésies... et contrer l’islamisation. Une troisième possibilité est posée : ces Évangiles auraient été commandés par les califes pour comprendre le christianisme afin de mieux le combattre. M.M
C’est à l’amphithéâtre de la Bibliothèque orientale (Université Saint-Joseph) que le philologue Philippe Roisse s’est penché sur la question des « Chrétiens mozarabes d’al-Andalous ». Organisée par le Centre de documentation et de recherches arabes chrétiennes (CEDRAC), cette manifestation s’inscrit dans le cadre du cycle de conférences ayant pour thème « Mois...