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Actualités - CHRONOLOGIE

La rage au cœur de Gabriel Murr, de sa famille et des jeunes aounistes(photos)

À quoi peuvent bien ressembler quelques heures de la journée électorale d’un candidat qui se présente pour la toute première fois à une élection partielle ? À quoi peuvent bien ressembler les minutes d’un combat – celui d’un homme et de « toute » son équipe – qui n’a pas laissé de place au(x) doute(s) ? Mais sur lequel ont reposé les très minces espoirs de la majorité de l’opposition. Dimanche 2 juin est une très longue journée. De rage au cœur. 07h00, l’ambiance, au téléphone, de ce qui se passe au siège de la MTV à Naccache. Résumable en une phrase : « Nous voulons que chaque vote se fasse dans l’isoloir, derrière le rideau. » On ne parle que de la circulaire distribuée par le ministère de l’Intérieur à tous les chefs de bureau de vote dès trois heures du matin. Autorisant les électeurs, s’ils le souhaitent, à glisser leur bulletin dans l’enveloppe à l’extérieur de cet isoloir. 07h05, Sin el-Fil : les délégués aounistes indiquent qu’on les a « autorisés à être scrutateurs uniquement dans les bureaux où ils votent ». Le chef du bureau laisse l’électeur choisir, à sa convenance, l’isoloir ou pas l’isoloir : « Honnêtement, comment voulez-vous que je travaille ? Jisr et Murr disent chacun quelque chose », hurle-t-il en prenant L’Orient-Le Jour à partie. S’ensuit une épique discussion autour de l’article 49, jusqu’à ce qu’un membre des FSI vienne claironner, c’en est presque risible, que « les journalistes n’ont droit qu’à deux minutes dans le bureau de vote ». 07h34, Dékouaneh : le fief du frère aîné. Partout les photos de Michel Murr au-dessus du nom de sa fille candidate. Dans les bureaux, au moment où l’on s’arrête, l’isoloir est respecté, et le chef du bureau parle de directives très précises adressées par le ministère de l’Intérieur et par le caïmacamat. Une électrice, arborant la casquette bleue au nom de Myrna Murr : « Nous avons la loi pour nous. » « Tu ne comprendras jamais rien » 07h55, Michel Gabriel Murr, au téléphone : « Un lieutenant des forces de l’ordre a déchiré les rideaux de l’isoloir à Zalka. À Bteghrine, deux chefs de bureau ont passé outre l’isoloir et ont empêché les caméras de filmer. » 08h00, Mkallès : pour la première fois, un scrutateur de Ghassan Moukheiber. « C’est David contre Goliath », nous dit-il, avant de demander à un votant de s’en aller dans l’isoloir. « La municipalité et son président, William Khoury, travaillent d’arrache-pied pour Myrna Murr. Il l’a appuyée officiellement. » Son collègue de chez Gabriel Murr sourit. Il surenchérit : « Les délégués de Myrna donnent leur carte d’électeur aux naturalisés, les emmènent voter et leur reprennent la carte. » 08h22, Fanar : le moukhtar du village donne de main en main le bulletin Myrna Murr aux électeurs. Sourires complices. L’agressivité est totale. Les FSI interdisent de prendre en photo le moment où le bulletin est glissé dans l’urne. On demande si l’isoloir est respecté. Le scrutateur de Myrna Murr est prêt à bondir : « Cette loi a été publiée ce matin et on va l’exécuter. Il n’y a que les médias pour créer des problèmes. » Le président de la municipalité, Georges Salamé, s’emporte contre le FSI et le scrutateur, et répète qu’il exige une entière liberté et une entière démocratie, que le photographe a le droit d’exercer son métier. Et en repartant, ce dialogue surpris entre deux électrices qui arrivaient ensemble, deux amies : « Laisse-moi tranquille, moi je veux voter pour tous les services que Michel Murr m’a rendus », dit la première. « Toute ta vie, tu ne comprendras jamais rien », rétorque la seconde. 08h45, Broummana, puis Baabdate. Ambiance particulièrement citoyenne. « Il n’y a que le vieux qui ne peut pas marcher qui n’a pas été dans l’isoloir. » Les forces de l’ordre sont dans le bureau, mais ça ne semble déranger personne. Ici, les photographes peuvent exercer leur métier. Chaque officier semble être maître en son espace de vote. Une femme en noir, très digne : « Le Metn est à 80 % avec Gabriel Murr. Vous verrez. » 09h25, Bickfaya. Les électeurs s’embrassent, se saluent. Les membres des services de renseignements sont partout, en civil. Le taux de participation est pour l’instant très faible : 8 %. 09h42, Khenchara. Des femmes nous répondent à voix haute : « La loi stipule l’utilisation de l’isoloir, et nous sommes avec la loi. Avec tout ce que nous inculque Farès Souhaid. » Les scrutateurs parlent de beaucoup de violations : « Il y a dèjà quatre ou cinq personnes qui sont venues voter, et je n’ai pas leurs noms sur ma liste d’électeurs. » Mais reconnaissent que le chef du bureau est parfait. Gabriel Murr est là. La cousine de Georges Haoui, à côté de lui, affirme qu’elle s’est vu refuser le droit de vote, comme toutes les femmes ayant 6 et 17 comme numéros de registre civil. Elle exhibe sa carte électorale toujours valide. L’œil du cyclone 10h10, Bteghrine. L’œil du cyclone. Pour un délégué de Gabriel Murr, il y en a neuf pour le tandem père-fille. « Notre délégué itinérant a été chassé d’un des bureaux des femmes par le chef du bureau de vote », explique un pro-Gabriel. Ici, l’isoloir est laissé au bon plaisir de l’électeur. Ici, les agents des renseignements en civil entrent et sortent sans aucun laissez-passer. On monte. Au haut de l’escalier, une haie d’honneur distribue les bulletins Myrna. Au centre de cette haie, la maman de la candidate, Sylvie Murr. Tout en bleu – la couleur de sa fille. Hoda Gabriel Murr est en rouge – la couleur de son mari. Dans ce fameux bureau de vote pour les femmes, « l’insupportable » chef fait entrer les électrices cinq par cinq. On leur demande de s’isoler pour voter. Comme si de rien n’était. La fille de Gabriel Murr, Carole, est dans le bureau, avec son frère Jihad. « Ce président dit aux votants que, s’ils le désirent, ils peuvent éviter l’isoloir. À moi, il me menace : “Si encore une fois tu me parles de ce rideau...” Il interdit les photos. Dans tous les cas, celui ou celle qui va voter pour mon père le fera en silence », dit-elle. Et explique que tous les votants qui utilisent l’isoloir sont pointés sur les listes et leurs noms envoyés direction la machine électorale de Myrna Murr. 11h10, Bteghrine, toujours. « L’équipe de Myrna Murr vient de fabriquer sur place des cartes pour des votants qui n’en avaient pas. » Dixit l’équipe sur place de Gabriel Murr. 13h00 : ce dernier nous informe au téléphone que les enveloppes ont été cachetées d’avance par le ministère de l’Intérieur et comportent trois signatures. Au lieu de celles du chef du bureau et de deux délégués présents sur place. Et puis c’est Karine Lahoud Murr, l’épouse du ministre de l’Intérieur, qui arrive sous les vivats. Elle embrasse sa belle-mère et se dirige vers le bureau de vote, où, accompagnée d’une véritable foule, elle glisse, sans aller dans l’isoloir, son bulletin dans l’urne. 13h25 : Michel Murr arrive à Bteghrine. Dans un brouhaha incommensurable et dans le plus pur des folklores libanais, il est porté à bout de bras par ses groupies jusqu’au bureau de vote, pendant qu’il salue sa foule en manquant étouffer de par l’indescriptible cohue. Et pendant tout le temps où il discourt, interrompu constamment par les vénérations de ses gens, pendant qu’il rappelle que Georges Haoui, l’allié de son frère, a été déchu de ses droits civiques, pendant qu’il crache sans ambages sur la MTV, pendant qu’il s’enorgueillit, devant toutes les caméras du pays, de ne pas utiliser l’isoloir, pendant qu’il assène que c’est sa fille qui incarne les libertés et la démocratie, et pendant qu’il prévoit une victoire de 70 % pour celle-ci, son neveu Jihad, debout à deux pas de lui, ne le quitte pas des yeux. Les bras croisés. Le menton qui tremble. Et force est de parier que beaucoup de courage et de dignité lui ont été nécessaires pour lui permettre de résister à la tentation de répondre aux allégations de son oncle. L’ancien vice-président du Conseil parti, le chef du bureau se souvient qu’il se doit de « poursuivre les élections ». 14h30 : l’écart sera de plus ou moins 2 000 voix 13h50, Bteghrine, la maison mitoyenne à l’école où l’on vote. Gabriel Murr et sa famille se reposent quelques minutes. Le temps pour ce dernier de souligner à L’Orient-Le Jour qu’il avait appelé le Premier ministre Rafic Hariri. « Il m’a dit qu’il allait faire ce qu’il avait à faire. » On lui raconte l’intervention de son frère dans le bureau de vote (« C’est ça la démocratie ? »), on lui demande s’il ne faut pas beaucoup de courage pour être à Bteghrine (« C’est notre village avant toute chose »), il affirme que « s’il n’y a pas de duplicata à Bourj Hammoud, il y aura des surprises », rappelle que les pronostics « varient de 20 % ». Il avoue que la participation n’est pas aussi importante qu’il le pensait. Il assure que si l’écart entre lui et sa nièce est de deux ou trois milliers de voix en la faveur de cette dernière, « c’est évidemment une victoire ». Il estime enfin que l’écart entre lui et sa rivale sera de plus ou moins 2 000 voix. Huit heures avant que sa machine électorale n’annonce sa victoire contre sa rivale avec quelque 1 700 voix d’écart... Une dernière chose, sur la route du retour : 15h45, l’arrêt à Baskinta. Et deux certitudes. Que la « machine » des aounistes est impressionnante. Par sa présence, sa patience, son abnégation et sa détermination à tout faire pour assurer la victoire du poulain du général Aoun. Quant aux militants kataëbs-opposition et PNL, ils étaient évidemment là, mais en moindre nombre, et pour leur part, sans brassards. Et que 95 % des personnes qui avaient, hier au Metn, le courage d’exprimer publiquement leurs opinions, étaient des femmes. « Cette bataille, c’est celle des femmes ». Dixit un très jeune délégué horrifié par la lâcheté de ces hommes « baraqués comme des armoires à glace ». Ziyad MAKHOUL
À quoi peuvent bien ressembler quelques heures de la journée électorale d’un candidat qui se présente pour la toute première fois à une élection partielle ? À quoi peuvent bien ressembler les minutes d’un combat – celui d’un homme et de « toute » son équipe – qui n’a pas laissé de place au(x) doute(s) ? Mais sur lequel ont reposé les très minces espoirs de la...