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Actualités - CHRONOLOGIE

Myrna Murr Aboucharaf, discrète, laisse à son père l’ivresse des bains de foule(photos)

Serrant d’un bras sa petite fille Nayla et de l’autre le cou de l’homme qui le porte, Michel Murr jubile. Entamée vers midi, sa tournée des bureaux de vote est une succession de bains de foule, en terrain quasiment conquis. Après la fièvre des derniers jours, il affiche une grande confiance dans la victoire. Et c’est bien de la sienne qu’il s’agit, sa fille, Myrna Murr Aboucharaf n’ayant fait que lui prêter son nom et étant restée tout au long de cette campagne, et même le jour des élections, fidèle à son image discrète, au point de se faire surnommer la candidate fantôme. Après une campagne qui a surpris par sa violence, au point de faire dire au chef du parti Kataëb Karim Pakradouni : « Si les chrétiens avaient encore des armes, ils se seraient lancés dans une nouvelle guerre d’élimination », la journée électorale s’est déroulée dans un calme relatif. Peu de bureaux électoraux pour les candidats et encore moins de portraits. En tout cas, de Myrna Murr, il n’y a pas de photos. Seuls des slogans, en banderoles ou en stickers, pour chanter ses louanges sont visibles dans les rues ou sur les voitures. Selon des proches de la famille, c’est à contrecœur qu’elle aurait présenté sa candidature et elle aurait précisé qu’elle ne se prêterait pas aux contraintes d’une campagne aussi féroce. Elle s’est donc contentée de participer à un meeting à Bourj Hammoud et de rendre quelques visites, laissant son père faire le reste. Dimanche, elle a effectué une brève apparition, le temps d’aller voter. À Mansourieh, elle est accueillie par des aounistes qui clament des slogans en faveur de leur héros. Accompagnée de son mari, elle se contente de sourire en faisant le V de la victoire et se refuse à la moindre déclaration, avant de se rendre à Sin el-Fil, où elle consent à commenter l’opération électorale en précisant qu’il s’agit d’un scrutin démocratique et que chacun s’exprime comme il veut. Elle s’évapore ensuite dans la nature, d’ailleurs superbe au Metn. Pour suivre cette candidate, c’est donc aux pas de son père qu’il faut coller. Discret au départ, le convoi ne cesse de grandir L’ancien vice-président du Conseil, sérieusement malmené par ses ennemis politiques et surtout par son frère, veut être la vedette de cette journée décisive. Selon ses proches, il aurait été terriblement blessé par les propos de Gabriel et, même si cette bataille devait être la dernière, il souhaiterait la mener jusqu’au bout, en première ligne. Après la pression des derniers jours, il affiche une grande confiance dans la victoire. Sa machine électorale, rodée depuis des années, a compté et recompté les voix et elle lui a affirmé que sa fille ne pouvait que l’emporter. Reste à déterminer l’écart des voix. C’est à cela que, selon ses proches, on mesurera l’ampleur de la victoire. Contrairement aux échéances précédentes, sa maison de Bteghrine et celle de Rabieh sont fermées et c’est sans ses alliés qu’il se lance dans la tournée des bureaux de vote, avec pour seule compagne sa petite fille, Nayla, mobilisée à fond dans cette bataille. À son départ de Rabieh, le convoi est discret : la Mercedes à la plaque d’immatriculation n° 55 et deux Jeeps. Mais au fur et à mesure qu’il se rapproche de Bickfaya, d’autres voitures s’y joignent et, à Bteghrine, c’est le délire. Michel Murr descend sur la place et est aussitôt porté par la foule jusqu’au bureau de vote. Ses partisans scandent frénétiquement des slogans du genre : « Michel Murr-Liban », avec une adoration bruyante. Et lui, mal à l’aise sur les épaules du costaud qui le porte, salue la foule, sa cravate fuchsia donnant des couleurs à ses joues, heureux de voir que les efforts de tant d’années portent leurs fruits. Les partisans se déchaînent et lorsque l’on demande à l’un d’eux pourquoi il aime Michel Murr, il s’écrie véritablement choqué : « Pourquoi ? Il a toujours été là lorsque nous avons eu besoin de lui. Il est serviable, efficace et reconnaissant. Ce n’est pas comme l’autre (son frère) qui l’a trahi. Nous n’aimons pas les traîtres, ici, ceux qui divisent les familles ». Sur sa lancée, le jeune homme en oublie de suivre le convoi et, se rendant compte qu’il a été distancé, il met un terme à l’entretien. À Bteghrine, la plupart des habitants semblent appuyer Michel Murr. C’est d’ailleurs l’un des rares villages où les portraits de son frère sont discrets. Ici, Michel Murr se sent chez lui et les applaudissements en provenance du bureau de vote complètent le tableau. D’ailleurs, dès son entrée dans le bureau, les représentants de Gabriel Murr en sortent, téléphones portables à l’oreille. Mais les groupes rivaux ne parviendront pas toujours à s’éviter. Au niveau de la vallée des Crânes (entre Bteghrine et Baskinta), le convoi de Michel Murr croise celui des partisans de son frère, tous drapeaux dehors. La route est étroite et le pire est à craindre, mais aucun échange n’a lieu, chacun poursuit sa route. À Baskinta, à Chouar et dans les autres villages, la même scène se reproduit : Michel Murr et sa petite fille sont portés à bout de bras, sous les vivats d’une foule en transe. Ce qui n’empêche pas certaines personnes présentes de détourner la tête avec mépris. « Je suis choquée, marmonne une femme. C’est insultant pour nous, ce folklore ». L’homme qui l’accompagne la fait rapidement taire et tous deux poursuivent leur chemin. Un peu plus loin, un vendeur de manakiches regarde la scène d’un air dubitatif. Sa mère étant la cousine de Michel et donc de Gabriel Murr, il est devant un dilemme quasi cornélien. « Mais qu’est-ce qui leur a pris de se déchirer ainsi ? Chaque soir, nous étions en train d’allumer des bougies pour qu’ils parviennent à trouver un candidat de compromis. Et maintenant, nous sommes dans de beaux draps ». Nombreux sont les Metniotes qui partagent l’opinion du vendeur. C’est d’ailleurs pourquoi, affirment les proches de Michel Murr, malgré tous ses efforts, l’opposition n’a pas réussi à mobiliser plus de 50 % des électeurs. Dans cette proportion, ils estiment que Myrna ne peut que l’emporter. « Ce n’est pas parce qu’ils utilisent à fond leur télé, avec toute la haine qui les anime, qu’ils peuvent convaincre les gens... » Mille dollars d’escompte si Myrna est élue... Pour les proches de Michel Murr, Gabriel a réussi à transformer cette bataille en une lutte entre l’opposition et les loyalistes, mais son succès n’ira pas plus loin. « Ils vont commencer à crier à la fraude, mais dès le début, les chiffres n’étaient pas en leur faveur, alors ils feront feu de tout bois ». Ces sympathisants de l’ancien vice-président du Conseil ont dépassé le stade du dégoût. Ils ne veulent penser qu’à la victoire, toute autre éventualité étant écartée d’emblée. Ils précisent d’ailleurs qu’à Bickfaya, le taux de participation est assez faible, ce qui prouverait, selon eux, que cheikh Amine Gemayel n’a pas mobilisé tous ses partisans. Par contre, le parti Kataëb a mis sa machine électorale à la disposition de Myrna Murr, mais les partisans de son père n’ont pas voulu trop en parler, pour ne pas irriter la base opposante au parti. La tournée se termine sur la côte, à Amaret Chalhoub exactement, où Michel Murr s’installe pour attendre les résultats. Un vendeur de voitures, très excité, promet à un acheteur éventuel un escompte d’un millier de dollars sur une « Mercedes chabah », si Myrna Murr est élue. L’autre s’empresse de noter l’offre par écrit, pour pouvoir en profiter, le cas où... Les bureaux sont maintenant fermés et la tension monte, en dépit du calme apparent. Les partisans de Myrna Murr se plaignent de ce qu’ils appellent « la dictature de la MTV » et reconnaissent que cette bataille a été l’une des plus dures à mener. Quelle que soit son issue, elle éclaboussera tous ceux qui y ont été mêlés. Un jeune homme lance : « Le siège d’Albert Moukheiber méritait mieux que ces déchirements. Une fois de plus, la scène chrétienne donne un affligeant spectacle. Nous sommes peut-être une démocratie, mais où sont les démocrates ? » Une question qui reste posée. Scarlett HADDAD
Serrant d’un bras sa petite fille Nayla et de l’autre le cou de l’homme qui le porte, Michel Murr jubile. Entamée vers midi, sa tournée des bureaux de vote est une succession de bains de foule, en terrain quasiment conquis. Après la fièvre des derniers jours, il affiche une grande confiance dans la victoire. Et c’est bien de la sienne qu’il s’agit, sa fille, Myrna Murr...