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Actualités - ANALYSE

Le scandale de l’isoloir entache l’opération électorale Les leçons d’un scrutin pas comme les autres

Un scrutin en tout point caricatural. C’est ainsi que l’on pourrait qualifier les circonstances dans lesquelles s’est déroulée l’élection législative partielle du Metn-Nord. Les traditionnelles troupes locales de chansonniers n’auraient sans doute pas mieux fait. Un vieux routier de la politique, au comportement patriarcal, qui lance dans l’arène sa fille pour croiser le fer avec son frère alors que son fils n’est autre que le ministre de l’Intérieur, censé veiller au bon déroulement du scrutin mais qui ne s’est pas empêché de prendre position publiquement – à partir de son bureau du ministère – en faveur d’un candidat (sa sœur) contre un autre (son oncle). Ce cas de figure est, certes, burlesque. Mais nous ne sommes pas, après tout, au paradis de la démocratie. Ce n’est certainement pas aujourd’hui, à la lumière de circonstances connues de tous, que l’on peut espérer obtenir l’organisation d’une consultation électorale dans des conditions non pas exemplaires, mais tout au moins un peu plus qu’acceptables. Sur le plan du fond, les considérations familiales, claniques, communautaires et régionales ont toujours jalonné la vie politique au Liban, de l’extrême sud à l’extrême nord du pays, en passant par les régions les plus urbanisées. Le Liban, c’est cela. Ce sont les sensibilités communautaires diverses et le poids que les grandes familles politiques ont acquis dans l’histoire ancienne et contemporaine du pays qui sont à la base des spécificités qui font l’entité libanaise. Il reste qu’un tel réalisme dans la perception des particularismes locaux ne saurait occulter les graves égarements de M. Élias Murr. Comment le pouvoir peut-il encore prétendre vouloir édifier un État de droit lorsque le ministre de l’Intérieur s’emploie à violer purement et simplement la loi électorale en vigueur (votée en l’an 2000) en autorisant officiellement, par le biais d’une circulaire administrative, le vote sans isoloir ? Comment le citoyen moyen peut-il avoir confiance en l’État lorsque le ministre de l’Intérieur pousse indirectement les électeurs à faire fi de l’article 49 de la loi électorale (sur le caractère obligatoire de l’isoloir), laissant ainsi la porte ouverte à toutes sortes de manœuvres d’intimidation alors que sa mission devrait être, bien au contraire, de réunir les conditions requises pour assurer, autant que possible, le respect du vote secret et libre ? Les propos tenus hier matin par M. Élias Murr sur ce plan constituent, en outre, une véritable insulte à l’intelligence des Libanais. S’étonnant de tout le tapage – à ses yeux injustifié – fait autour de l’affaire de l’article 49, le ministre de l’Intérieur a affirmé que ceux qui insistent pour que les électeurs utilisent l’isoloir le font pour faciliter la corruption électorale ! C’est, décidément, le monde à l’envers... Au-delà de tous ces points noirs qui ont entaché ce scrutin pas comme les autres, l’opération électorale d’hier ne manque pas, malgré tout, d’intérêt politique. C’est en effet la première fois depuis Taëf que tous les courants de l’opposition chrétienne participent en masse à une élection législative, mettant fin ainsi à la politique de boycott qu’ils pratiquaient depuis près de douze ans. Dans la presque totalité des localités du Metn-Nord, les jeunes militants aounistes étaient présents, hier, en force, à l’entrée des bureaux de vote pour participer activement à la bataille électorale de Gabriel Murr. Le Parti national libéral, les Forces libanaises et le Bloc national sont également sortis, pour la première fois depuis 1990, de leur réserve concernant la participation aux législatives. À ce titre, l’élection partielle d’hier pourrait constituer un tournant dans la vie politique locale. Elle prépare, en quelque sorte, le retour des fractions chrétiennes radicales dans l’arène politique traditionnelle. Et elle pave sans doute la voie à une vaste participation de la coalition de ces courants chrétiens au scrutin de 2005. Le résultat enregistré hier a apporté la preuve irréfutable qu’en unissant ses forces et en resserrant ses rangs, l’opposition est en mesure, contre vents et marées, de remporter une victoire face aux forces occultes du pouvoir en place. L’expérience du 2 juin pourrait constituer le catalyseur à une nouvelle dynamique politique qui devrait entraîner les dirigeants à tenir compte enfin – il n’est jamais trop tard – de la réalité de la rue chrétienne. Le déferlement populaire enregistré hier soir dans divers secteurs du Metn ne saurait être négligé ou minimisé. Le pouvoir devra tirer les conséquences des scènes auxquelles les Libanais ont assité tard dans la nuit : des milliers de partisans du courant aouniste, des Forces libanaises, du courant kataëb favorable au président Amine Gemayel et du Parti national libéral qui ont envahi les rues de Naccache, Jal el-Dib et Jdeidé, brandissant, côte à côte, des portraits du président Gemayel, du président-martyr Béchir Gemayel, du général Michel Aoun, de M. Samir Geagea et de M. Dory Chamoun. Désormais, il y aura sans doute un « avant » et un « après » 2 juin. Aux différentes fractions de l’opposition chrétienne d’en tirer aussi les conclusions. Et de prouver qu’elles sauront faire preuve de maturité pour rester unies et préparer l’avenir. Michel TOUMA
Un scrutin en tout point caricatural. C’est ainsi que l’on pourrait qualifier les circonstances dans lesquelles s’est déroulée l’élection législative partielle du Metn-Nord. Les traditionnelles troupes locales de chansonniers n’auraient sans doute pas mieux fait. Un vieux routier de la politique, au comportement patriarcal, qui lance dans l’arène sa fille pour croiser...