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Actualités - OPINION

Flop machine

M. Élias Michel Murr a de qui tenir. Il s’est résolu à le démontrer avec éclat, alors qu’au début de son apprentissage ministériel, il lui avait paru judicieux, pour son propre look, de se démarquer prudemment de son géniteur et digne prédécesseur à la tête de l’Intérieur. Mais l’astuce cosmétique ne pouvait raisonnablement perdurer : on l’avait constaté déjà lors des brutalités policières de l’été dernier, exercées contre des jeunes manifestants et demeurées impunies malgré les promesses du ministre. Voici que M. Murr ajoute à son palmarès, désormais bien chargé, une élection partielle battant tous les records d’irrégularité, tant au niveau de la préparation que du déroulement. Qu’il se rassure, la tradition est sauve. Mieux encore, elles ont aussi le sens de l’innovation, les générations nouvelles. Les cars bourrés de Libanais de fraîche date, dont maints étaient incapables de préciser devant les caméras de télévision le prénom ou même le sexe du candidat pour la gloire duquel on les avait amenés comme des moutons bêlants ? Du déjà-vu, depuis que M. Murr père s’était approprié, comme réservoir d’électeurs à vie, une tranche substantielle des naturalisations décrétées sous le régime Hraoui. Les registres électoraux truffés d’erreurs ou sciemment trafiqués, la mobilisation des édiles municipaux, les interventions de certains responsables et agents des Forces de sécurité intérieure (sans parler des autres services moins voyants) ? De l’histoire ancienne, resservie à chaque consultation, dans la plus pure tradition des républiques bananières. Ce qu’on n’avait jamais vu en revanche, ce que nul n’avait seulement osé imaginer, c’est un ministre, spécifiquement chargé pourtant de veiller au respect absolu de la loi électorale, violant scandaleusement celle-ci par la voie d’une très officielle circulaire qui rend facultatif l’usage, pourtant élémentaire, de l’isoloir. Ce que M. Murr prétendait ainsi supprimer, c’est l’unique protection que ce fruste morceau de linge, pendouillant misérablement dans les coins des bureaux de vote, continue malgré tout d’offrir aux électeurs face aux pressions, intimidations et achats éhontés de voix. C’est d’une bien belle logique – et d’une mentalité plus édifiante encore – que procède l’initiative de M. Murr : sous les cieux bénis de la principauté du Metn, puisqu’il ne s’agissait hier que de ce mohafazat, tout votant est tenu d’annoncer la couleur, ce qui est fort pratique quand il va s’agir de récompenser les bons électeurs et de punir les mauvais. C’est à cette fin que tourne d’ailleurs, depuis des années, une puissante « machine » dite électorale, dont les préposés tiennent une rigoureuse comptabilité des suffrages ; couplée avec la fédération des conseils municipaux du Metn, l’organisation est notoirement pourvoyeuse, entre autres prestations, de services et de sévices administratifs (notamment en matière immobilière car on a là affaire à des spécialistes), toutes manœuvres propres à influencer sensiblement les intentions de vote. Fils de Qui-Vous-Savez, beau-fils de Vous-Savez- Qui, mobilisé à fond pour sœurette contre tonton malgré le devoir de réserve que lui commandait sa charge, choquant les Libanais en entreprenant, la semaine dernière, de déballer publiquement le linge sale de la famille, M. Élias Murr avait en réalité perdu la bataille avant même qu’il ne s’avisât de s’en prendre au sacro-saint isoloir. Il a perdu – et avec lui le pouvoir – d’abord parce que le candidat de l’opposition Gabriel Murr a enregistré un score qui – dans tous les cas de figure et quelque acrobatique qu’ait été la manipulation nocturne des urnes – fait clairement de lui le grand vainqueur de ce scrutin. Le pouvoir a perdu ensuite parce que ce même score est chargé de promesses de renouveau dans la perspective du scrutin de 2005, surtout si l’opposition parvient entre-temps à surmonter ses propres contradictions. Le pouvoir a perdu enfin parce que c’est sur lui tout entier, jusque dans ses plus hautes sphères, que rejaillit le scandale. Lequel met en question la survie d’un cabinet dont plusieurs membres se sont joints en effet au concert de protestations indignées qui a salué l’incroyable sortie de M. Murr. L’ultime, la finale, la définitive, aimerait-on croire. Issa GORAIEB
M. Élias Michel Murr a de qui tenir. Il s’est résolu à le démontrer avec éclat, alors qu’au début de son apprentissage ministériel, il lui avait paru judicieux, pour son propre look, de se démarquer prudemment de son géniteur et digne prédécesseur à la tête de l’Intérieur. Mais l’astuce cosmétique ne pouvait raisonnablement perdurer : on l’avait constaté...